S26 - Les tireurs (plateau) maintiennent une meilleure stabilité des fixations visuelles pendant plus longtemps

Dans les conditions spécifiques de leur sport, les athlètes présentent une supériorité dans les tâches visuo-motrices complexes, par rapport aux non athlètes. Par contre, cet avantage est plus controversé dans les tâches élémentaires standardisées de laboratoire. Toutefois, des différences entre spécialités sportives se retrouvent dans certaines conditions non spécifiques de tâches élémentaires : lorsqu'il existe une période préparatoire permettant l'anticipation, et lorsque l'on s'intéresse aux stratégies attentionnelles. À la différence du tireur sur cible, le tireur sur plateau ("au pigeon d'argile") ne sait pas à l'avance d’où va partir la cible (de sa droite ou de sa gauche) ni la direction qu'elle va prendre. De la position d'attente (regard droit devant), le tireur doit donc rapidement détecter la cible (par une saccade), épauler, viser et tirer (2 coups possibles) pour atteindre le plateau d'argile dans un temps relativement court.Cette étude analyse les performances de tireurs élites dans une tâche élémentaire visuo-motrice en condition non spécifique de leur sport : la stabilité de fixation d'une cible pendant une seconde, destinée à évaluer l'effet de la fatigue (durée) et de l'attention sélective (absence vs présence de distracteurs).

MÉTHODE

Population :

Les 7 tireurs professionnels (âge moyen : 27 ans) ont une expérience internationale (9 ans en moyenne), s'entraînent au moins 16 heures par semaine et participent aux championnats nationaux et internationaux. Les 8 sujets contrôles ont un âge moyen de 29,4 ans. Tous les participants ont une vision normale et un œil droit dominant. Tâche : Une croix blanche (la cible) est présentée pendant 60 s dans un cercle blanc (0,3°) au centre d'un écran noir. En condition normale, la cible est présentée seule. En condition avec distracteurs, un cercle rouge (0,4°) est présenté pendant 150 ms après un intervalle variable (de 500 ms à 1 500 ms) à 1,5° ou 3° de la cible blanche sur l'un des 8 méridiens possibles.

Protocole :

Dans les 2 conditions (normal et distracteurs), le sujet doit fixer la cible centrale sans bouger les yeux pendant une seconde. Les mouvements de l'œil droit sont enregistrés avec un système de réflexion pupillaire. Les variabilités des fixations (écart type des déviations angulaires par rapport au point de fixation) de chaque groupe (tireurs/contrôle) sont calculées dans chaque condition (normal/distracteurs) sur chaque plage temporelle (0 à 30 secondes/30 à 60 s), et les clignements de la paupière (interprétés comme un signe de fatigue) sont également enregistrés.

RÉSULTATS

La figure 1 (https://notyss.com/savoirsport/downloadfile?id=700&fichier=S26_figure1.doc ) présente les valeurs moyennes de la variabilité des fixations. Seule l'interaction Groupe/Tâche/Temps est statistiquement significative (F1,13 = 5,1 ; p < 0,05). Chez les tireurs, la stabilité des fixations est la même dans les 2 conditions et sur les 2 plages temporelles. Ils sont plus stables que le groupe contrôle en présence de distracteurs sur les 2 plages temporelles (p < 0 ; 005 et p < 0,001, respectivement pour la première et la seconde plage). Pour le groupe contrôle, la variabilité des fixations augmente pendant la deuxième plage temporelle (p < 0,01) quand des distracteurs sont présents. Le nombre moyen de clignements de paupière en 60 s, est significativement (U = 28 ; p < 0,05) plus faible chez les tireurs (0,3) que dans le groupe contrôle (9).

CONCLUSIONS

L'expérience sportive modifie les performances dans une tâche visuo-motrice élémentaire non spécifique réalisée en laboratoire. Cette tâche peut donc être utilisée pour évaluer le tireur en dehors du pas de tir.

Bien que chacun de nous soit un expert en mouvement des yeux (3 saccades et 3 fixations par seconde dans la vie de tous les jours), les tireurs experts montrent une meilleure stabilité de fixation sur 60 s, traduisant une meilleure sélection attentionnelle et une absence de fatigue.

Source primaire

Fixation stability and saccadic latency in elite shooters DI RUSSO F., PITZALI S. and SPINELLI D. 2003 Vision Research, 43, 1837 – 1845.

Rédacteur

Jean-François Stein
Laboratoire Mouvement, Action et Performance, département des sciences du sport, INSEP
http://labomouvement.campus-insep.com

Éditeur

Chantalle Thépaut-Mathieu
Docteur es sciences, chef du département des sciences du sport, INSEP
http://sciences.campus-insep.com

Mots-clés

Fixation du regard, mouvement oculaire, perception visuelle, Stratégie, tir sportif, Analyse de la performance

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TREMAYNE P. & BARRY F.-J. Physiological patterning of best vs worst shots. 2001 International Journal of Psychophysiology, 41, 19-29.

WILLIAMS A.-M., DAVIDS K., BURWITZ L. & WILLIAMS J.-G. Visual search strategies in experienced and inexperienced soccer players. 1993 Research Quaterlyfor Exercice and Sport, 65, 127-135.

Sports ciblés

Tir, course, sprint

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