S891 - Les effets de la réduction ou de l’arrêt de l’entraînement soulignent l’importance de s’y remettre progressivement

Face à la crise sanitaire du début de 2020, les entraîneurs d’athlètes de haut niveau ont pris le maximum de mesures pour minimiser les conséquences fâcheuses du confinement, mais plusieurs ont été forcés d’interrompre complètement l’entraînement «spécifique». D’où la question : comment envisager un retour serein à l’entraînement habituel?

Examinons ce qui ressort de la littérature scientifique sur les effets de l’arrêt ou de la diminution de l’entrainement observés avant le début de la crise sanitaire.

À court terme, une réduction de la charge d’entraînement d’environ deux semaines peut être bénéfique en optimisant le niveau de forme et en favorisant la récupération. C’est d’ailleurs le principe sur lequel reposent les stratégies d’affûtage : le volume global d’entraînement est réduit, idéalement de 40 à 60 %, mais l’intensité est maintenue, ce qui s’accompagne d’améliorations de la performance dans pratiquement tous les sports et surtout chez les athlètes de haut niveau (améliorations allant de 0,5 à 6 %; moyenne : 3 %).

Lorsque la réduction du volume d’entraînement cardiorespiratoire se prolonge jusqu’à trois semaines, l’aptitude aérobie ne semble pas être affectée. C’est ce que suggère une étude menée par le professeur Rietjens et ses collègues, de l’Université de Maastricht (Pays-Bas). Ils ont demandé à douze jeunes cyclistes de bon niveau (VO₂max moyen près de 60 ml/kg/min) de se restreindre, pendant trois semaines, à trois sorties hebdomadaires de seulement deux heures (en continu à 68 % du VO₂max pour la moitié des sujets, et en intermittent à 53 et 83 % du VO₂max pour l’autre moitié), soit la moitié du volume hebdomadaire auquel ils étaient habitués. Les tests de laboratoire qui ont précédé et suivi cette période d’entraînement réduit ont révélé qu’aucun des indicateurs de forme n’avait diminué de manière significative. En fait, le VO₂max et la puissance aérobie maximale moyennes des sujets avaient légèrement augmenté (tant chez les cyclistes entraînés en continu que chez ceux entraînés en intermittent), mais les différences n’étaient pas statistiquement significatives. Ainsi, l’aptitude aérobie des athlètes d’endurance bien entraînés ne diminue pas lorsque la charge d’entraînement est réduite, même de façon substantielle, durant trois semaines.

Cependant, une réduction prolongée ou un arrêt complet de l’entraînement peut avoir des conséquences fâcheuses. Dans une étude classique parue en 1984, sept athlètes d’endurance (VO₂max entre 53,1 et 75,5 ml/kg/min) ont vu leur VO₂max réduit en moyenne de 7 % après seulement 12 jours de cessation de l’entraînement. Quant à l’endurance aérobie, cette facette de la condition physique est aussi affectée à la suite d’un arrêt complet de l’entraînement de trois à quatre semaines.

En 2013, notre groupe de recherche (Bosquet, Berryman, Dupuy, Mekary, Arvisais, Bherer et Mujika) faisait paraître une méta-analyse de 103 études concernant les effets de l’arrêt de l’entraînement sur les performances musculaires. Il en ressort notamment que :
- la cessation de l’entraînement de trois à quatre semaines réduit la force maximale, l’endurance de force et la puissance;
- ces effets délétères se manifestent de la même façon sans égard au sexe des participants, et peu importe que les efforts musculaires en jeu soient du haut ou du bas du corps.

Une étude indique que dans les sports où l’entraînement combiné de la force musculaire et de l’aptitude aérobie est recommandé, la performance diminue de 2 à 15 % après quatre semaines d’arrêt de l’entraînement. Une autre étude indique que chez des joueurs de football (soccer) de haut niveau, deux semaines de pause après la saison s’accompagnent d’une diminution de la capacité à répéter des sprints ainsi que de la performance dans des tests d’agilité.

De courtes périodes d’arrêt complet de l’entraînement de deux à quatre semaines mènent donc à des réductions importantes de plusieurs déterminants de la performance sportive. Il est crucial de mettre en place des stratégies visant à minimiser ces impacts. Malgré toute la bonne volonté des athlètes et des entraîneurs qui ont fait preuve d’une imagination remarquable pour maintenir un entraînement de qualité à la maison pendant le confinement, il n’en demeure pas moins que beaucoup d’athlètes auront été privés longtemps d’une pratique «spécifique». Le retour à la normale devra se faire de façon graduelle, car le niveau de forme aura sans doute régressé.

Une équipe internationale d’experts faisait récemment paraître un article d’opinion suggérant quelques pistes pour la reprise. Des Patriotes de la Nouvelle Angleterre (NFL) aux 76ers de Philadelphie (NBA) en passant par la fédération italienne des sports d’hiver, l’association de football du Qatar et le United States Olympic Committee, on s’entend sur quelques précautions importantes qui devront marquer le retour à la compétition. Il sera important d’envisager la reprise de l’entraînement en se rappelant que les athlètes manifesteront certainement des altérations musculo-tendineuses pouvant augmenter significativement le risque de blessures.

En 2011, il y a eu un conflit de travail au football professionnel américain (NFL), privant les joueurs de l’accès aux centres d’entraînement et aux ressources normalement dédiées à l’optimisation de la performance. Il s’en est suivi une augmentation marquée des blessures au tendon d’Achille lors des camps d’entraînement et de la saison. De façon encore plus frappante, la ligue de football (soccer) professionnelle allemande a enregistré au cours de la saison 2019-2020 du championnat un taux de 0,27 blessure par match (avant le confinement) qui a bondi à 0,88 lors de la première semaine du championnat post-confinement.

À la reprise de l’entraînement habituel après confinement, un écart important pourrait se manifester entre la perception du niveau de forme des athlètes et leur forme réelle. Le désir élevé de prendre part rapidement à des séances telles qu’elles étaient planifiées avant le confinement pourrait biaiser le jugement et mener à une inadéquation entre la charge d’entraînement planifiée ou souhaitée, et celle qu’il est possible d’envisager avec sérénité. Il est aussi fort probable qu’un calendrier de compétition condensé associé à des matchs ou épreuves à enjeu décisif à très court terme viendront augmenter le stress au sein des équipes sportives, à cause de l’urgence perçue de retrouver un niveau de forme optimal. Dans ce contexte, il apparaît donc crucial de mettre en place le soutien d’une équipe interdisciplinaire (entraîneur, médecin, préparateurs physique et mentaux, nutritionniste, physiologiste, biomécanicien, etc.) dont la mission sera de proposer le meilleur scénario possible compte tenu des exigences de la compétition et des effets du désentraînement.

Source primaire

Sarto F, FM Impellizzeri, J Spörri et al. (2020) Impact of potential physiological changes due to COVID-19 home confinement on athlete health protection in elite sports: a call for awareness in sports programming. Sports Med 10.1007/s40279-020-01297-6.

Rédacteur

Nicolas Berryman, Ph.D., professeur, Université du Québec à Montréal et physiologiste de l’exercice

Éditeur

Guy Thibault, Ph.D., Institut national du sport du Québec

Mots-clés

Désentraînement, Intensité d’entraînement, Pandémie, prévention, Reprise de l’entraînement

Lectures suggérées

Bosquet L, N Berryman, O Dupuy et al. (2013) Effect of training cessation on muscular performance: a meta-analysis. Scand J Med Sci Sports 23:e140‐9.

Bosquet L, N Berryman et I Mujika (2018) Managing the training load of overreached athletes: Insights from the detraining and tapering literature. In : M. Kellmann et J. Beckmann (éditeurs), Sport, Recovery, and Performance: Interdisciplinary Insights (p. 87-107). Abingdon : Routledge.

Rietjens GJWM, HA Keizer, H Kuipers et WHM Saris (2001) A reduction in training volume and intensity for 21 days does not impair performance in cyclists. Br J Sports Med 35:431-4.

Sousa AC, HP Neiva, M Izquierdo et al. (2019) Concurrent training and detraining: brief review on the effect of exercise intensities. Int J Sports Med 40:747‐55.

Vachon A, N Berryman, I Mujika et al. (2020) Effects of tapering on neuromuscular and metabolic fitness in team sports: a systematic review and meta-analysis. Eur J Sport Sci 1‐12.

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