La perception de l’effort (RPE), qui se définit comme l’ensemble des sentiments d’effort, de contrainte, d’inconfort et de fatigue, qu’une personne éprouve durant un exercice (Noble et Robertson, 1996), est de plus en plus utilisée dans le cadre de l’entraînement sportif. En effet, il a déjà été montré que la RPE peut être recommandée pour des objectifs variés (Coquart et coll., 2009). Par exemple, selon Okura et Tanaka (2001), le seuil anaérobie et la consommation maximale d’oxygène (VO2max) peuvent être prédits à l’aide d’équations intégrant les mesures anthropométriques du sujet, ainsi que la puissance développée à RPE 14 ou 15 (pour le seuil anaérobie ou la VO2max, respectivement).

Récemment, Nakamura et coll. (2008) ont proposé une méthode d’estimation de la puissance critique (PC qui est, en théorie, la plus haute intensité pouvant être maintenue indéfiniment sans apparition de la fatigue) en utilisant la RPE. Cette méthode consiste tout d’abord en la détermination de la pente de la relation entre la RPE et le temps lors de quatre tests à puissance constante (voir figure 1 : https://notyss.com/savoirsport/downloadfile?id=198&fichier=S583_figure1.doc ).

Ensuite, la relation entre ces pentes et les puissances développées correspondantes doit être extrapolée pour déterminer la puissance développée à une pente nulle (Figure 2).

Selon Nakamura et coll. (2008), la valeur obtenue correspond au « seuil de perception de l’effort » (SRPE) et doit être considérée comme l’intensité théorique à la valeur de RPE à l’état stable.

L’objectif de la présente étude était de tester si le SRPE est un indicateur des capacités aérobies.

MÉTHODE

Onze étudiants masculins (âge : 24,4 ± 3,7 ans ; masse corporelle : 76,5 ± 11,7 kg ; taille : 1,77 ± 0,04 m) ont réalisé trois sessions d’exercice sur bicyclette ergométrique. Ces sessions consistaient en :
- deux tests de familiarisation,
- un test incrémenté exhaustif,
- une série de quatre tests exhaustifs à puissance constante.

LES TESTS DE FAMILIARISATION

Les participants réalisaient deux intensités d’exercice jusqu’à épuisement volontaire. Ces intensités étaient choisies de façon à ce que la durée des exercices soit comprise entre 2 et 15 minutes. L’objectif de ces tests était de familiariser les participants aux tests de détermination de la PC et à l’utilisation de l’échelle RPE.

LE TEST INCRÉMENTÉ EXHAUSTIF

Durant le test incrémenté exhaustif, la puissance initiale était fixée à 30 W et l’incrément était de 30 W.min-1. Ce test permettait de déterminer les seuils d’adaptation (SV1) et d’inadaptation ventilatoires (SV2), ainsi que la VO2max.

LES QUATRE TESTS EXHAUSTIFS À PUISSANCE CONSTANTE

Quatre tests à puissance constante étaient maintenus jusqu’à épuisement. Les puissances moyennes développées durant ces tests étaient : 187, 212, 247 et 286 W. Ces tests permettaient de déterminer la PC. De plus, durant chacun de ces tests, la RPE était collectée régulièrement pour déterminer le SRPE (figures 1 et 2, voir figure 2 : https://notyss.com/savoirsport/downloadfile?id=198&fichier=S583_figure2.doc ).

RÉSULTATS

Le SRPE n’était pas significativement différent de la PC (146 ± 31 vs 146 ± 33 W). De plus, les valeurs relatives (i.e. avec une prise en compte de la masse corporelle) de SRPE étaient significativement corrélées aux valeurs relatives de la PC (p < 0,01 ; r = 0,84), la consommation d’oxygène au SV1 (p < 0,05 ; r = 0,76), la consommation d’oxygène au SV2 (p < 0,05 ; r = 0,72), et la VO2max (p < 0,05 ; r = 0,88).

DISCUSSION

Les résultats de cette étude suggèrent que le SRPE correspond à la PC. Ce résultat a une application pratique intéressante pour l’entraînement en cyclisme. En effet, lorsqu’un cycliste réalise des tests en laboratoire sur ergocycle afin d’évaluer sa PC, il repart chez lui avec une valeur de puissance. Cependant, lorsqu’il s’entraîne sur le terrain, l’intensité qu’il maintient sur son vélo est exprimée sous la forme d’une vitesse (grâce à son compteur de vitesse) et non d’une puissance. Par conséquent, la connaissance de sa PC ne lui permet pas toujours d’optimiser ses entraînements. Toutefois, comme le SRPE coïncide avec la PC, la valeur de RPE au SRPE peut être utilisée en cyclisme pour prescrire l’intensité d’exercice à la PC.

De plus comme le SRPE était significativement corrélé aux seuils ventilatoires et à la VO2max, le SRPE peut être considéré comme un indicateur de la capacité aérobie des sportifs. De ce fait, estimer le SRPE permet d’évaluer les progrès à la suite d’un programme d’entraînement. En effet, avec les améliorations physiologiques liées au programme d’entraînement, le SRPE devrait se décaler vers la droite sur la figure 2. En d’autres termes, avec l’amélioration des capacités aérobies, la puissance développée à SRPE doit être plus élevée si l’entraînement est efficace.

CONCLUSION

Le SRPE coïncide avec la PC, et est significativement corrélé aux seuils ventilatoires et à la VO2max. Le SRPE est donc un outil de mesure valide qui permet d’estimer les capacités aérobies des cyclistes.