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S67 - L'anxiété modifie les capacités d'anticipation et les stratégies de recherche visuelle de karatékas experts et novices

La littérature scientifique a montré que la performance en sport nécessitait une qualité de perception, une efficience et une précision d'exécution du mouvement qui pouvaient être évaluées et analysées dans un certain nombre de spécialités sportives (Williams, Davids, Burwitz & Williams, 1992). Mais ces études sont rares en sports de combat (pour une exception voir Ripoll, Kerlirzin, Stein & Reine, 1995). L'objet de cet article est d'analyser l'effet de l'anxiété cognitive sur les capacités d'anticipation et de recherche visuelle en karaté.

MÉTHODE

Population :

- 8 karatékas hommes experts (âge moyen : 22 ans) ayant en moyenne 5,6 années de pratique et 14,3 compétitions à leur actif,
- 8 novices en karaté (âge moyen : 23,5 ans) n'ayant aucune expérience d'entraînement ou de compétition en arts martiaux.

Principe du test :

3 karatékas (1er Dan) exécutant 10 techniques différentes de karaté ont été filmés. A partir de ces enregistrements, 2 séquences de 15 techniques et 1 séquence de 5 techniques ont été réalisées pour servir de support à l'analyse des capacités d'anticipation et des stratégies de recherche visuelle observées dans des conditions de degré d’anxiété faible ou haute. Les séquences étaient projetées en "taille réelle".

Manipulation de l'anxiété :

- 15 essais sans autre consigne que la réussite (anxiété basse : AB),
- 15 essais avec stress prévoyant un classement des sujets et des récompenses (anxiété haute : AH). -Avant cette séquence de 15 essais, 5 essais pièges sont présentés à la suite desquels on indiquait au sujet que ses résultats étaient mauvais (quels que soient les résultats).
- pour évaluer le niveau d'anxiété, le test CSAI-2 de Martens, Vealay & Burton (1990) a été administré avant les 15 premiers essais (anxiété basse : AB), avant les 5 essais pièges (stresseurs) et avant les 15 derniers essais (anxiété haute : AH).

Paramètres mesurés au cours du test :

Variables dépendantes du test d'anticipation : à partir des réponses aux images enregistrées, ont été déterminés

- le temps de vision (TV) : temps nécessaire pour produire une décision, du début de l'attaque au déclenchement de la réponse;
- la justesse de la réponse (JR) : bonne ou mauvaise réponse à l'attaque.

Variables dépendantes de la recherches visuelle : à partir des enregistrements des déplacements du regard, ont été déterminés

- les lieux des fixations : tête, buste, épaules, pelvis, bras-poings, jambes-pieds, autres.
- le taux de recherche : nombre moyen des fixations, durée moyenne des fixations et nombre total des fixations par essai.

RÉSULTATS

Manipulation de l'anxiété : l'analyse statistique révèle des différences significatives entre chacun des 3 tests, ce qui montre que l'anxiété cognitive a bien été manipulée dans un sens croissant entre le premier et dernier test.

Test d'anticipation : les experts se révèlent plus précis (JR : Fig. 1) que les novices, mais pas plus rapides (TV : Fig. 2). Les 2 groupes sont plus performants (JR et TV) quand le niveau d'anxiété cognitive augmente (Fig. 1 et Fig. 2).

Recherche visuelle :

Lieux de fixation : les experts fixent plus la tête et le pelvis et moins le buste et les bras-poings que les novices (Fig. 3). Sous l'effet de l'augmentation de l'anxiété cognitive, les 2 groupes privilégient plus les zones bras-poings que les épaules (Fig. 4).

Taux de recherche : sous l'effet de l'anxiété cognitive, les experts augmentent la durée des fixations, alors que les novices la diminuent (Fig. 5), et les 2 groupes augmentent le nombre de fixations et le nombre de lieux de fixation (Fig. 6).

CONCLUSIONS

Il est possible de manipuler artificiellement le niveau d'anxiété cognitive chez des sportifs expérimentés.

L'élévation du niveau d'anxiété cognitive améliore la vitesse et la précision de l'anticipation.

L'élévation du niveau d'anxiété cognitive influence les stratégies de recherche visuelle :

- le temps de fixation augmente chez des experts,
- le temps de fixation diminue chez des novices,
- le nombre de fixations et leur dispersion augmentent (plus chez les novices que chez les experts).
- les zones situées en périphérie sont plus visitées que la zone centrale (modification plus importante chez les novices).

Pour développer des stratégies de recherche visuelle efficientes, l'athlète doit être soumis à des contraintes temporelles et émotionnelles, et :

- centrer son attention sur les zones informationnelles les plus pertinentes (pour limiter les fixations et leur dispersion),
- répartir correctement ses ressources attentionnelles entre vision centrale et vision périphérique,
- fixer en vision centrale tête et poitrine de l'adversaire, et orienter son attention vers la périphérique pour y détecter les mouvements des bras, des poings et des jambes.

Source primaire

WILLIAMS A., M. & ELLIOTT D. Journal of Sport and Exercise Psychology, 1999, 21, 362-375.

Rédacteur

Yves Kerlirzin
Laboratoire Mouvement, Action et Performance Département des Sciences du Sport, INSEP

Éditeur

Jean-François Stein

Mots-clés

Anticipation, anxiété, expertise, Karaté, perception-visuelle, vision, Analyse de la performance

Lectures suggérées

NOUGIER V., STEIN J-F. & BONNEL A-M. Information processing in sport and orienting of attention. International Journal of Sport Psychology. 22:307-327, 1991.

RIPOLL H, KERLIRZIN Y, STEIN J-F. & REINE B. Analysis of information processing, decision making and visual strategies in complex problem solving sport situations. Human Movement Science. 14(3):325-349, 1995.

WILLIAMS A.M., DAVIDS K., BURWITZ L. & WILLIAMS J.G. Perception and action in sport. Journal of Human Movement Studies. 22:157-205, 1992.

WILLIAMS A.M., DAVIDS K., & WILLIAMS J.G. Visual perception and action in sport. London : E. & FN Spon. 1999.

Sports ciblés

Karaté, sports de combat

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