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S370 - En prenant certaines mesures, il est possible de réduire les effets négatifs du décalage horaire sur la performance sportive

Lorsqu’ils doivent faire des vols transméridionaux (traverser des fuseaux horaires en se déplaçant vers l’est ou vers l’ouest), en plus d’être affectés par les désagréments du transport (occupation inhabituelle du temps, bagages à transporter, périodes d’attente, position statique à bord, environnement sous-pressurisé à bord, contact avec des bactéries provenant de l’étranger, inhalation de polluants et d’allergènes inhabituels, etc.), les athlètes doivent subir les effets du décalage horaire (en anglais jet lag). Le décalage horaire est un ensemble de symptômes découlant d’un asynchronisme entre les cycles biologiques (sur 24 h) et les cycles environnementaux. Les rythmes biologiques circadiens sont par exemple le cycle d’éveil-sommeil, de la température corporelle, de la pression artérielle et de la fréquence cardiaque de repos, de la fréquence ventilatoire et de la sécrétion d’hormones comme le cortisol ou la testostérone. Les rythmes environnementaux sont par exemple ceux de la lumière et des autres sources de stimulation sensorielle, du lever-coucher, des repas, des échanges sociaux et de l’exercice physique.

Les symptômes du décalage horaire ne sont pas nécessairement ressentis avec la même intensité par tous les athlètes : difficulté à dormir au bon moment, irrégularités gastriques, difficulté à s’orienter, manque de concentration, maux de tête, irritabilité, etc. Ils sont ressentis plus sévèrement lorsque le nombre de fuseaux horaires traversés est plus grand. Également, ces symptômes sont plus marqués lorsque le déplacement s’est fait vers l’est que vers l’ouest, car il est plus facile d’allonger ses cycles biologiques que de les raccourcir (l’horloge biologique cherche à fonctionner sur un cycle de plus de 24 heures, mais les cycles biologiques sont constamment ramenés sur 24 heures à cause des signaux provenant de l’environnement, particulièrement la luminosité). Plusieurs personnes avancent l’idée que pour resynchroniser les cycles biologiques après déplacement transméridional, il faut approximativement un jour par heure de décalage horaire. Cependant, on sait maintenant que le temps requis n’est pas nécessairement le même pour chacun des cycles biologiques (ex. celui de la ventilation pulmonaire peut être plus court que celui de la sécrétion du potassium) et qu’il varie beaucoup d’une personne à l’autre.

Plusieurs déterminants de la performance sportive varient suivant un cycle sur 24 heures avec une pointe apparaissant vers 18 h, par exemple la force des muscles des bras, des jambes et du dos, la capacité anaérobie et le résultat au test du saut vertical. Ainsi, des données indiquent que la performance est généralement meilleure vers 18 h qu’à d’autres moments de la journée dans des sports tels la natation, le cyclisme, le soccer, le badminton et le tennis. Cependant, il n’existe pas de données fiables montrant hors de tout doute que le décalage horaire s’accompagne d’une diminution de la performance sportive. Chose certaine, les athlètes ont tout de même avantage à mettre les chances de leur côté en adoptant des stratégies éprouvées afin de réduire les symptômes du décalage horaire.

L’une des méthodes les plus souvent utilisées par les athlètes en vue d’un déplacement vers l’est consiste à avancer de quelques heures le moment d’aller au lit et de se lever, au cours des derniers jours avant le départ, l’objectif étant de débuter la translation des rythmes biologiques dans le sens approprié, compte tenu de la destination, avant même de s’y rendre.

Des scientifiques ont avancé l’idée qu’un petit déjeuner riche en protéines favorise la vigilance en installant promptement un état d’éveil et qu’un repas du soir riche en glucides favorise le sommeil. Par la modification de la concentration des acides aminés qu’ils induisent, de tels repas auraient un effet sur la quantité d’acides aminés qui pénètrent dans le cerveau, leur incorporation dans les neurotransmetteurs et la libération de ces neurotransmetteurs. Il est vrai que les repas riches en protéines augmentent la mise en circulation de tyrosine dans le plasma, mais on ne sait pas si cela se traduit nécessairement par la libération d’une plus grande quantité de catécholamines (dopamine, noradrénaline et adrénaline), une plus grande activité du système nerveux sympathique et une plus grande vigilance. De la même manière, on sait que les repas riches en glucides augmentent la concentration plasmatique de tryptophane, mais il n’est pas certain que cela stimule les noyaux du raphé, augmente la sécrétion de sérotonine et favorise le sommeil. Certes, il existe des données électroencéphalographiques qui révèlent des changements dans le sommeil d’athlètes dont la diète est riche en glucides, mais l’effet de diètes riches en protéines ou en glucides sur le temps requis pour s’endormir et la qualité du sommeil n’ont pas encore été cernés.

Chez le sujet sain non soumis au décalage horaire, la mélatonine est une hormone mise en circulation dans le sang par la glande pinéale entre à peu près 21 et 7 h. On peut la considérer comme l’hormone de la noirceur et comme l’indice temporel interne de l’horloge biologique car elle intervient dans la régulation physiologique du rythme circadien. Ainsi, au cours des dernières années, on a accordé beaucoup d’intérêt au rôle possible de la mélatonine dans la réduction des symptômes du décalage horaire. Seul un petit nombre d’études randomisées et à double insu ont examiné les différents schémas d’administration de mélatonine exogène dans le traitement des effets liés au décalage horaire. Les résultats de ces études se sont avérés contradictoires. Au cours de l’une de ces études, on a montré qu’en prenant un comprimé de mélatonine en soirée après déplacement transméridional, on accélère la resynchronisation. Mais pour l’instant, les autorités scientifiques et médicales ne recommandent pas aux athlètes de faire usage de mélatonine et ce, pour plusieurs raisons, notamment les suivantes :

- l’effet de la consommation de mélatonine sur la prévention ou la modulation des désagréments associés au décalage horaire semble relativement petit;
- la mélatonine n’aurait l’effet souhaité que si elle est prise à un moment précis, qu’on ne sait nécessairement bien cibler;
- on ne sait pas quel est l’effet de la mélatonine sur la performance physique et la motivation à faire des efforts intenses;
- la concentration plasmatique de mélatonine après la consommation d’un comprimé de 5 mg peut varier dans une proportion de 1 pour 25 selon les sujets, si bien que ses effets sont difficiles à prévoir.

Les hypnotiques à action brève comme le Zolpidem permettent de s’endormir plus rapidement, ce qui peut être avantageux le premier soir après déplacement transméridional vers l’est. Il semble que les effets de ce type de somnifères n’affectent pas la performance motrice du lendemain. Cependant, les athlètes effectuent pratiquement tous les jours des efforts souvent intenses, si bien qu’ils n’ont sans doute pas besoin d’avoir recours à des médicaments pour trouver rapidement le sommeil. Même si les mesures possibles de prévention et de réduction des effets du décalage horaire n’ont pas toutes fait l’objet d’essais comparatifs randomisés, contrôlés et concluants, les connaissances actuelles en matière de décalage horaire, particulièrement en ce qui a trait au processus de synchronisation des rythmes biologiques circadiens par rapport aux rythmes environnementaux, indiquent que les mesures suivantes pourraient être appropriées :

AVANT LE VOL TRANSMÉRIDIONAL :

- Informer les athlètes que le décalage horaire, bien que source de quelques désagréments personnels, n’affecte pas la performance sportive.
- Proposer aux équipes d’arriver à destination au moins trois jours avant la compétition, le cas échéant.
- S’assurer que les athlètes seront logés dans des endroits confortables, de sorte qu’ils puissent bien se reposer et qu’ils ne soient pas privés de sommeil.

PENDANT LE VOL

- Idéalement, le vol devrait se faire de jour, avec un départ tôt le matin, par exemple 8 h, de sorte que l’arrivée à destination soit en fin d’après-midi ou en début de soirée, selon la ville française de destination.
- Comme les athlètes le savent, ils devraient veiller à être bien hydratés en buvant beaucoup de liquide, surtout de l’eau, et en évitant de consommer des substances diurétiques, comme des boissons contenant de l’alcool ou de la caféine.
- Les athlètes devraient ajuster leur montre à l’heure de la ville de destination, dès le début du vol.

APRÈS L'ARRIVÉE À DESTINATION

- Dès l’arrivée, les athlètes devraient ajuster le moment d’aller au lit, leurs heures de repas et d’activités à celles du lieu de destination.
- Au cours des premiers jours à destination, les athlètes devraient prendre un repas du soir riche en glucides et faible en gras.
- Au petit déjeuner, pour faciliter le déclenchement du cycle d’éveil, les athlètes ne devraient pas se priver de boire du café ou du thé (en quantité raisonnable, soit une ou deux tasses). Ils devraient par contre éviter d’en consommer en fin d’après midi et en soirée.
- Avant d’aller au lit, les premiers soirs après arrivée à destination, les athlètes devraient éviter d’être exposés à une lumière vive et ils devraient prendre le temps de relaxer afin de maximiser les chances de trouver rapidement le sommeil.
- Les athlètes ne devraient pas avoir recours à des hypnotiques à action brève (somnifères) sauf s’ils en ressentent le besoin et s’ils en ont fait l’expérience auparavant.
- Dès le lever le lendemain de l’arrivée à destination, les athlètes devraient s’exposer à la lumière du jour et faire un peu d’exercice (débuter leur échauffement ou marcher pendant quelques minutes en plein air).

À noter que les effets négatifs potentiels des vols transméridionaux sur la performance sportive, s’il y en a, sont certainement minimes en comparaison des effets très prononcés et bien documentés des autres facteurs environnementaux auxquels les athlètes doivent parfois faire face, comme la pluie, la chaleur et l’altitude. Chose certaine, un certain nombre de stratégies faciles à appliquer permet de réduire au minimum les petits désagréments associés au transport, de même que les symptômes liés au décalage horaire.

Source primaire

Reilly T, J Waterhouse et B Edwards (2005) Jet lag and air travel: implications for performance. Clin Sports Med 24(2):367-80.

Rédacteur

Xavier Bonacorsi
étudiant en kinésiologie, Université Laval

Éditeur

Guy Thibault
Ph. D., Direction du sport et de l’activité physique, gouvernement du Québec; Département de kinésiologie de l’Université de Montréal; et INS Québec

Mots-clés

Décalage horaire, Chronobiologie

Lectures suggérées

Carrier J et TH Monk TH (2000) Circadian rhythms of performance: new trends. Chronobiol Int 17(6):719-32.

O’Connor PJ et WP Morgan (1990) Athletic performance following rapid traversal of multiple time zones. A review. Sports Med 10(1):20-30.

O’Connor PJ et al. (2004) Air travel and performance in sports. FIMS Position Statement, Fédération internationale de médicine du sport, mars. 12 p. (www.fims.org)

Sports ciblés

Tous les sports où l’on est susceptible d’avoir à faire des vols transméridionaux avant des stages d’entraînement ou des compétitions

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