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S584 - Pour oxyder un maximum de lipides, les femmes doivent être entraînées à une intensité relative supérieure de 10 % en comparaison aux hommes

À l’heure actuelle, il est souvent dit que, lors d’un exercice prolongé, les femmes oxydent davantage de lipides que les hommes, et ce, pour un même effort relatif (i.e., pour un même pourcentage de leur capacité maximale aérobie). Si cette idée reçue est correcte, les femmes épargneraient ainsi leurs capitaux glycogénique et protéinique, au profit de l’oxydation des lipides. Par conséquent, pour une même intensité relative, il semblerait que les hommes doivent réaliser un effort plus long que les femmes pour oxyder une quantité similaire de lipides, et ainsi perdre de la masse grasse.

Un moyen d’étudier l’utilisation des substrats durant l’exercice physique consiste à réaliser un test de calorimétrie d’effort (Brun et al., 2007a et b). Après une période de repos de 3 minutes, suivie d’une période d’échauffement de 3 minutes à 20 % de la puissance maximale théorique (PMT), le test de calorimétrie d’effort peut commencer. Ce type de test consiste en la réalisation de 4 charges de travail sous-maximales (à 30, 40, 50 et 60 % PMT) de 6 minutes, suivies d’un incrément de puissance amenant rapidement à l’épuisement volontaire (en 2-3 minutes). Durant ce test, les échanges gazeux et respiratoires sont mesurés. À la fin des 4 charges de travail sous-maximales, les valeurs de consommation d’oxygène (VO2) et de production de dioxyde de carbone (VCO2), mesurées toutes les 30 secondes entre la 5e et la 6e min, sont moyennées. À partir de ces moyennes, la part respective d’oxydation des glucides et des lipides est déterminée en appliquant les formules suivantes :

Glucides (mg.min-1) = 4,585 × VCO2 - 3,2255 × VO2?Lipides (mg.min-1) = - 1,7012 × VCO2 + 1,6946 × VO2

Dans ces équations, VCO2 correspond à la production de dioxyde de carbone (en ml.min-1), tandis que VO2 représente la consommation d’oxygène (en ml.min-1).

Une fois ces parts respectives calculées, il est alors possible de voir que l’oxydation des lipides augmente en fonction de l’intensité de l’exercice jusqu’à une puissance appelée « Lipoxmax », puis décroît (Brun et al., 2007b).

D’autre part, lorsque l’on exprime l’énergie fournie en pourcentage, les oxydations glucidique et lipidique évoluent en sens contraire et se croisent en un point appelé « point de croisement » (PCX ; Brooks et Mercier, 1994), lequel représente une zone de transition du métabolisme énergétique à l’exercice (voir figure 1 : https://notyss.com/savoirsport/downloadfile?id=197&fichier=S584_figure1.doc ).

L’objectif de la présente étude était de comparer au moyen de la calorimétrie d’effort, le débit maximal d’oxydation des lipides (DMOL), le point d’oxydation maximale des lipides (Lipoxmax), et le point à partir duquel les glucides deviennent le substrat préférentiellement oxydé (PCX), entre des femmes et des hommes.

D’un point de vue pratique, cette étude devait permettre, entre autres, de déterminer si les hommes et les femmes doivent s’entraîner à la même intensité relative pour oxyder une quantité similaire de lipides. Si des différences sont identifiées, ces dernières devront être prises en compte dans l’entraînement lorsque l’objectif est de réduire de façon optimale la masse grasse.

MÉTHODE

Pour cette étude, 61 sportifs et 196 sédentaires ont réalisé, à jeun, un test de calorimétrie d’effort (voir tableau 1 : https://notyss.com/savoirsport/downloadfile?id=197&fichier=S584_tableau1.doc ). Ce test permettait de déterminer DMOL, Lipoxmax et PCX.

RÉSULTATS

Quel que soit le groupe (sportifs et sédentaires), les mesures de DMOL étaient très proches entre les hommes et les femmes (voir tableau 2 : https://notyss.com/savoirsport/downloadfile?id=197&fichier=S584_tableau2.doc ).

Cependant, les femmes des groupes sportifs et sédentaires avaient leur Lipoxmax à une intensité relative significativement plus élevée que les hommes (d’approximativement 10 à 15 % de la consommation maximale d’oxygène, Tableau 2 et Figure 2 ; p < 0,01).

De façon similaire, leur PCX survenait à un pourcentage de consommation maximale d’oxygène (VO2max) plus élevé (Tableau 2).

DISCUSSION

Les résultats de cette étude suggèrent que les femmes oxydent au maximum autant de lipides à l’effort que les hommes (Tableau 2 et Figure 2). Cependant, ce résultat est vrai lorsque les groupes sont bien appariés (en terme d’âge, d’indice de masse corporelle et de durée d’activité physique hebdomadaire). Par exemple, il est possible d’oxyder au maximum approximativement 3,5 à 3,7 mg.min-1.kg-1 de lipides chez des sportifs (femmes et hommes confondus) et environ 2,7 mg.min-1.kg-1 de lipides chez des sédentaires (femmes et hommes confondus) (Tableau 2).

Toutefois, cette étude montre que le Lipoxmax et le PCX sont en moyenne décalés de 10 % vers des intensités plus élevées chez les femmes. Ce résultat a une application pratique importante sur le terrain. En effet, cela signifie que, pour oxyder un maximum de lipides, les femmes doivent être entraînées à une intensité relative supérieure de 10 % en comparaison aux hommes. Chez les sujets sportifs ou sédentaires, les différences entre les femmes et les hommes peuvent être encore plus importantes (de l’ordre de 15 % de la puissance maximale). En effet, pour oxyder un maximum de lipides, l’entraîneur devra proposer des intensités d’exercice d’environ 45 vs 30 % de la puissance maximale chez des sportives et des sportifs, respectivement ; tandis qu’il proposera des intensités d’approximativement 55 vs 40 % de la puissance maximale chez des femmes et hommes sédentaires, respectivement (Tableau 2).

De plus, si l’entraîneur propose une même intensité d’exercice relative pour un groupe de sportifs (sans dissocier les femmes des hommes), il doit garder à l’esprit qu’aux intensités d’exercice modérées à élevées, les femmes oxyderont plus de lipides que les hommes (voir figure 2 : https://notyss.com/savoirsport/downloadfile?id=197&fichier=S584_figure2.doc ).

CONCLUSION

Bien que les femmes oxydent au maximum autant de lipides que les hommes, elles doivent s’entraîner à une intensité d’exercice supérieure de 10 % à celle des hommes pour atteindre cette oxydation maximale.

Source primaire

Brun J-F, Boegner C, Raynaud E, Mercier J. Contrairement à une idée reçue, des femmes n’oxydent pas plus de lipides à l’effort que les hommes, mais leur Lipoxmax survient à une puissance plus élevée. Science & Sport 2009 ;24(1):45-48.

Rédacteur

Jérémy Coquart
docteur en sciences et techniques des activités physiques et sportives Attaché de recherche clinique - Centre hospitalier Germon et Gauthier, Béthune, France Chercheur associé, laboratoire d’études de la motricité humaine, Ronchin, France Enseignant
http://site.voila.fr/coquart.jeremy

Éditeur

François Bieuzen
docteur en physiologie appliquée. Mission Recherche (INSEP)

Mots-clés

Lipoxmax, oxydation maximale des lipides, calorimétrie d’effort, balance énergétique, femme

Lectures suggérées

Brooks GA, Mercier J. Balance of carbohydrate and lipid utilization during exercise: the "crossover" concept. Journal of Applied Physiology 1994;76(6):2253-2261.

Brun J-F, Jean E, Ghanassia E, Flavier S, Mercier J. Metabolic training: proposals for new paradigms of exercise training in metabolic diseases using individual targetting with exercise calorimetry. Annales de Réadaptation et de Médecine Physique 2007;50(6):528-534.

Brun J-F, Jean E, Ghanassia E, Flavier S, Mercier J. Réentraînement des maladies métaboliques ciblé individuellement par la calorimétrie d’effort. Annales de Réadaptation et de Médecine Physique 2007;50(6):520-527.

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Cyclisme

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