S880 - Des champions de sports d’endurance ne suivent pas les recommandations usuelles quant à l’affûtage

Les athlètes de pointe en sports d’endurance accumulent un volume d’entraînement annuel qui peut osciller entre 500 h (course de fond) et 1000 h (aviron, natation, cyclisme, triathlon). La distribution annuelle de l’intensité d’entraînement de ces athlètes se caractérise par un rapport d’environ 80-20 (basse intensité-haute intensité). Cependant, très peu de données sont disponibles permettant d’apprécier la charge d’entraînement d’athlètes ayant connu du succès dans des compétitions majeures.

La formule recommandée d’affûtage consiste à réduire de 40 % à 60 % le volume des séances tout en maintenant leur fréquence et leur intensité. Toutefois, aucune étude ne fait état des stratégies d’affûtage « de terrain » utilisées par les meilleurs athlètes d’endurance.

L’objectif de l’étude était de décrire la charge d’entraînement d’athlètes de l’élite internationale en ski de fond et en biathlon, particulièrement pendant l’affûtage.

Quatre hommes (VO2max ≈ 85,0 ± 5,2 ml/min/kg) et sept femmes (VO2max ≈ 72,9 ± 2,8 ml/min/kg) ayant remporté une médaille d’or en championnat du monde ou aux Jeux olympiques en ski de fond ou en biathlon ont été inclus dans cette étude.

Les données suivantes ont été compilées :

- Objectif de la séance (force, endurance ou sprint);
- Nature de l’activité (ski, ski à roulette, course à pied ou cyclisme);
- Temps d’entraînement selon la zone d’intensité :
Zones 1 et 2 = basse intensité (EBI) 54-83 % de la FCmax,
Zones 3 à 5 = haute intensité (EHI) 84-100 % de la FCmax;
- Période ou phase d’entraînement (préparation générale et spécifique, compétitions, pré-affûtage ou affûtage).

Caractéristiques générales : 770 ± 99 heures d’entraînement (64 % de l’entraînement exécuté dans des activités « spécifiques »), réparties comme ceci :
- endurance : 94 ± 3 %;
- force : 5 ± 2 %;
- sprint : 1 ± 1 %.

Le volume relatif d’entraînement « spécifique » a augmenté au fil de la saison (≈50 % en préparation générale à ≈ 90 % en période de compétition). Un mode d’entraînement « spécifique » semble être déterminant pour augmenter le VO2max et la performance des athlètes.

Distribution de l’intensité
- EBI : 91 ± 1 % (zone 1 : 86 ± 3,4 % et zone 2 : 5,3 ± 3,0 %);
- EHI : 9 ± 1 % (zone 3 : 3,3 ± 0,9 %, zone 4 : 3,3 ± 1 %, zone 5 : 2,1 ± 1 %).

Bien que l’EHI soit décrit par certains auteurs comme un mode d’entraînement supérieur à l’EBI, les données recueillies dans le cadre de cette étude indiquent que les meilleurs athlètes d’endurance tendent à adopter un modèle d’entraînement polarisé qui intègre ces deux types de charge et qui contient une très forte proportion d’EBI.

La fréquence et la durée d’entraînement en zones 3 et 4 ont été maintenues entre la période de préparation et la période de compétition, tandis que la fréquence d’entraînement en zone 5 a augmenté et le volume d’EBI a diminué.

Affûtage

Volume
Aucune réduction significative du volume d’entraînement n’a été observée entre la phase précédant l’affûtage (3-6 semaines avant la compétition) et la phase d’affûtage (2 dernières semaines avant la compétition). Ces résultats contrastent avec les recommandations de Bosquet et ses collègues qui ont conclu d’une méta-analyse qu’une réduction d’environ 50 % du volume d’entraînement au cours de cette période permet d’optimiser les effets ergogènes de l’affûtage. Même lorsque comparées à la période de préparation générale, la réduction moyenne de 32 ± 15 % du volume observée lors la phase d’affûtage est inférieure à ces recommandations.

Fréquence et intensité
Aucune différence dans la fréquence d’entraînement n’a été observée entre la phase d’affûtage et les autres périodes. Néanmoins, la fréquence d’EBI a diminué (21 ± 24 %) passant de 8 à 6 séances/semaine (préparation générale contre phase d’affûtage), permettant ainsi une augmentation significative (40 ± 27 %) de la fréquence d’EHI (2 à 3 séances/semaine ; essentiellement zone 5 et sprint). À cet égard, de brefs et fréquents efforts d’EHI (>90 % VO2max) semblent plus efficaces que l’EBI pour améliorer la performance en sports d’endurance à court terme et présentent donc certains avantages en période d’affûtage.

Récupération
Pendant la phase d’affûtage, les athlètes ont profité de la majorité de leurs journées de repos de 12 à 6 jours avant la compétition. Seulement trois athlètes ont pris congé dans les cinq derniers jours précédant la compétition majeure. D’autres études (course à pied) suggèrent qu’un entraînement journalier dans les six derniers jours de l’affûtage s’accompagne de gains significatifs de performance, tandis que de prendre davantage de journées de repos (un jour sur trois) n’entraîne pas d’amélioration.

Conclusion et applications

Chez les sportifs de pointe en ski de fond et biathlon :
- Au moins 80 % du volume d’entraînement annuel est exécuté en EBI.
- Entre les périodes de préparation et de compétition :
- la proportion de séances d’entraînement exécutées dans des activités spécifiques augmente,
- le volume d’EBI diminue,
- la fréquence d’EHI en zone 5 augmente.
- La phase d’affûtage se caractérise par une réduction (≈30 %) du volume d’entraînement, une diminution (≈20 %) de la fréquence d’EBI et une augmentation (≈40 %) de la fréquence d’EHI (zone 5 et sprint), par rapport à la période de préparation générale (et non celle de pré-affûtage).
- La possibilité que les variations de la charge d’entraînement observées dans la période de compétitions soient davantage le fruit de contraintes associées au calendrier de compétitions qu’à des manipulations préméditées de la part des entraîneurs n’est pas à exclure.

Cette étude ne permet pas d’affirmer que l’affûtage utilisé par ces athlètes est meilleur que celui généralement recommandé. Chose certaine, les entraîneurs qui seraient tentés d’en faire l’essai auraient avantage à faire un suivi assidu de l’état de fatigue des athlètes.

Source primaire

Tnønessen E et coll. (2014) The road to gold: Training and peaking characteristics in the year prior to a gold medal endurance performance. PLoS One 9(7):15-7.
www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/25019608

Rédacteur

Philippe T. Richard, Université Laval

Éditeur

Guy Thibault
Ph. D., Direction du sport et de l’activité physique, gouvernement du Québec; Département de kinésiologie de l’Université de Montréal; et INS Québec

Mots-clés

entraînement polarisé, Affûtage, intensité, quantification, endurance

Lectures suggérées

Seiler S. (2010) What is best practice for training intensity and duration distribution in endurance athletes? Int J Sports Physiol Perform 5(3):276-91.
Bosquet L et coll. (2007) Effects of tapering on performance: A meta-analysis. Med Sci Sports Exerc 39(8):1358-65.
Foster C et coll. (1995) Effects of specific versus cross-training on running performance. Eur J Appl Physiol Occup Physiol 70(4):367-72.
Skovgaard C et coll. (2016) Combined speed endurance and endurance exercise amplify the exercise-induced PGC-1α and PDK4 mRNA response in trained human muscle. Physiol Rep 4(14):e12864.
Orie J et coll. (2014) Thirty-eight years of training distribution in olympic speed skaters. Int J Sports Physiol Perform 9(1):93-9.
McNeely E et D Sandler (2007) Tapering for Endurance Athletes. Strength Cond J 29(5):18.
Mujika I et coll. (2000) Physiological responses to a 6-d taper in middle-distance runners: Influence of training intensity and volume. Med Sci Sports Exerc 32(2):511-7.

Sports ciblés

cyclisme, natation, course à pied, ski de fond, biathlon, triathlon, aviron, patinage de vitesse longue piste et tous les autres sports d’endurance

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