S511 - Allonger la phase concentrique des mouvements de musculation favorise l'hypertrophie des fibres de type IIA

La périodisation annuelle de la préparation physique des sportifs comprend souvent un bloc d’hypertrophie avant la saison sportive comme telle. Pour maximiser le gain de masse musculaire, les variables d’entraînement auxquelles on s’attarde habituellement sont le nombre d’exercices, de séries et de répétitions et le temps de repos entre les séries. Le concept de temps sous tension (la durée totale de la contraction musculaire du début à la fin d’une série) a été popularisé récemment, mais on y fait généralement référence pour comparer des temps sous tension courts à des temps sous tension longs. Or, on ne sait pas quel est l’effet de faire durer plus longtemps la phase concentrique ou la phase excentrique d’un mouvement pour un même temps sous tension. C’est ce que les auteurs de cette étude ont tenté de déterminer.

Pour ce faire, 28 femmes (24,3±1,1 ans, 164,6±1,4 cm, 66,7±1,7 kg et 17,6±0,9 % de gras, en moyenne) ayant au moins 8 semaines d’expérience en musculation ont été appariées en fonction de leur 1 RM à la presse à cuisses inclinée (leg press) et ont été divisées en deux groupes : « concentrique long » (n=15, phase concentrique en six secondes et phase excentrique en deux secondes) ou « excentrique long » (n=13, phase excentrique en six secondes et phase concentrique en deux secondes). Les chercheurs ont pris soin de contrôler la phase du cycle menstruel des participantes.

À l’exception du temps sous tension durant les phases concentrique ou excentrique des mouvements, les deux groupes se sont entraînés de façon identique trois fois par semaine durant 9 semaines. Le programme comprenait six exercices sollicitant les membres inférieurs [presse à cuisses inclinée (leg press), squat, extension des jambes à la machine et flexion des jambes à la machine] et deux exercices sollicitant les membres supérieurs [développé couché et un des exercices suivants : flexion des bras à la barre, tirage-poitrine à la poulie haute (lat pull down) ou tirage assis à la poulie basse (seated row)]. Les participantes effectuaient deux séries (entrecoupées de 2,5 minutes de repos) de 6 à 8 répétitions. Le temps sous tension était régi par un métronome.

Les deux groupes ont augmenté leur 1 RM à la presse à cuisses inclinée de manière similaire. Les fibres musculaires du vaste latéral de la cuisse de type I ont augmenter leur volume de manière semblable pour les deux groupes, mais les fibres de type IIA se sont hypertrophiées seulement chez les participantes du groupe « concentrique long ». De même, la concentration de cortisol (une hormone impliquée dans la régulation du métabolisme et la résistance au stress) dans l’urine était plus élevée durant la 9e semaine d’entraînement que durant la première seulement chez les participantes du groupe « concentrique long ». Cependant, la masse corporelle est restée inchangée pour les deux groupes, alors que le % de gras a diminué de manière similaire pour les deux groupes, ce qui signifie que le gain de masse musculaire pour l’ensemble de l’organisme est comparable pour les deux groupes. Enfin, ces différences ne sont pas dues à une modification des habitudes alimentaires, qui ont été contrôlées par les chercheurs (journal alimentaire de trois jours à chaque deux semaines).

En somme, il semble qu’allonger la phase concentrique des mouvements de musculation cause un plus grand stress à l’organisme et favorise davantage l’hypertrophie des fibres de type IIA que lorsque la phase excentrique est allongée. Ces résultats cadrent bien avec la théorie : on sait que l’activation électrique des muscles est moindre pour une même charge durant la phase excentrique des mouvements (Nakazawa et coll. 1993). Allonger la phase durant laquelle le muscle est plus activé aurait donné de meilleurs résultats. Malgré cela, les participantes du groupe concentrique long de cette étude, n’ont pas gagné plus de masse musculaire que ceux de l’autre groupe. Il est possible que ce soit parce que le programme d’entraînement a duré 9 semaines et que les sujets sont des femmes (qui hypertrophient moins que les hommes).

Concrètement, en entraînement sportif de haut niveau, cela signifie qu’il pourrait être avantageux d’allonger la phase concentrique des mouvements de musculation exécutés dans le cadre de programmes visant un gain de masse musculaire.

Toutefois,  les fibres de type IIA des participantes du groupe « concentrique long » étaient plus petites au début de l’étude que celles des participantes du groupe « excentrique long », ce qui explique peut-être les résultats différents. Par ailleurs, ces résultats ont été obtenus chez des femmes relativement peu entraînées. Il n’est pas garanti qu’ils s’appliquent aux athlètes de haut niveau.

Source primaire

Gillies EM et coll. The effect of varying the time of concentric and eccentric muscle actions during resistance training on skeletal muscle adaptations in women. European Journal of Applied Physiology 97(4): 443-453, 2006.
www.springerlink.com/content/c347650105w673h1/

Rédacteur

Carl-Étienne Juneau
kinésiologue et doctorant en santé publique, Université de Montréal
www.musculation-prise-de-masse.com

Éditeur

Michel Portmann
PhD., titulaire de cours à l’INS Québec

Mots-clés

hypertrophie, musculation, temps sous tension, concentrique, excentrique, type IIA.

Lectures suggérées

Gillies EM, Docherty D. Effects of different times of concentric muscle actions on strength, hypertrophy, specific tension, and training volume in resistance trained women. Med Sci Sports Exerc 31(5):S114, 1999.

Nakazawa K, Kawakami Y, Fukunaga T, Yano H, Miyashita M. Differences in activation patterns in elbow flexor muscles during isometric, concentric and eccentric contractions. Eur J Appl Physiol 66(3):214–220, 1993.
www.springerlink.com/content/xh2u147r54289418/

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