S200 - La fréquence cardiaque est un indice de l'intensité de l'effort qui a des limites

INTRODUCTION

À l’heure actuelle, de nombreux athlètes utilisent un cardiofréquencemètre pour doser l’intensité de l’effort et évaluer leur niveau de récupération.

Bien que ces pratiques soient très répandues, leur validité n’a jamais été examinée avec attention. Cette étude avait pour objectif, d’évaluer :

1) si la fréquence cardiaque maximale (FCmax) estimée à l’aide de différentes formules pouvait être utilisée pour définir avec précision les plages d’entraînement;
2) si le dosage de l’intensité de l’effort en compétition pouvait être effectué efficacement à l’aide de la FC et;
3) si la FC pouvait être un bon indicateur du niveau de récupération physiologique d’un athlète.

L’étude a été réalisée à partir d’une recherche bibliographique étendue et par l’analyse des fréquences cardiaques d’un groupe d’athlètes ayant participé au triathlon d’Hawaii entre 1955 et 1990. Les FC enregistrées lors du triathlon ont été comparées à celles mesurées lors de tests maximaux et sous maximaux réalisés sur tapis roulant et cycloergomètre, avant et après l’épreuve.

PRÉCISION DE L'ESTIMATION DE FCmax ET DÉFINITION DES FOURCHETTES DE FRÉQUENCES CARDIAQUES D'ENTRAÎNEMENT

Les FCmax estimées à l’aide de deux formules (220 - âge et 210 - 0,5 x âge) ont été comparées à celles mesurées lors de tests maximaux réalisés sur cycloergomètre (80 hommes et 33 femmes) et sur tapis roulant (38 hommes et 20 femmes). Les tests ont été réalisés dans les 10 jours précédant la compétition.

Les FCmax mesurées sur cycloergomètre étaient significativement inférieures à celles estimées à l’aide des formules et de modestes corrélations ont été observées entre les FCmax mesurées et celles estimées (respectivement r = 0,57 et 0,63 sur cycloergomètre et tapis roulant).

Des variations interindividuelles importantes ont été constatées entre les écarts de FCmax estimées et mesurées. Ces variations étaient de – 35 à + 16 bpm sur cycloergomètre et de – 25 à + 19 bpm sur tapis roulant.

Si les FCmax estimées à l’aide de formules peuvent être des outils intéressants pour la prescription d’activités physiques destinées à une population générale, leur utilité sur le plan individuel est limitée. Il est par conséquent recommandé aux athlètes désireux de doser avec précision l’intensité de l’entraînement à l’aide de fréquences cardiaques cibles, de procéder à une mesure régulière de leur FCmax lors des mêmes exercices que ceux pratiqués en compétition.

FC ET DOSAGE DE L'INTENSITÉ DE L'EFFORT D'ENDURANCE

Des coefficientss de corrélation ont été calculés entre le temps mis par chaque triathlonien à terminer les portions de course à pied (n = 49) et de cyclisme (n = 38) du triathlon et les fréquences cardiaques associées à chaque type d’effort.

Les FC mesurées au début de chaque type d’effort étaient supérieures à celles mesurées en fin d’effort (6 à 7 %). Aucune mesure de fréquence cardiaque (FC moyenne, % de FCmax, fluctuation de la fréquence cardiaque entre le début et la fin de l’effort) n’était significativement corrélée avec la vitesse moyenne maintenue à vélo ou en course à pied.

La FC est un indicateur potentiel de l’intensité de l’exercice mais la relation entre la fréquence cardiaque et la performance n’est pas claire. A ce jour, ni la FC absolue, ni les % de FCmax, ni la fluctuation de la fréquence cardiaque pendant l’épreuve ne sont des outils suffisamment précis pour bien doser l’intensité de l’effort et prédire la performance en compétition.

FC ET ESTIMATION DU NIVEAU DE RÉCUPÉRATION

Les fréquences cardiaques mesurées chez 10 triathloniens lors de tests sur cycloergomètre (réalisés avant et dans les 16 h qui ont suivi la fin du triathlon), ont été comparées entre elles. Les puissances de travail utilisées lors du second test étaient choisies de façon à provoquer des élévations de fréquence cardiaque de 65, 75, 85 et 100 % de la FCmax pré- triathlon.

Les FC mesurées post-triathlon n’étaient pas différentes de celles mesurées avant l’épreuve et ce, à toutes les puissances de travail sous maximales. A l’effort maximal, la FCmax mesurée post-compétition était significativement plus basse que celle mesurée avant l’épreuve (163 vs 177 bpm).

Ces résultats démontrent que la fréquence cardiaque mesurée à l’effort sous maximal ne peut être utilisée pour juger avec précision l’état de récupération d’un athlète et que même si la réduction de FCmax mesurée post-compétition semble signaler une récupération incomplète, la nécessité, pour confirmer ce résultat, d’effectuer un test d’effort maximal dans les heures qui suivent une compétition rend cette mesure impraticable.

CONCLUSION

Les observations suivantes peuvent être communiquées aux athlètes désireux d’exploiter au mieux les possibilités de leur cardiofréquencemètre :

1)      Un test maximal, destiné à mesurer la vraie FCmax, doit être réalisé pour chaque activité ou la FCmax sera utilisée pour définir les fourchettes de fréquences cardiaques cibles;
2)      Une baisse de fréquence cardiaque de l’ordre de 6-7 % peut être observée entre le début et la fin d’épreuves de plusieurs heures;
3)      Si la fréquence cardiaque demeure inchangée, il ne faut pas nécessairement en conclure que la récupération est complète.

De plus amples recherches sont nécessaires pour identifier les raisons de la chute de la fréquence cardiaque en cours d’effort et pour déterminer si le suivi de la réponse cardiaque peut être un outil fiable pour maximiser la performance en compétition.

Source primaire

O'Toole ML, Douglas PS et Hiller WD Use of heart rate monitors by endurance athletes: lessons from triathletes J Sports Med Phys Fitness 38(3):181-7, 1998.

Rédacteur

François Gazzano
B.Sc., Services des Sports Universitaires, Université de Moncton, Centre Multisport Atlantique et Athletemonitoring.com
www.athletemonitoring.com

Éditeur

Guy Thibault
Ph. D., Direction du sport et de l’activité physique, gouvernement du Québec; Département de kinésiologie de l’Université de Montréal; et INS Québec

Mots-clés

fréquence cardiaque, validité, Triathlon, entraînement, cardiofréquencemètre

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Achten J et Jeukendrup AE Heart rate monitoring: applications and limitations Sports Med 33(7):517-38, 2003.

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