ANALYSE DES MOUVEMENTS DES SKIEURS

Lorsque nous observons un skieur de compétition en vue de face, nous constatons que l’axe longitudinal du ski est rarement situé dans le plan de la jambe correspondant. [Le plan de la jambe étant le plan formé par les vecteurs "milieu de chaussure-genou" et "genou-hanche" (voir figure 1: https://notyss.com/savoirsport/downloadfile?id=716&fichier=S10_figure1.doc )]. Nous appelons cette différence d’orientation : la rotation du plan de la jambe. Sur le terrain, nous "mesurons" l’angle de rotation du plan de la jambe en estimant l’angle du dièdre formé par le plan de la jambe et le plan du ski. [Le plan du ski étant défini par l’axe longitudinal du ski et la hanche du côté correspondant (voir figure 1: https://notyss.com/savoirsport/downloadfile?id=716&fichier=S10_figure1.doc )]. L’analyse des mouvements des skieurs en trois dimensions nous révèle que la rotation du plan de la jambe est une technique corporelle utilisée par tous les athlètes de Coupe du Monde, hommes ou femmes, que nous avons étudiés.

FONCTIONNALITÉ ET BIOMÉCHANIQUE

La rotation en dedans du plan de la jambe du membre inférieur extérieur à la trajectoire du skieur, autour de l’axe "milieu de chaussure-hanche", semble s’opposer à la rotation externe automatique du pied extérieur engendré par l’effort appliqué "vers le gros orteil" (effort en pronation) dû à l’action de prise de carre interne sur le ski extérieur. La rotation en dedans du plan de la jambe du membre inférieur intérieur à la trajectoire autour de l’axe milieu de chaussure-hanche, semble s’opposer à la rotation externe automatique du pied intérieur engendré par l’effort "vers le petit orteil" (effort en supination) dû à l’action de prise de carre externe sur le pied intérieur.

Les plans de la jambe sont convergents pendant la quasi-totalité du virage.

Cette technique corporelle sollicite divers degrés de liberté :au niveau de l’articulation de la hanche (l’adduction-abduction du fémur sur le bassin et la rotation du fémur sur son grand axe), au niveau du genou fléchi (rotation axiale, adduction-abduction du pied) au niveau du pied [adduction-supination-extension (inversion) ou d’abduction-pronation-flexion (éversion)].

En vue de face, un observateur constate l’influence de la rotation du plan de la jambe sur l’angle d’inclinaison du tibia, donc sur l’angle de prise de carre. En effet, l’angle de prise de carre augmente pour une rotation en dedans et diminue pour une rotation en dehors (voir figure 2: http://savoir-sport.org/apps/fiche/soleweb/Download.aspx?id=716&fichier=S10_figure2.doc ). La rotation du plan de la jambe est donc une technique corporelle, localisée aux membres inférieurs, permettant à l’athlète de faire varier rapidement l’angle de prise de carre.

TECHNOLOGIE DU SKI ALPIN

Nous avons appelé cette technique "rotation du plan de la jambe" parce que nous voulons que cette conception induise l’idée d’un mouvement s’effectuant sans contrainte anormale des ligaments du genou et pour la différencier d’une autre technique utilisée jusque dans les années 1980 - la " rentrée du genou"- que la Fédération Française de Ski avait déconseillée d’enseigner, justement parce qu’elle mettait dangereusement en tension les ligaments des genoux.

Nous avons vérifié empiriquement, avec les formateurs de l’école du ski français de l’Alpe d’Huez, que la capacité anatomique de rotation du plan de la jambe dépend de la posture adoptée. Les laxités articulaires semblent plus importantes lorsque le skieur a une flexion des genoux de l’ordre de 120 degrés et une orientation du bassin vers l’extérieur de la trajectoire pilotée. Ces grandeurs correspondent à celles que nous avons mesurées lors de nos expérimentations.

Il se pourrait que la "rentrée des genoux" ait été abandonnée parce que l’étude biomécanique des synergies de mouvements n’a pas été conduite et que, culturellement à cette époque, il était impensable qu’un skieur expert skie les pied écartés. En effet, la convergence des plans des jambes impose nécessairement un écart plus important des pieds. Nos mesures sur onze coureurs et ces constats expérientiels nous incitent à penser que la rotation du plan de la jambe et la "rentrée des genoux" sont une seule et même technique pouvant engendrer les mêmes lésions, si la posture adoptée par le skieur n’est pas propice à sa réalisation.

PERSPECTIVE ET FINALITÉS

Une recherche statistique effectuée sur une population plus large serait nécessaire afin de calculer les valeurs moyennes des relations entretenues par les angles de flexion des articulations concernées, l’orientation du bassin et l’amplitude de la rotation du plan de la jambe sans contrainte anormale sur les ligaments des genoux. Cela, pour informer les entraîneurs et dans le but de mettre en œuvre des séances d’éducation physique prévenant les risques de lésion des articulations des genoux des athlètes.