S35 - Mesure de la fréquence cardiaque : applications pratiques et limitations

INTRODUCTION

L’utilisation du cardiofréquencemètre est largement répandue dans la communauté sportive. Cet appareil, dont la fiabilité et la précision sont similaires à celles de l’électrocardiogramme médical, donne en temps réel une rétroaction sur la fréquence cardiaque au repos, aussi bien qu’à l’effort. Plusieurs applications possibles de la mesure de la fréquence cardiaque ont été proposées :

1) mesurer la variabilité de la fréquence cardiaque;
2) quantifier l’intensité de l’entraînement;
3) détecter le surentraînement;
4) estimer la dépense énergétique; et
5) prédire la consommation maximale d’oxygène (VO2max).

En synthétisant les résultats de plus de 160 recherches scientifiques, cet article présente un sommaire des connaissances actuelles en ce qui à trait aux applications et aux limitations de la mesure de la fréquence cardiaque chez le sportif.

PRINCIPALES APPLICATIONS

Mesure de la variabilité de la fréquence cardiaque :

La variation du temps écoulé entre deux battements cardiaques (bpm) est appelée variabilité de la fréquence cardiaque (VFC). Cette mesure est couramment utilisée pour apprécier le tonus sympathique. Une VFC basse est associée à un risque accru de problèmes cardiaques. Au repos, la VFC peut varier sous l’influence de nombreux facteurs, notamment l’âge, le sexe, la fréquence respiratoire et la position du corps. Les athlètes d’endurance ont souvent une VFC supérieure aux personnes sédentaires, mais les mécanismes qui permettraient d’expliquer ce phénomène sont mal connus.

Bien que la VFC soit une méthode simple et non invasive de mesurer l’activité du système nerveux autonome, l’utilité de cette mesure dans le suivi de l’état d’entraînement du sportif demeure discutable.

Quantification de l’intensité de l’entraînement :

À l’effort sous maximal, une relation linéaire existe entre la fréquence cardiaque et la consommation d’oxygène (VO2) et, par conséquent, le cardiofréquencemètre est un outil pratique et couramment utilisé par les athlètes et entraîneurs pour évaluer l’intensité de l’entraînement.

La relation FC-VO2 étant individuelle, la quantification de l’intensité de l’entraînement à l’aide de la fréquence cardiaque nécessite un test maximal au cours duquel la relation FC-VO2 est cernée. La FC à l’effort ne pouvant, par définition, dépasser la FC maximale, cette méthode ne permet pas d’estimer l’intensité d’efforts supramaximaux (séances de vitesse, sprint, musculation, etc).

Des méthodes de mesure du seuil anaérobie basées sur cette relation ont été proposées (ex : test de Conconi) mais leur validité a été fortement remise en question.

DÉTECTION, PRÉVENTION DU SURENTRAÎNEMENT

À l’heure actuelle, aucun indicateur objectif unique ne permet de détecter le surentraînement même si la fréquence cardiaque et la VFC sont étroitement liées à l’activité sympathique et parasympathique. Ainsi, il a été suggéré que le suivi de ces variables puisse permettre de déceler l’apparition d’un état de surentraînement.

Cependant, la fréquence cardiaque à l’effort sous maximal n’est pas toujours modifiée en présence de surentraînement. Il a également été observé que la fréquence cardiaque maximale pouvait être soit plus basse, soit identique à la normale chez des athlètes surentraînés et que la fréquence cardiaque de repos était une mesure peu fiable, parce qu’elle varie selon des facteurs externes difficilement contrôlables.

Bien que de plus amples recherches soient nécessaires pour confirmer les résultats publiés à ce jour, il semble que seule la VFC pendant le sommeil puisse être un outil potentiellement efficace pour détecter le surmenage sportif.

Il est toutefois important de noter que les résultats des rares études menées sur la relation surentraînement – VFC ne sont pas tous concordants et donc, ne permettent pas de conclure avec certitude que la VFC peut être un indicateur qui permette de détecter les signes précoces du surentraînement.

ESTIMATION DU VO2max ET DE LA DÉPENSE ÉNERGÉTIQUE

De nombreux test d’effort sous maximaux utilisent la relation FC-VO2 pour estimer le VO2max. Ces tests utilisent une estimation de la fréquence cardiaque maximale pour établir la relation FC-VO2 et, de ce fait, peuvent avoir une marge d’erreur de 10 à 20 %. Certains cardiofréquencemètres récents proposent une formule de calcul du VO2max. Bien que cette formule n’ait été validée qu’auprès d’une population d’adultes « en santé » de 20 à 60 ans, elle permet d’estimer le VO2max avec une assez bonne précision (2,2 %). Reste à savoir si cette formule permet d’estimer correctement le VO2max d’athlètes entraînés.

À cause de l’importante variabilité interindividuelle de la fréquence cardiaque maximale et de la relation FC-VO2, le calcul de la dépense énergétique (DE) à partir de la relation FC –DE est d’une précision douteuse. Facteurs déterminant la FC à l’effort Même mesurée à l’aide du meilleur équipement, la FC à l’effort ne fournit un bon indice de l’intensité sous-maximale de l’effort que lorsque sa fluctuation d’un jour à l’autre n’est pas trop importante et que les conditions environnementales et les caractéristiques physiologiques du sportif sont relativement « normales ».

FACTEURS PHYSIOLOGIQUES

Même lorsqu’elle est mesurée en environnement strictement contrôlé, la variabilité intra individuelle quotidienne de la FC est d’environ 2 à 4 battements par minute. Cette variabilité intrinsèque doit être prise en compte lorsque les fréquences cardiaques sont utilisées pour prescrire l’intensité de l’entraînement.

La déshydratation augmente la FC à l’effort. Au cours d’un effort prolongé à intensité constante, la FC peut augmenter jusqu’à 15 % lors d’efforts de 5 à 60 minutes. C’est ce que l’on appelle la dérive cardiaque.

FACTEURS ENVIRONNEMENTAUX

À une même puissance de travail, la FC est plus élevée en environnement chaud (jusqu’à 10 bpm) que lorsque le même exercice est réalisé en environnement tempéré. Par conséquent, l’utilisation de fourchettes de fréquences cardiaques établies en environnement tempéré aura pour effet de surestimer l’intensité de l’effort en environnement chaud.

En environnement froid, la fréquence cardiaque à l’effort est similaire à celle mesurée en environnement tempéré, mais la consommation d’oxygène est plus élevée. Dans ces conditions, l’utilisation de fourchettes de fréquences cardiaques établies en environnement tempéré aura pour effet de sous-estimer l’intensité de l’effort en environnement froid.

En altitude, la FC augmente alors que le VO2 demeure identique. Ainsi, la relation FC-VO2 établie au niveau de la mer ne peut être utilisée en altitude sans surestimer l’intensité de l’effort.

CONCLUSION

La technologie actuelle permet la mesure précise et fiable de la fréquence cardiaque dans de multiples conditions environnementales.

Toutefois, les connaissances concernant les applications pratiques de ces mesures sont limitées et même si l’utilisation du cardiofréquencemètre est largement répandue, de nombreux facteurs méthodologiques, physiologiques et environnementaux peuvent perturber la réponse cardiaque individuelle et limiter de façon importante l’utilité pratique du suivi de la fréquence cardiaque.

Source primaire

Achten J, Jeukendrup AE. Heart rate monitoring: applications and limitations.Sports Med 2003; 33(7):517-38.

Rédacteur

François Gazzano
B.Sc., Services des Sports Universitaires, Université de Moncton, Centre Multisport Atlantique et Athletemonitoring.com
www.athletemonitoring.com

Éditeur

Guy Thibault
Ph. D., Direction du sport et de l’activité physique, gouvernement du Québec; Département de kinésiologie de l’Université de Montréal; et INS Québec

Mots-clés

fréquence cardiaque, validité, variabilité, entraînement, cardiofréquencemètre, préparation à la performance, gestion de la compétition, technologies appliquées à la performance sportive

Lectures suggérées

Leicht AS, Allen GD, Hoey AJ. Influence of intensive cycling training on heart rate variability during rest and exercise.Can J Appl Physiol 2003; 28(6):898-909.

Hedelin R et al. Short-term overtraining: effects on performance, circulatory responses, and heart rate variability. Med Sci Sports Exerc 2000; 32(8):1480-4.

Hilloskorpi H et al. Factors affecting the relation between heart rate and energy expenditure during exercise.Int J Sports Med 1999; 20(7):438-43.

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