T22 - Quels sont les repères cinématiques à retenir pour optimiser le départ en sprint ?

Une analyse cinématique en deux dimensions dans le plan du mouvement a été réalisée sur le départ de onze sprinters de bon et haut niveau (moyenne de la meilleure performance au 100 m : 10.73 s versus 10.28 s). Cette étude est menée sur un site équipé qui permet un recueil des données contrôlé au cours de l'activité réelle de cinq courses de 20 m avec départ en starting-blocks. Les résultats concernent les valeurs d'angles et de distances qui peuvent être calculées à partir des coordonnées de marqueurs placés sur les différentes articulations. L'ensemble de ces marqueurs permet aux auteurs de calculer la positiodu centre de masse en utilisant un modèle anthropométrique. Les résultats sont présentés selon un plan en trois points :

le départ (la sortie des starting-blocks),

le premier appui,

et l'ensemble des trois premières foulées Figure 1.

Les auteurs mettent l'accent sur les relations existant entre les différents paramètres afin de dégager des synergies propres au niveau d'expertise.

Principales conclusions :

- Au départ, le buste se redresse plus, entre la sortie du bloc arrière et la sortie du bloc avant, qu'entre la posture initiale en position "prêt" et le lever des mains. Les plus rapides se positionnent, en statique, le buste moins incliné que les autres (96.5° avec la verticale versus 104.5°), mais ensuite, ils sont capables de se redresser moins dans ces deux phases de sortie des blocs. Les jambes ne sont pas dans une extension complète lorsqu'elles quittent les blocs. Les plus rapides étendent un peu plus le genou arrière mais surtout beaucoup moins le genou avant que les autres sprinters (164° versus 173°).

- Au premier appui, les plus rapides se trouvent dans une posture globale plus en déséquilibre, avec un centre de masse plus près du sol et plus en avant de l'appui. Leur genou s'étend régulièrement du début à la fin de l'appui, tandis que leur cheville, bien qu'abordant le poser déjà plus fermé, se fléchit davantage et s'étend ensuite bien plus. Ces différences segmentaires, entre les deux populations, entraînent une oscillation générale du corps (Oscz - Figure 2) qui est légèrement plus importante pour les plus rapides : il s'agit du déplacement vertical maximal du centre de masse entre l'appui et le temps de suspension suivant. La valeur de l'angle du genou au poser semblerait être optimum autour de 100°. Lorsque celle-ci est plus grande, certains sprinters présentent une chute du buste; lorsqu'elle est plus petite, certains sprinters se redressent beaucoup à cet instant. Pour évaluer la fluidité de l'extension du genou au cours de l'appui, un indice d'extension est proposé par les auteurs : la valeur 1 correspond à une vitesse d'extension, dès le premier tiers de l'appui, identique à celle que l'on peut calculer sur l'ensemble de l'appui). Les plus rapides s'approchent, en moyenne, de ce chiffre (0.99), tandis que les autres présentent une valeur moindre (0.78) (Figure 3).

- Lors des trois premières foulées (Figure 1), les auteurs relèvent que les sprinters les plus rapides présentent des longueurs plus courtes, particulièrement la deuxième foulée entre le premier et le second appui (1.16 m versus 1.25 m). Ils notent également une durée d'appui plus courte (179 ms versus 192 ms) et un redressement total du buste, entre la posture initiale et le poser du troisième appui, moindre (55° versus 61°) que les autres sprinters de leur étude. Le minimum de l'angle du genou de la jambe arrière, juste avant le poser du premier appui, est plus petit pour les plus rapides (60.5° versus 66.5°), comme le minimum de la jambe avant au cours de cet appui (52.5 ° versus 57°).

Dans cette étude, sont apportés des résultats portant non seulement sur la valeur de nombreux paramètres au départ, mais surtout sur les interactions existant entre ces paramètres. Elles expriment comment s'organisent les synergies segmentaires pour configurer une posture globale du corps qui pourrait être favorable à la performance et, notamment, dans la gestion de la double tâche qui s'impose au sprinter dans la première partie de sa course :

se redresser à partir d'une position en quadrupédie,

et s'élancer vers l'avant avec un maximum d'accélération.

Pour tenir compte des caractéristiques propres à chaque athlète, les synergies proposées constitueraient une référence plus pertinente pour l'entraîneur plutôt que des valeurs cinématiques isolées issues d'un hypothétique sprinter modèle. L'accent est mis sur un couple de déséquilibre qu'il est intéressant de conserver dans les premiers mètres de la course, à la condition de pouvoir le gérer, notamment en adoptant un redressement fluide et modéré du buste, et en amortissant le choc d'impact aux premiers appuis avec la cheville, tandis que le genou présente une extension également fluide tout au long de l'appui (Figure 2).

Source primaire

Quelques éléments sur les interactions entre les valeurs de distances et d’angles qui peuvent permettrent d’améliorer le départ du sprinter. NATTA F., REGA C. 2003 Revue de l’Association des Entraîneurs Français d’Athlétisme 168, 21-24.

Rédacteur

Françoise Natta
Docteur en biomécanique et physiologie du mouvement Département des Sciences du Sport - Laboratoire mouvement action et performance - INSEP

Éditeur

Chantal Rega
DEA en biomécanique et physiologie du mouvement, BEES 3e degré d'athlétisme, INSEP - Département de la formation. Ex-recordwoman de France et finaliste olympique en sprint.

Mots-clés

Appui-pedestre, Athlétisme, biomécanique, cinématique, course de vitesse, départ.

Lectures suggérées

JACOBS R., & VAN INGEN SCHENAU G.-J. Intermuscular coordination in a sprint push-off. 1992 Journal of Biomechanics, 25, 9, 953-965.

MERO A. & KOMI V. Reaction time and electromyographic activity during a sprint start. 1990 European Journal of Applied Physiology, 61, 73-80.

NATTA F., & REGA C. Analyse dynamique et cinématique de la course de vitesse. Repères utiles pour l’entraînement. 2001 Rapports de recherches - Ministère de la Jeunesse et des Sports.

VIGNEROT V., DUBOY J., & LACOUTURE P. Mise au point d’une analyse mécanique en translation des différentes modalités de départs de sprint. 1997 Science et motricité, 34, 26-36.

Sports ciblés

Course, sprint.

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