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S438 - L'analyse des changements vécus au cours d'une saison permet de comprendre l'épuisement professionnel

L’épuisement professionnel chez les athlètes (burnout) a été décrit comme étant un syndrome caractérisé par un épuisement émotionnel et physique, par la diminution du sentiment d’accomplissement et par la dévalorisation du sport pratiqué (Raedeke, 1997 ; Raedeke & Smith, 2001). Les premières recherches menées sur l’épuisement professionnel vécu par les athlètes ont proposé que l’état négatif ressenti soit un résultat potentiel d’une exposition chronique au stress (Smith, 1986). Il a par la suite été suggéré par Raedeke (1997) qu’un athlète qui se sentirait obligé à rester impliqué dans le sport malgré lui serait plus à risque de vivre une expérience d’épuisement professionnel. De récentes études (Cresswell & Eklund, 2006) ont tenté d’expliquer le phénomène d’épuisement professionnel par une incapacité de l’athlète à satisfaire les besoins fondamentaux reliés au bien-être tels que le sentiment d’autonomie et de compétence. Ceci dit, peu d’études menées à ce jour ont tenté de comprendre comment le phénomène d’épuisement professionnel évoluait à travers le temps. Ainsi, la présente étude avait donc pour but de mieux comprendre l’expérience de certains athlètes par rapport aux facteurs d’influençant l’émergence du syndrome d’épuisement, les symptômes reliés, les conséquences, ainsi que les changements vécus au cours d’une saison.

Neuf athlètes professionnels de la ligue de rugby de Nouvelle-Zélande ont participé à l’étude. Ces athlètes, âgés de 22 à 30 ans, ont fait l’objet d’entrevue à différents moments de leur saison, soit à la pré-saison, mi-saison et à la fin de la saison. La majorité des athlètes sélectionnés avaient déjà fait l’expérience d’épuisement professionnel par le passé.

Les expériences et les perceptions des athlètes ont donc été recueillies au cours de la saison. En pré-saison, les athlètes ont décrit les expériences suivantes : épuisement passager dû à la charge d’entraînement élevée et aux fréquents tests physiques, pression de performer dû aux nombreux tests et sélections, aux attentes positives et à la fois anxieuses pour la saison à venir, aux inquiétudes par rapport au maintient de la forme physique et aux blessures potentielles au cours de la saison, ainsi que la perception d’avoir peu de temps pour faire d’autres activités non reliés au rugby. À la mi-saison, les athlètes ont généralement décrit les expériences suivantes : épuisement soutenu causé par les nombreuses joutes et le peu de chance de récupération, la pression de performer en lien avec les sélections diverses, les déplacements fréquents, et les blessures. À la fin de la saison, l’expérience des joueurs a été décrite comme suit : attention vouée à l’analyse de la performance, épuisement ressenti en lien avec les nombreuses demandes et la charge d’entraînement, les blessures, les nombreux déplacements internationaux, la pression en lien avec les procédures de sélection. Au cours de la saison, quelques athlètes démontraient des signes d’épuisement professionnel tels qu’un sentiment d’épuisement persistant et une diminution du sentiment d’accomplissement. Les joueurs présentant des signes d’épuisement semblaient attribuer leur expérience négative à plusieurs facteurs, telles que la difficulté d’adaptation physique et mentale à la lourde charge d’entraînement, la frustration et la diminution du sentiment d’efficacité liées aux nombreuses blessures, la crainte de ne pas être sélectionné sur l’équipe partante, l’insécurité par rapport à leur habileté à maintenir leurs positions, la perception de difficultés de communication. Les joueurs ne présentant pas de signes d’épuisement ont fait l’expérience de situations similaires aux joueurs souffrant d’épuisement professionnel (blessures, processus de sélection), mais leurs perceptions des évènements semblaient positives. Par exemple, ils appréciaient les défis liés aux processus de sélection, à l’atteinte de leurs objectifs et ils appréciaient leur implication dans leur sport. Ces joueurs ont attribué leur expérience positive à plusieurs facteurs tels que la perception d’un bon support sociale et d’une bonne communication avec leurs entraîneurs et l’équipe. En général, leurs attributions représentaient une perception de confiance et de support de l’équipe ainsi qu’un bon équilibre entre les demandes du sport et leur sentiment de compétence.

En conclusion, l’évolution de l’expérience des joueurs semble avoir joué un rôle important dans le développement du syndrome d’épuisement professionnel. Malgré que la majorité des joueurs aient débutés la saison avec un certain nombre de signes pouvant mener à l’épuisement, certains joueurs se sont adaptés positivement tandis que certains autres sont restés attachés à des expériences négatives. La description des changements d’expérience pourrait permettre une meilleure compréhension de la progression vers l’épuisement professionnel au cours d’une saison. Par exemple, les joueurs qui semblaient être en mesure de mieux s’adapter semblaient également percevoir un meilleur soutient de la part de leur entraîneur et semblait avoir la capacité d’interpréter les situations difficiles de façon positive (ex : comme un défi). Par ailleurs, les joueurs qui ont présenté des signes d’épuisement percevaient leurs expériences de façon négative (ex : comme une menace). D’autres recherches seraient à faire afin d’examiner le lien entre les perceptions positives et négatives d’un même évènement et les conséquences (adaptation positive vs épuisement professionnel). La présente étude a également souligné une différence d’attributions concernant les expériences négatives et positives des joueurs. À la lumière des descriptions de changements d’expérience et des attributions présentées par les joueurs, certaines recommandations pour les entraîneurs ont été suggérées par les auteurs de l’étude. Par exemple, malgré que les blessures et les processus de sélections soient inévitables dans le sport de haut niveau, il serait important d’assurer un soutient et un suivi approprié en cas de blessure ou de non-sélection. Un système de communication efficace entre les athlètes et le personnel de soutient semble essentiel. Enfin, il a été suggéré que les athlètes soient fortement encouragés à réinterpréter les situations difficiles de façon positive (par la pensée positive et la restructuration cognitive). Malgré que la présente étude permet une meilleure compréhension de l’évolution du syndrome d’épuisement professionnel, les résultats ne peuvent pas encore être généralisés à tous les sports et tous les pays. De futures études examinant différentes populations et différents sports permettraient d’élargir les connaissances reliées à l’épuisement professionnel pour ensuite intervenir de façon plus efficace.

Source primaire

Cresswell, SL, Eklund, RC. Athlete burnout: a longitudinal qualitative study. The Sport Psychologist 2007; 21, 1-20.

Rédacteur

Julie Senécal
M.A. Consultante en psychologie du sport, Montréal, Québec

Éditeur

André Fournier
directeur INS Québec - Montréal

Mots-clés

Épuisement professionnel, burnout

Lectures suggérées

Cresswell, SL, Eklund, RC. The nature of athlete burnout: Key characteristics and attributions. Journal of Applied Sport Psychology 2006; 18, 219-239.

Gould, D, Tuffey, S, Udry, E, Loehr, J. Burnout in competitive junior tennis players: III. Individual differences in the burnout experience. The Sport Psychologist 1997; 11, 257-276.

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