S189 - Les plus grandes vitesses de course sont atteintes en intensifiant les forces d’appui au sol et non en augmentant la vitesse de mouvement des jambes.

INTRODUCTION

En course à pied, la vitesse est le résultat du produit de la fréquence et la  longueur des foulées (vitesse = fréquence x longueur des foulées). Cette relation entre les différents composants mécaniques de la vitesse peut être représentée par l’équation suivante : V = Freq  x Fmoy/Pc x Lc (V = vitesse, Freq = fréquence des contacts, Fmoy = force appliquée au sol durant le contact, Pc = poids corporel, Lc = distance sur laquelle le corps se déplace vers l’avant lors de la phase d’appui au sol).

Bien qu’il soit, à ce jour, assumé que les coureurs munis d’une majorité de fibres musculaires rapides possèdent une fréquence de foulée maximale plus élevée et que les sujets possédant des jambes longues peuvent produire des foulées plus longues, les mécanismes qui permettent d’atteindre des vitesses de courses maximales sont mal connus.

Une revue des publications scientifique portant sur le sujet permet de mettre en évidence les points suivants :

1)      La durée du repositionnement des membres inférieurs après le contact au sol représente la plus grande partie de la durée d’une foulée.
2)      La fréquence maximale des foulées tend à être similaire entre les coureurs, peu importe leur niveau de performance.
3)      Chez l’humain la durée du contact au sol varie peu et dépend de la vitesse de course.
4)      Les athlètes les plus rapides produisent des foulées considérablement plus longues que les sujets de niveau inférieurs, malgré des longueurs de jambes, des fréquences de foulée et des durées de contact au sol comparables.
5)      Les coureurs les plus rapides semblent être en mesure d’appliquer au sol des forces plus importantes que les autres.

La présente recherche poursuivait l’objectif suivant : démontrer que chez l’humain, les vitesses de course les plus élevées sont produites grâce un accroissement de la force appliquée au sol et non grâce une réduction de la durée de repositionnement des segments lors de la phase aérienne de la foulée.

SUJETS ET MÉTHODE

Vingt-quatre hommes (poids = 74,4 ± 8,0 kg) et neuf femmes (poids = 60,8 ± 5,8 kg) physiquement actifs et d’un âge compris entre 18 et 36 ans ont participé à l’étude. Ces sportifs possédaient des aptitudes au sprint très différentes et ont réalisé des sprints à vitesse maximale sur un tapis roulant équipé d’une plate-forme de force. Tous les sujets ont réalisé une série de sprints à différentes vitesses sous maximales et maximales sur le tapis roulant à pente nulle. Cinq sujets ont réalisé les même tests sur le tapis à pente positive (+ 9°) et négative (- 6°).

Les forces appliquées au sol, la durée des foulées, la durée du repositionnement des segments, les temps de contact au sol et la fréquence des foulées ont été calculés à partir des signaux de force verticale enregistrés lorsque le sujet évoluait à sa vitesse maximale.

Les forces relatives appliquées au sol par chaque sujet lors de chaque sprint, ont été calculées en divisant la force appliquée au sol par la masse corporelle du sujet.

RÉSULTATS

L’analyse des mesures prélevées a permis aux chercheurs d’effectuer les observations suivantes:

1)      Cinématique de la course en fonction de la vitesse

Bien que les sujets évalués aient démontré des aptitudes au sprint très différentes et, que les vitesses de course maximales atteintes par chaque coureur aient varié en fonction de l’inclinaison du tapis roulant, les mécaniques de course employées pour passer d’une vitesse faible à leur vitesse maximale ont été comparables : la vitesse a tout d’abord été augmentée grâce à un allongement de la longueur des foulées et, à l’approche de la vitesse maximale, grâce à une accélération de la fréquence des foulées.

2)      Vitesses maximales

L’étendue des vitesses maximales mesurées a été de 6,2 à 11,1 m/s. Les vitesses les plus élevées ont été mesurées lors de sprints réalisés en pente négative.  

3)      Durées du repositionnement des segments

Les durées du repositionnement des segments après le contact au sol n’ont pas varié de façon significative entre les sujets (0,373 ± 0,03 s). Pour l’ensemble des coureurs, rapides et moins rapides, évoluant à vitesse maximale, la durée du repositionnement des segments a été similaire. Seule la course en pente négative a permis de mesurer des temps de repositionnement plus rapides (de l’ordre de 3/100 de seconde). A titre d’illustration, le sujet le moins rapide ayant participé à l’étude repositionnait ses segments en vue de la foulée suivante aussi vite que le champion Olympique de 1996 (0,344 vs 0,320 s).

4)      Durées des contacts au sol

A vitesse maximale, les durées de contact au sol ont été significativement supérieures chez les coureurs les plus rapides. Toutefois, lorsque les sujets du même sexe ont été comparés entre eux, ces différences ont disparu.

5)      Fréquences des foulées

A vitesse maximale les fréquences des foulées ont été significativement supérieures chez les coureurs les plus rapides (1,8 – 2,4 foulées/s) La pente du tapis n’a pas influencé la fréquence de foulée maximale (pente nulle = 2,19 ± 0,01 foulées/s; pente positive = 2,19 ± 0,02 foulées/s; pente négative = 2,17 ± 0,04 foulées/s).

6)      Longueur des foulées

A vitesse maximale les longueurs de foulées ont été significativement supérieures chez les coureurs les plus rapides (2,9 – 4,9 m). Les longueurs de foulées mesurées lors des sprints en pente négative ont été significativement supérieures à celles mesurées dans les autres conditions (pente nulle = 4,2 ± 0,12 m; pente positive = 3,3 ± 0,10 m; pente négative = 4,6 ± 0,14 m).

7)      Forces appliquées au sol

Les forces appliquées à la surface de course par les coureurs les plus rapides ont été significativement supérieures (jusqu’à 1,8 fois plus grandes). Les temps d’envol (0,128 ± 0,004 s) n’ont pas varié en fonction de la vitesse de course et ce, pour l’ensemble des coureurs, lors de la course en pente nulle. Les temps d’envol, mesurés lors des sprints réalisés en pente négative, ont étés significativement supérieurs  (0,131 ± 0,01 s) à ceux mesurés dans les deux autres conditions.

Si les coureurs rapides et moins rapides ont été capables de produire des impulsions équivalentes et, par conséquent, d’obtenir des temps d’envol similaires, il semble que les mécanismes qui ont permit de produire ces impulsions soit différents selon le niveau de performance du coureur. En effet, les coureurs rapides ont appliqué une plus grande force au sol pendant une très courte période, alors que les coureurs plus lents ont appliqué une force moindre plus longtemps. A titre d’exemple, les forces mesurées chez un coureur évoluant à 11,1 m/s ont été 1,26 fois supérieures à celles mesurées chez un coureur évoluant à 6,2 m/s.

Les forces appliquées au sol pour une même vitesse de course ont été supérieures (jusqu’à +0,5 fois le poids du corps) lors des tests en pente négative, bien que les durées des contacts au sol aient été similaires.

LIMITES DE L'ÉTUDE

La principale limite de l’étude consiste dans le fait que les sujets de l’étude étaient des personnes physiquement actives et non des sprinters de haut niveau. La réalisation d’une étude similaire sur une population plus homogène et représentative de la haute performance pourrait permettre de confirmer ou d’infirmer les conclusions de la présente recherche.

Également, l’étude ne permet pas d’identifier les mécanismes exacts qui permettent d’expliquer la production de force accrue chez les coureurs les plus rapides.

CONCLUSION

Cette étude permet de parvenir aux conclusions suivantes :

1)      La rapidité du repositionnement des segments après le contact au sol a un effet négligeable sur la vitesse maximale de course.
2)      Les coureurs les plus rapides, sont capables de générer des forces au sol plus importantes que des coureurs moins performants.
3)      L’accroissement de la longueur des foulées et de la vitesse lors de la course en pente négative est due à une augmentation des forces appliquées au sol et non à une augmentation de la fréquence maximale des foulées.

Cette étude permet de mettre en évidence que l’accroissement de la performance en sprint repose principalement sur la capacité qu’à ou non l’athlète à appliquer de grandes forces à la surface de course. Cette étude permet de conclure que les coureurs les plus rapides atteignent des vitesses plus importantes non pas grâce à un repositionnement plus rapide des segments ou une fréquence de foulée plus importante mais simplement qu’ils ont la capacité d’appliquer des forces au sol plus importantes lors des phases d’appui.

Source primaire

Weyand P.G et coll. Faster top running speeds are achieved with greater ground forces not more rapid leg movements J Appl Physiol 89:1991–9, 2000.

Rédacteur

François Gazzano
B.Sc., Services des Sports Universitaires, Université de Moncton, Centre Multisport Atlantique et Athletemonitoring.com
www.athletemonitoring.com

Éditeur

Guy Thibault
Ph. D., Direction du sport et de l’activité physique, gouvernement du Québec; Département de kinésiologie de l’Université de Montréal; et INS Québec

Mots-clés

biomécanique, technique de course, Sprint, vitesse maximale, préparation à la performance

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De Koning JJ et coll. Longitudinal development of young talented speed skaters: physiological and anthropometric aspects J Appl Physiol 77(5):2311-7, 1994.

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Nummela A, Rusko H et Mero A EMG activities and ground reaction forces during fatigued and nonfatigued sprinting Med Sci Sports Exerc 26(5):605-9, 1994.

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