S742 - Sans effets nuisibles, la cryothérapie corps entier pourrait accélérer récupération et guérison de blessures

La cryothérapie corps entier, ou traitement par le froid intense, consiste en l’exposition à de l’air très froid, entre -110 °C et -140 °C, dans une chambre prévue à cet effet (chambre de cryothérapie), généralement durant deux à trois minutes. Originalement inventée pour soulager la douleur et les symptômes inflammatoires des patients atteints notamment de fibromyalgie, d’arthrite et d’autres troubles rhumatiques, cette thérapie est désormais utilisée par les athlètes pour récupérer plus rapidement d’une blessure musculaire, accélérer la récupération et prévenir les symptômes de surentraînement. En Allemagne, cette technique est utilisée depuis plusieurs années pour favoriser la récupération après l’effort et elle fait tranquillement sont entrée dans d’autres pays, notamment la France.

L’étude des effets de la cryothérapie chez l’athlète est essentielle, à la fois pour déterminer la sécurité de l’approche, ses effets bénéfiques ou nuisibles sur la performance sportive. Il faudra aussi vérifier si la cryothérapie pourrait masquer un produit dopant ou encore engendrer des effets qui pourraient laisser croire que l’athlète consomme des produits dopants.

Peu d’études ont été menées chez les athlètes, mais la revue de littérature de Banfi et ses collaborateurs recense les travaux effectués chez des participants en santé ou physiquement actifs. On s’est surtout penché sur les effets physiologiques, biochimiques et hématologiques de la cryothérapie corps entier.

Fonction pulmonaire – La cryothérapie ne semble pas avoir d’effet délétère sur la fonction pulmonaire. À noter que l’on fourni un masque chirurgical aux athlètes pour réchauffer l’air inspiré.

Hématologie – On avait fait l’hypothèse que la cryothérapie pouvait stimuler la moelle osseuse. Toutefois, des études menées auprès de joueurs de rugby et de hockey sur glace ne soutiennent pas cette idée. La cryothérapie serait au contraire associée à une diminution transitoire de la quantité d’érythrocytes (globules rouges) et d’hémoglobine (protéine chargée du transport de l’oxygène, constituante des érythrocytes) en circulation et de l’hématocrite (proportion de globules rouges contenus dans le sang par rapport au volume total du sang). Elle pourrait toutefois réduire l’hémolyse (destruction des globules rouges) induite par l’exercice très intense.

Capacité antioxydante – La cryothérapie génère un stress oxydatif, en augmentant la production de dérivés réactifs de l’oxygène. Toutefois, des traitements répétés sont associés à des adaptations favorisant le maintien de l’équilibre pro et antioxydant. Ces adaptations seraient encore plus importantes lorsque la thérapie précède ou accompagne un entraînement intense.

Immunologie et inflammation – On a mesuré des marqueurs d’infection et d’inflammation chronique chez des athlètes soumis à un traitement de cryothérapie. Cette thérapie ne semble pas réduire l’efficacité du système immunitaire. Au contraire, elle stimulerait ce système, en plus d’être associée à une augmentation de la concentration des cytokines anti-inflammatoires et une diminution de celle des cytokines pro-inflammatoires. Les chercheurs avancent l’idée que l’effet anti-inflammatoire de la cryothérapie pourrait être à la base de ses autres effets positifs.

Enzymes musculaires – L’exercice physique de haute intensité est associé à des « bris » musculaires, qui se traduisent par une augmentation de la concentration sanguine de créatine kinase musculaire. La cryothérapie a été associée à une diminution marquée des niveaux sériques de créatine kinase chez des joueurs de rugby et des kayakistes. Ainsi, on observe une diminution des dommages musculaires lorsque l’entraînement est accompagné de séances de cryothérapie.

Marqueurs cardiaques – La cryothérapie corps entier est-elle mauvaise pour le cœur? La cryothérapie est associée à une augmentation du tonus parasympathique cardiaque. Toutefois, le corps s’adapte à la cryothérapie répétée, de sorte qu’après trois mois de traitement, l’augmentation du tonus parasympathique est limitée. De plus, aucun dommage du muscle cardiaque n’a été associé à la cryothérapie. Ainsi, la cryothérapie ne serait pas délétère pour la fonction cardiaque des athlètes.

Hormones – La cryothérapie n’a pas d’effet sur la mise en circulation des hormones thyroïdiennes et hypophysaires. Toutefois, elle induit une diminution des niveaux de testostérone et d’estradiol. Pendant une thérapie prolongée, le corps s’habitue, de sorte que les niveaux de cortisol et d’adrénaline n’augmentent plus avec l’intervention. Mais les niveaux plasmatiques de noradrénaline augmentent de 2 à 3 fois après chaque exposition, même après plusieurs semaines de traitement.

Les chercheurs concluent que la cryothérapie corps entier n’aurait pas d’effets nuisibles chez l’athlète et qu’elle n’est pas associée à des modifications biochimiques ou sanguines qui pourraient laisser croire à l’utilisation de produits dopants. Toutefois, il faudra mener d’autres recherches pour mieux cerner les effets de la cryothérapie sur la récupération et la guérison des blessures. Les effets anti-inflammatoires et antioxydants observés dans les études menées auprès d’athlètes, jumelés aux effets bénéfiques sur l’hémolyse et les dommages tissulaires normalement associés à l’exercice physique intense, laissent présager un effet positif sur la guérison et la récupération.

Reste aussi à savoir si une telle technique a des effets supérieurs aux bains de glace, qui demandent des installations moins spécialisées. C’est ce qu’affirment les chercheurs de l’Institut national du sport de l’expertise et de la performance (INSEP), à Paris (voir lectures suggérées). Ils croient également que la cryothérapie effectuée avant un effort (qu’ils nomment pre-cooling), pourrait améliorer la puissance musculaire. Une future étude de l’INSEP devrait porter sur le sujet. Une méta-analyse suggère que les pratiques de pre-cooling peuvent avoir un effet positif sur l’endurance, mais très peu sur la performance au sprint (voir lectures suggérées).

Source primaire

Banfi G et coll. (2010) Whole-body cryotherapy in athletes. Sports Med 40(6):509-17.
www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/20524715

Rédacteur

Myriam Paquette
B.Sc., étudiante à la maîtrise en physiologie de l’exercice

Éditeur

Guy Thibault
Ph. D., Direction du sport et de l’activité physique, gouvernement du Québec; Département de kinésiologie de l’Université de Montréal; et INS Québec

Mots-clés

Cryothérapie corps entier, traitement par le froid, récupération, Blessures

Lectures suggérées

Hausswirth C et coll. (2011) Effects of whole-body cryotherapy vs. far-infrared vs. passive modalities on recovery from exercise-induced muscle damage in highly-trained runners. PLoS One 6(12):e27749.
www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/22163272

Wegmann M et coll. (2012) Pre-cooling and sports performance: A meta-analytical review. Sports Med 42(7):545-64.
www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/22642829

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