S186 - Quelle cadence de pédalage adapter en fonction de la durée de l’épreuve chez les triathlètes ?

Au cours d’un triathlon, combinant des épreuves de natation, cyclisme et course à pied, la performance dépend principalement de la capacité du sujet à soutenir une vitesse maximale de locomotion, associée à une faible dépense en énergie, pendant toute la compétition. Dans ce cadre, de façon théorique et toutes choses étant égales par ailleurs, l’athlète le plus " économique " devrait être le plus rapide. En conséquence, la question du choix d’une cadence particulière en cyclisme et en course à pied est régulièrement évoquée par les entraîneurs et les chercheurs.

En course à pied ou en marche, l’athlète adopte spontanément le patron de locomotion associé à un coût énergétique faible (1). Cela ne semble pas être le cas en cyclisme. En effet, les différentes observations réalisées chez des cyclistes (3) et des triathlètes (4) révèlent souvent une différence significative entre leurs cadences librement choisies (85-95 rpm) et leurs cadences énergétiquement optimales (65-70 rpm). Différentes hypothèses ont été avancées pour décrire ce conflit apparent :

- changements des forces appliquées sur les pédales,
- modification de l’activité musculaire,
- variation des paramètres ventilatoires.

Cependant, les résultats des différents travaux s’avèrent à la fois peu nombreux, peu explicatifs et contradictoires, soulignant ainsi la difficulté à identifier des facteurs appropriés qui influencent la relation coût énergétique-cadence. En effet, lorsque l’on s’intéresse à l’exercice de durée prolongée, certains auteurs (2) ont pu montrer que pour une durée de 20 minutes à 85 % de puissance maximale aérobie (Pmax), aucune différence significative, entre les fréquences librement choisie et optimale, n’a été trouvée (observations sur 5 cyclistes).

Par contre, chez une population de triathlètes de haut-niveau , pédalant pendant 30 minutes à puissance dite critique sur ergocycle (soit, 80 % de Pmax, que le sujet est capable de maintenir 30 minutes), nous avons très récemment montré (5) que ces derniers adoptaient spontanément une plus grande fréquence librement choisie, comparée à la cadence " énergétiquement optimale ". Pour expliquer cette différence, nous avons formulé l’hypothèse que les triathlètes pourraient développer à l’entraînement des habiletés motrices spécifiques, en relation avec les 3 disciplines à effectuer. En outre, cette différence pourrait également résulter du volume hebdomadaire d'entraînement des cyclistes, beaucoup plus important que celui des triathlètes (500 km vs 250 km, pour des athlètes de catégorie nationale).

Dans le cadre de cette problématique, mais pour des durées d’épreuves plus importantes (2 heures), nous nous sommes intéressés à l’évolution de la cadence de pédalage librement choisie (FLC), lors d’un exercice conduit sur ergocycle pendant 2 heures, alors que la puissance de l’exercice était toujours identique, fixée à la puissance critique (6) : nous avons montré dans cette étude que la FLC diminuait avec la durée de l’épreuve (voir figure 1: https://notyss.com/savoirsport/downloadfile?id=544&fichier=S186_figure1.doc ). Les triathlètes adoptaient une cadence de 87 rpm en début de test et seulement 69 rpm à la fin des deux heures. Plusieurs hypothèses ont été avancées pour expliquer ce phénomène, plus particulièrement celles d’une fatigue périphérique et/ou d'un recrutement des fibres à dominante rapide, en relation à une augmentation significative du coût énergétique en phase terminale d’exercice prolongé.

En conclusion de ces études menées sur des triathlètes de haut-niveau, il apparaît que la cadence librement choisie se décale vers la cadence " énergétiquement optimale " (i.e. celle qui " coûte " le moins en énergie) avec la durée d’exercice. Ceci semble être vérifié pour des épreuves de 30 minutes, une heure et 2 heures d’ergocyle, chacune menée à sa puissance critique propre. Ces résultats montrent l' opportunité pour l’entraîneur de proposer une cadence de pédalage en phase initiale de l’épreuve cycliste plus basse que celle que le triathlète adopterait spontanément (FLC), et ce, dans le but d’une réduction de la dépense énergétique. Dans cette perspective, des tests de routine d’évaluation de la cadence " énergétiquement optimale " devraient être envisagés pour cette population. Ceci autoriserait une individualisation des propositions de réduction de cadence de pédalage, par rapport à la FLC, pour se rapprocher au mieux de celle repérée la plus économique pour chacun des triathlètes, leur permettant ainsi d'économiser leur capital d’énergie pour être plus performants lors de la course à pied qu’ils doivent réaliser en enchaînement de l’épreuve cycliste.

Source primaire

Energetically optimal cadence vs. freely-chosen cadence during cycling in triathlon : effect of exercise duration C. HAUSSWIRTH, J. BRISSWALTER, D. SMITH, F. VERCRUYSSEN, J.-M. VALLIER Int J Sports Med Volume XXI Pages 60-64. 2000.

Rédacteur

Christophe Hausswirth
Enseignant-chercheur (Laboratoire de Biomécanique et Physiologie - INSEP). Docteur en physiologie et biomécanique du mouvement, Habilité à Diriger les Recherches

Éditeur



Mots-clés

Cadence, dépense énergétique, durée de l'effort, fatigue, gestion physique, intensité de l'effort, locomotion, pédalage, préparation à la performance, gestion de la compétition

Lectures suggérées

BRISSWALTER J., MOTTET D Energy cost and stride duration at preferred transition gait speed between walking and running Can J Appl Physiol 21 : 471-480. 1996.

COAST JR, WELCH HG Linear increase in optimal pedal rate with increased power output in cycle ergometry Eur J Appl Physiol 53 : 339-342. 1985.

GREGOR RJ, BROKER JP, RYAN MM The biomechanics of cycling Exercise and Science review 9 : 127-168. 1991.

HAUSSWIRTH C, VALLIER JM, BRISSWALTER J, BIGNET F Détermination de la cadence optimale chez des triathlètes Arch Physiol C625 1996.

BRISSWALTER J, HAUSSWIRTH C, SMITH D, VERCRUYSSEN F, VALLIER JM Energetically optimal cadence vs. freely-chosen cadence during cycling in triathlon : effect of exercise duration Int J Sports Med. 21 : 60-64. 2000.

LEPERS R, HAUSSWIRTH C, MAFFIULETTI JM, BRISSWALTER J, VAN HOECKE J Evidence of neuromuscular fatigue after prolonged cycling exercise Med. Scien. Sports Exer 32 : 1880-1886. 2000.

Sports ciblés

Triahtlon, cyclisme

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