S867 - L’entraînement polarisé s’accompagnerait d’une amélioration plus marquée de la performance en course à pied que l’entraînement où l’accent est mis sur des intensités qui se rapprochent de celles correspondant au seuil anaérobie

Pour les sports d’endurance, on sait que l’entraînement par intervalles (EPI) améliore davantage les déterminants de la performance que l’entraînement de type continu. On sait aussi que les sportifs ne peuvent faire que des séances avec des fractions d’effort d’intensité élevée. On ignore toutefois comment répartir les séances d’intensité plus ou moins élevée. Faut-il accumuler plus ou moins de minutes à des intensités faibles, moyennes ou élevées?

On a longtemps pensé que l’entraînement à des intensités égales ou proches du seuil anaérobie était le plus approprié pour repousser ce seuil et, donc, améliorer la performance. Mais, de plus en plus de scientifiques pensent que cela donne des résultats décevants et augmente le risque de fatigue excessive, comparativement à l’entraînement pratiqué à d’autres intensités. Par ailleurs, l’examen de l’entraînement de certains athlètes d’élite indique qu’ils s’entraînent relativement peu à des intensités égales ou proches du seuil anaérobie. En réalité, ils ont souvent tendance à privilégier des séances d’EPI à des intensités plus élevées, tout en accumulant un volume important à des intensités plus faibles que celles avoisinant le seuil anaérobie.

Deux chercheurs indépendants (Stephen Seiler et Paul Laursen) ont avancé l’idée que la formule idéale consisterait à mettre l’accent sur les pôles d’intensités élevées et faibles, tout en évitant la plage d’intensités proches du seuil anaérobie. C’est ce que l’on appelle l’entraînement polarisé.

Dans cette recherche, 30 coureurs de fond de niveau récréatif ont suivi l’un ou l’autre des programmes d’entraînement suivants :
1) groupe 1 : entraînement polarisé;
2) groupe 2 : entraînement mettant l’accent sur des intensités comprises entre les deux seuils ventilatoires.

On a apprécié la répartition des intensités en établissant le temps d’entraînement accumulé dans chacune des trois zones d’intensités suivantes :
• zone 1 : sous le premier seuil ventilatoire (moins d’environ 78 % de la fréquence cardiaque maximale ?FCM], soit autour de 144 bpm pour des coureurs dont la FCM se situe entre 182 et 187 bpm);
• zone 2 : entre le premier et le second seuil ventilatoire;
• zone 3 : au-dessus du second seuil ventilatoire (plus d’environ 91 % de la FCM, soit autour de 168 bpm pour des coureurs dont la FCM se situe entre 182 et 187 bpm).

Après une période préparatoire de 8 semaines d’entraînement identique, les sujets ont fait 6 semaines de préparation spécifique et 4 semaines de compétitions. Le temps passé en zone 1, 2 et 3 était, respectivement de :
• 77 %, 3 % et 20 % dans le groupe 1 (entraînement polarisé),
• 46 %, 35 % et 19 % dans le groupe 2 (intensités situées entre les deux seuils).

Avant et après ces 10 semaines d’entraînement polarisé ou non, tous les sujets ont participé à une compétition de course à pied de 10 km.

Résultats

Les deux groupes ont significativement amélioré leur performance au 10 km :
• groupe 1, entraînement polarisé : 39 min 18 s par rapport à 37 min 19 s, soit une amélioration de 5,0 %;
• groupe 2, entraînement avec intensités situées entre les deux seuils : 39 min 24 s par rapport à 38 min 0 s, soit une amélioration de 3,6 %.

Notamment à cause du nombre restreint de sujets, l’amélioration de 5,0 % associée à l’entraînement polarisé ne ressort pas comme statistiquement supérieure à l’amélioration de 3,6 % du groupe d’entraînement mettant l’accent sur des intensités situées entre les deux seuils. A priori, cette étude ne permet donc pas de conclure que l’entraînement polarisé est plus efficace.

Cependant, les chercheurs arrivent à d’autres conclusions en effectuant une autre série d’analyses. Ils ont comparé les résultats des six coureurs qui s’étaient le plus entraînés en zone 1 (78 % en zone 1, 11 % en zone 2 et 11 % en zone 3) à ceux des six sujets qui s’étaient le plus entraînés en zone 2 (32 % en zone 1, 53 % en zone 2 et 16 % en zone 3).

Cette analyse subséquente révèle que l’entraînement polarisé donne de meilleurs résultats. L’amélioration de la performance au 10 km atteint alors 7,0 % chez les coureurs du premier groupe et seulement 1,6 % chez ceux du second. Pourtant, les coureurs des deux groupes ne différaient pas sous les aspects suivants : années d’expérience, performance antérieure en course à pied, temps accumulé d’entraînement pendant la recherche.

Les auteurs croient que, pour les coureurs de niveau récréatif, l’entraînement véritablement polarisé est supérieur à l’entraînement mettant l’accent sur les intensités situées entre les deux seuils. Autrement dit, ils auraient avantage à s’entraîner aux deux pôles d’intensité et à éviter la plage d’intensités entre les deux seuils.

Reste à savoir si l’entraînement polarisé donne d’aussi bons résultats pour des coureurs d’élite et dans d’autres sports que la course de fond. Chose certaine, les conclusions de cette recherche vont dans le même sens que celles de trois autres études (Ingham et coll., 2012; Neal CM et coll., 2013; Stöggl et Sperlich, 2014).

Il faudra cependant mener d’autres recherches pour bien cerner les fourchettes d’intensité de fractions d’effort qui améliorent le plus les qualités physiques et la performance. En effet, il reste beaucoup de questions sans réponses, notamment les suivantes.
• Est-ce que l’amélioration plus prononcée associée à l’entraînement polarisé ne tient qu’au fait que les coureurs étaient moins fatigués lorsqu’ils effectuaient leurs séances à intensité plus élevée?
• Est-ce que l’accumulation de minutes d’entraînement à intensité faible est absolument nécessaire?
• Est-ce qu’on pourrait obtenir des améliorations plus prononcées si les séances d’EPI à intensité élevée comprenaient des fractions d’effort d’intensités encore plus élevées? (Des recherches récentes portent à le croire.)
• Existe-t-il une intensité minimale sous laquelle l’entraînement ne s’accompagne d’aucun effet bénéfique?
• Si les séances d’entraînement ciblant la plage d’intensités située entre les deux seuils ventilatoires étaient effectuées de façon intermittente (ex. 30 x 90 s à 85 % du VO2max avec 60 s de récupération entre les répétitions) plutôt que continue, s’accompagneraient-elles de plus grandes améliorations?

Quoi qu’il en soit, il semble que l’entraînement à des intensités égales ou proches du seuil anaérobie n’est pas le plus approprié pour améliorer la performance dans les sports d’endurance.

Source primaire

Muñoz I et coll. (2014) Does polarized training improve performance in recreational runners? Int J Sports Physiol Perform 9:265-72.
www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/23752040

Rédacteur

Xavier Bonacorsi
étudiant en kinésiologie, Université Laval

Éditeur

Guy Thibault
Ph. D., Direction du sport et de l’activité physique, gouvernement du Québec; Département de kinésiologie de l’Université de Montréal; et INS Québec

Mots-clés

Intensité d’entraînement, entraînement au seuil anaérobie, entraînement polarisé, seuil ventilatoire

Lectures suggérées

Ingham SA et coll. (2012) Training distribution, physiological profile, and performance for a male international 1500-m runner. Int J Sports Physiol Perform 7:193–95.
www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/22634971

Laursen PB et DG Jenkins (2002) The scientific basis for high-intensity interval training: Optimising training programmes and maximising performance in highly trained endurance athletes. Sports Med 32(1):53-73.
www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/11772161

Neal CM et coll. (2013) Six weeks of a polarized training-intensity distribution leads to greater physiological and performance adaptations than a threshold model in trained cyclists. J Appl Physiol 114:461-71.
http://jap.physiology.org/content/jap/114/4/461.full.pdf

Stöggl T et B Sperlich (2014) Polarized training has greater impact on key endurance variables than threshold, high intensity, or high volume training. Front Physiol 5:33.
www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3912323/pdf/fphys-05-00033.pdf

Sports ciblés

Course de fond et autres sports d’endurance

Imprimer Ajouter à mes favoris Haut de page


© Institut national du sport du Québec,