S191 - Peut-on envisager l’apprentissage en compétition ?
Il est communément admis que l’apprentissage concerne plutôt l’entraînement, alors que la compétition consiste plutôt en l’application de règles préalablement construites. La construction des entraînements et la préparation à la compétition sont souvent appréhendés selon cette conception. Or, SEVE, SAURY, THEUREAU & DURAND (2002), dans une étude sur l’activité des pongistes en compétition, ont montré que l’apprentissage pouvait apparaître également en compétition. Cette étude a souligné deux composantes en compétition : activités de nature apprentissage ou application. Évidemment, cela change la conception de l’entraînement et ouvre la réflexion sur les moyens de l’entraînement et de la compétition.
Cette étude a porté sur trois pongistes de l’équipe de France, lors de quatre matches issus de tournois internationaux qualificatifs pour les Jeux Olympiques de Sidney. Le recueil des données a consisté en :
- un enregistrement vidéo du match,
- un enregistrement vidéo de l’entretien en auto-confrontation (durée 130 min) : le joueur confronté à la vidéo du match devait décrire et commenter les actions, les jugements, les sentiments qu’il avait eus au cours du match.
Le traitement des données a fait l’objet de plusieurs étapes :
- construction d’une chronique du match présentant en parallèle le score, les descriptions des actions des joueurs et les verbalisations du joueur.
- catégorisation des propos des joueurs, en fonction de leur similitude.
Les résultats apparaissent en partie triviaux. Il font apparaître deux types de décisions :
- des décisions de nature exploratoire à travers lesquelles les joueurs tentent de construire et de valider des connaissances qui leur permettent de gagner. Ils testent leur adversaire dans différents registres. Ils prennent le risque de perdre l’échange.
- des décisions de nature exécutoire qui consistent en la reproduction d’actions efficaces dans le passé. Elles visent le gain du point.
Une évolution du type de décision au cours du match est observée : au début, les joueurs s’engagent dans les deux types de décisions, alors qu’en fin, ils tentent de reproduire des actions efficaces. Lors des deux premiers sets, il testent l’adversaire dans les différentes phases de jeu. Ce test s’arrête lorsqu’ils sentent qu’ils ne doivent plus perdre de points, ils cherchent alors une efficacité immédiate. Les connaissances des joueurs sont construites soit au cours du match, soit préalablement à celui-ci. Dans ce cas, elles sont vérifiées au cours du match. Les connaissances antérieures au match sont réutilisées après une utilisation qui contribue à la réussite de l’action, alors qu’elles sont rejetées après plusieurs tentatives d’utilisation infructueuses (entre 3 et 5). Ces connaissances d’action sont construites à partir d’observations réalisées dans la situation en cours, en fonction de son but, de ses attentes, de ses préoccupations à cet instant. Elles visent à maîtriser l’incertitude liée à la situation et à augmenter les chances de succès à court ou moyen terme.
CONCLUSION
Cette étude justifie de s’interroger sur les types d’apprentissage possibles au cours de la compétition. En effet, le joueur ne se contente pas de reproduire des habiletés ou des stratégies apprises à l’entraînement, il teste de nouvelles solutions, il vérifie l’efficacité de solutions déjà disponibles dans son répertoire, avec son adversaire du moment. Au plan de l’entraînement, cette étude montre les limites d’un travail centré principalement sur le développement de compétences technico-tactiques identifiées à l’entraînement. Elle remet en cause la conception qui consisterait à apprendre à l’entraînement et à appliquer en compétition.
COMMENTAIRE DU RÉDACTEUR
Une perspective sous-jacente à cette étude consisterait à aider les joueurs à développer au cours de l’entraînement des compétences de test de l’adversaire, afin de les utiliser en compétition. Ce travail pourrait être conçu à partir de thèmes, qui viseraient à pallier aux connaissances très fines qu’ont les joueurs les uns des autres, à l’entraînement et qui permettraient de susciter davantage de défi. Chaque thème serait donné par l’entraîneur et masqué au joueur, dont le but serait de connaître les compétences spécifiques de l’adversaire à un instant et de mettre en œuvre des solutions efficaces. Mais ces connaissances sont-elle stables ? Qu’en retient le joueur pour les compétitions et pour l’entraînement ? Qu’attend le sujet de ce type de travail ? Cela fonde un renouvellement de la conception de la compétition, dans un contexte où les temps d’entraînement ont tendance à se réduire du fait de la multiplication des compétitions. Il est intéressant de modéliser ce que les sportifs apprennent en compétition.
Cette étude a porté sur trois pongistes de l’équipe de France, lors de quatre matches issus de tournois internationaux qualificatifs pour les Jeux Olympiques de Sidney. Le recueil des données a consisté en :
- un enregistrement vidéo du match,
- un enregistrement vidéo de l’entretien en auto-confrontation (durée 130 min) : le joueur confronté à la vidéo du match devait décrire et commenter les actions, les jugements, les sentiments qu’il avait eus au cours du match.
Le traitement des données a fait l’objet de plusieurs étapes :
- construction d’une chronique du match présentant en parallèle le score, les descriptions des actions des joueurs et les verbalisations du joueur.
- catégorisation des propos des joueurs, en fonction de leur similitude.
Les résultats apparaissent en partie triviaux. Il font apparaître deux types de décisions :
- des décisions de nature exploratoire à travers lesquelles les joueurs tentent de construire et de valider des connaissances qui leur permettent de gagner. Ils testent leur adversaire dans différents registres. Ils prennent le risque de perdre l’échange.
- des décisions de nature exécutoire qui consistent en la reproduction d’actions efficaces dans le passé. Elles visent le gain du point.
Une évolution du type de décision au cours du match est observée : au début, les joueurs s’engagent dans les deux types de décisions, alors qu’en fin, ils tentent de reproduire des actions efficaces. Lors des deux premiers sets, il testent l’adversaire dans les différentes phases de jeu. Ce test s’arrête lorsqu’ils sentent qu’ils ne doivent plus perdre de points, ils cherchent alors une efficacité immédiate. Les connaissances des joueurs sont construites soit au cours du match, soit préalablement à celui-ci. Dans ce cas, elles sont vérifiées au cours du match. Les connaissances antérieures au match sont réutilisées après une utilisation qui contribue à la réussite de l’action, alors qu’elles sont rejetées après plusieurs tentatives d’utilisation infructueuses (entre 3 et 5). Ces connaissances d’action sont construites à partir d’observations réalisées dans la situation en cours, en fonction de son but, de ses attentes, de ses préoccupations à cet instant. Elles visent à maîtriser l’incertitude liée à la situation et à augmenter les chances de succès à court ou moyen terme.
CONCLUSION
Cette étude justifie de s’interroger sur les types d’apprentissage possibles au cours de la compétition. En effet, le joueur ne se contente pas de reproduire des habiletés ou des stratégies apprises à l’entraînement, il teste de nouvelles solutions, il vérifie l’efficacité de solutions déjà disponibles dans son répertoire, avec son adversaire du moment. Au plan de l’entraînement, cette étude montre les limites d’un travail centré principalement sur le développement de compétences technico-tactiques identifiées à l’entraînement. Elle remet en cause la conception qui consisterait à apprendre à l’entraînement et à appliquer en compétition.
COMMENTAIRE DU RÉDACTEUR
Une perspective sous-jacente à cette étude consisterait à aider les joueurs à développer au cours de l’entraînement des compétences de test de l’adversaire, afin de les utiliser en compétition. Ce travail pourrait être conçu à partir de thèmes, qui viseraient à pallier aux connaissances très fines qu’ont les joueurs les uns des autres, à l’entraînement et qui permettraient de susciter davantage de défi. Chaque thème serait donné par l’entraîneur et masqué au joueur, dont le but serait de connaître les compétences spécifiques de l’adversaire à un instant et de mettre en œuvre des solutions efficaces. Mais ces connaissances sont-elle stables ? Qu’en retient le joueur pour les compétitions et pour l’entraînement ? Qu’attend le sujet de ce type de travail ? Cela fonde un renouvellement de la conception de la compétition, dans un contexte où les temps d’entraînement ont tendance à se réduire du fait de la multiplication des compétitions. Il est intéressant de modéliser ce que les sportifs apprennent en compétition.
Mots-clés
Construction et utilisation de connaissances stratégies décisionnelles, préparation à la performance, Analyse de la performance, gestion de la compétitionLectures suggérées
HAUW D., BERTHELOT C., DURAND M. Enhancing performance in elite athletes through situated cognition analysis : trampolinists’course of action during competition activity. 2003 International Journal of Sport Psychology, 34, 299-321.SAURY J., DURAND M., THEUREAU J. L’action d’un entraîneur expert en voile en situation de compétition : étude de cas. 1997 Science et motricité, 31, 21-35.
SEVE C., DURAND M. L’action de l’entraîneur de tennis de table comme action située. 1999 Avante, 5, 69-85.
SEVE C., SAURY J., THEUREAU M. & DURAND M. La construction des connaissances chez les sportifs de haut niveau lors d’une interaction compétitive. 2002 Le Travail Humain, 65, 159-187.
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