S54 - Stratégie dans la gestion de la vitesse de course au 400 m ? Le record aux 200 m peut-il servir de référence ?

En athlétisme, le 400 m symbolise l'épreuve où l'on va jusqu'au bout de ses forces, où l'athlète doit aller jusqu'à l’épuisement en fin de course pour obtenir une bonne performance. Ceci suppose une gestion de la course, notamment au niveau de la vitesse. Ainsi, des observations en compétition sur des courses de 400 m ont été menées sur des athlètes de niveaux différents (mondial, national et régional), afin de mieux caractériser cette gestion de la vitesse et d'en déceler les différences éventuelles.

MÉTHODOLOGIE

L’observation des temps de passage, pour les "régionaux" et "nationaux", s’est faite au cours du meeting de Melun (1999) à l’aide de caméras situées tous les 50 m. Les temps de passage des "mondiaux" proviennent des données obtenues à partir du CR-Rom distribué par l’International Amateur Athletic Federation sur les championnats du monde de Séville (1999).

RÉSULTATS

Pour les trois groupes ("mondiaux, "nationaux" et "régionaux"), la vitesse maximale est atteinte après 100 m de course (voir figure 1: https://notyss.com/savoirsport/downloadfile?id=673&fichier=S54_figure1.doc ). L'évolution de la vitesse est quasiment la même pour les trois niveaux de performance et peut se décomposer en deux phases :
- une phase d’accélération jusqu’à la fin du premier virage (50-100 m),
- une phase de décélération en pente régulière jusqu’à l’arrivée.

Les "mondiaux" se distinguent, dès le départ, par une vitesse supérieure par rapport aux deux autres groupes. Les valeurs de vitesse restent statistiquement différentes pour les 3 groupes pratiquement tout au long de la course. Il est à noter que les résultats observés chez les athlètes féminines sont comparables dans tous les domaines à ceux des athlètes masculins.

DISCUSSION

La perte de vitesse n’est pas dépendante de l’expertise, les meilleurs subissent la même décélération que les autres, mais ils restent à un niveau de vitesse supérieur tout au long de la course. Ainsi, le coureur de 400 m de haut niveau accélère dans le premier quart de la course, puis gère la perte de vitesse dans les 300 m suivants. Néanmoins, on peut noter que, lors de son record du monde (Séville, 1999), Mikaël Johnson (M.J.) se distingue par une capacité à mieux maintenir une vitesse très élevée du 150 jusqu’au 350 m. Il subit cependant dans les derniers 50 m, une chute brutale de vitesse relativement plus importante (cf. figure 2: https://notyss.com/savoirsport/downloadfile?id=673&fichier=S54_figure2.doc ). La principale différence significative entre les différents niveaux est la vitesse maximale atteinte dans la zone 50-100 m. Cette valeur peut être considérée dépendante de plusieurs facteurs :

- des capacités physiques de l’athlète qui l’amènent à pouvoir atteindre des vitesses maximales très élevées, observables particulièrement lors des épreuves de sprint court (100 et 200 m) ;
- du choix d’une stratégie de course avec un départ rapide qui implique, alors, une prise de risque par rapport aux difficultés qui seront rencontrées en fin de course.

Pour connaître l’influence respective de ces facteurs sur la vitesse maximale atteinte par chacun des trois niveaux d'expertise, il a été choisi de se référer aux meilleures performances sur 200 m de chacun des athlètes (cf. tableau 1: https://notyss.com/savoirsport/downloadfile?id=673&fichier=S54_tableau1.doc ). D’après ces données, il semble que les qualités physiques liées aux performances sur sprint court déterminent directement la performance sur 400 m : plus le record de l’athlète en sprint court est élevé, meilleure sera la performance sur 400 m.

Toutefois, l’écart entre le temps de passage du 200 m et la meilleure performance sur cette même distance se réduit d'autant plus que le niveau de performance augmente (il est de 1.41 secondes pour les "régionaux" pour tomber à 0.51 secondes pour les "mondiaux"). On peut donc en déduire que les mondiaux s’engagent plus dans la première partie de course : ils utilisent un plus fort pourcentage de leur vitesse maximale pour passer au 200 m. Pour réussir une grande performance, il faudrait donc partir relativement vite. Cependant, cette règle qui semble générale n’est pas une nouvelle fois vérifiée pour la course de M.J. lors de son record du monde. En effet, lors de cette course, M.J. passe dans le même temps de passage que ses adversaires, mais il n’a utilisé alors que 93.9 % de sa vitesse maximale (cf. figure 2: https://notyss.com/savoirsport/downloadfile?id=673&fichier=S54_figure2.doc et tableau 1: https://notyss.com/savoirsport/downloadfile?id=673&fichier=S54_tableau1.doc ). Ce moindre engagement, dans la première moitié de course, lui permet sans doute d’être capable de maintenir plus longtemps que les autres une vitesse élevée (cf. figure 1: https://notyss.com/savoirsport/downloadfile?id=673&fichier=S54_figure1.doc ). On observe donc qu’il utilise la même stratégie que les régionaux sur les premiers 200 m. Toutefois les "régionaux", dans la deuxième partie de la course, ne tireront pas de ce départ prudent les mêmes avantages que MJ. Présentant moins de qualités physiques, spécifiques au 400 m, ils ne pourront enrayer la perte de vitesse du 150 m au 300 m. On peut se demander si M.J. n’aurait pas amélioré plus largement le record du monde, s’il avait adopté la stratégie communément observée pour le niveau mondial. Cela l’aurait conduit en 20.41 secondes au 200 m pour un temps à l’arrivée de 42.80 sec (cette prédiction est calculée à partir des valeurs moyennes observées chez les "mondiaux", soit : performance finale = 2 * temps de passage 200 m + 1.98 sec).

COMMENTAIRES

La performance sur 400 m implique nécessairement une stratégie de gestion de la course en rapport avec le record aux 200. Pour un coureur donné, il faudra déterminer son temps de passage aux 200 m en tenant compte de son record sur cette distance et de sa capacité à résister à la fatigue sur la fin de course (cf. tableau 1: https://notyss.com/savoirsport/downloadfile?id=673&fichier=S54_figure1.doc ).

Source primaire

Analyse descriptive du 400mètres. GAJER B., REINE B., BONVIN P. Rapport de recherche ministère des Sports.

Rédacteur

Bruno Gajer
Professeur certifié - Diplômé de l’INSEP

Éditeur

Chantalle Thépaut-Mathieu
Docteur es sciences, chef du département des sciences du sport, INSEP
http://sciences.campus-insep.com

Mots-clés

Course-de-Vitesse Entraînement Gestion-de-course Performance Stratégie, Analyse de la performance

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