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S540 - Le choix de l’intensité de l’exercice permet de jouer sur la perception et l’émotion de l’athlète ainsi que sur la production d'hormones

Durant un exercice physique, la forte relation entre la perception de l’effort (RPE) et les mesures physiologiques (e.g., la fréquence cardiaque ou la consommation d’oxygène) démontre le puissant lien entre la psychologie et la physiologie (Noble et Robertson, 1996 ; Borg, 1998 ; Coquart et coll., 2009). De ce fait, en entraînement sportif de haut niveau, il est indispensable d’avoir une approche psychophysiologique de l’exercice pour optimiser la performance.

On sait que les réponses cardiovasculaires et métaboliques à l’exercice sont principalement régulées par le système neuroendocrinien. De ce fait, de nombreux chercheurs se sont intéressés aux productions hormonales durant l’exercice physique. À partir de certains de ces travaux, dont ceux de Frankenhaeuser et coll. (1969), on suggère que la production de catécholamines (e.g., adrénaline et noradrénaline) peut être un indicateur de l’« effort » (i.e., ce que je ressens durant l’exercice), tandis que l’activation de l’axe hypothalamo-pituitaire-adrénergique (qui peut être évaluée par la production de cortisol) semble être un indicateur de l’« appréhension » (i.e., comment je ressens l’exercice).

De nos jours, il est établi que le niveau de l’effort ressenti (RPE) durant un exercice physique augmente linéairement avec l’intensité de l’exercice, tandis que l’appréhension évolue de façon curvilinéaire avec cette dernière. De ce fait, RPE et l’appréhension (qui correspond à un état affectif) sont bien deux mesures psychophysiologiques distinctes.

Cependant, à l’heure actuelle, aucune expérimentation n’a étudié l’évolution des réponses hormonales, de RPE et d’appréhension selon l’intensité de l’exercice.

Pour pallier à ce manque, Acevedo et coll. (2007) ont mené une étude dont l’objectif était d’examiner l’évolution de l’adrénaline, de la noradrénaline, du cortisol, de la lactatémie, de la perception de l’effort et de l’appréhension, en fonction de l’intensité de l’exercice chez des coureurs entraînés.

MÉTHODE

Sept étudiants masculins qui avaient une expérience conséquente en course à pied et qui étaient bien entraînés ont été recrutés.

Après avoir évalué leur consommation maximale d’oxygène (VO2max) lors d’un exercice progressif, les athlètes ont réalisé un exercice discontinu sur tapis roulant. Durant cet exercice, les coureurs maintenaient 60, 75, 90 et 100 % VO2max pendant 10, 10, 5 et 2 min, respectivement. Entre chaque charge de travail, une période de récupération active (marche) allant de 3 min 30 à 4 min était imposée.

À chaque charge de travail, l’adrénaline, la noradrénaline, le cortisol, la lactatémie, la perception de l’effort et l’appréhension étaient mesurés. De plus, toutes les 15 min durant l’heure suivant la dernière charge de travail, les paramètres sanguins (i.e., adrénaline, noradrénaline, cortisol, lactatémie) étaient de nouveau mesurés. Un mois après l’exercice discontinu, les prélèvements sanguins étaient relevés dans les mêmes intervalles de temps que lors de l’exercice discontinu mais au repos (condition contrôle).

Les mesures hormonales, de lactatémie, de perception de l’effort et d’appréhension étaient comparées entre les conditions d’exercice (i.e., condition expérimentale) et contrôle.

RÉSULTATS

L’adrénaline (à 90 et 100 % VO2max) et la noradrénaline (à 60, 75, 90 et 100 % VO2max, et durant les 30 min suivant la dernière charge de travail) étaient significativement plus élevées durant l’exercice que lors de la condition contrôle (Figure 1). Ainsi, l’aire sous la courbe de la relation entre adrénaline/noradrénaline et le temps était significativement plus élevée durant l’exercice en comparaison à la condition contrôle.

Le cortisol était significativement plus élevé à 90 et 100 % VO2max ainsi que durant l’heure suivant l’exercice, en comparaison à la condition contrôle (Figure 2). Ainsi, l’aire sous la courbe de la relation entre le cortisol et le temps était significativement plus élevée lors de l’exercice que durant la condition contrôle.

La lactatémie augmentait exponentiellement avec l’intensité de l’exercice.

RPE et l’appréhension augmentaient avec l’intensité de l’exercice (Figure 3). Cependant, l’augmentation de l’appréhension était non linéaire, avec une appréhension significativement plus élevée seulement lors des intensités d’exercice les plus élevées.

DISCUSSION

En se basant sur ces résultats, l’on peut conclure que RPE augmente linéairement avec l’intensité de l’exercice, tandis que l’appréhension augmente non linéairement. De plus, comme pour l’appréhension, le cortisol augmente seulement lors des intensités les plus élevées. Par conséquent, l’appréhension suit plutôt l’évolution du cortisol que celle des catécholamines (i.e., adrénaline et noradrénaline). De ce fait, on peut confirmer que RPE et l’appréhension sont deux mesures psychophysiologiques distinctes. En effet, RPE est un indicateur de la pénibilité de l’effort, tandis que l’appréhension est un indicateur de l’état affectif dans lequel l’athlète se trouve. Comme ces mesures sont complémentaires, il est intéressant de mesurer RPE et l’appréhension chez les coureurs entraînés.

Concrètement, cette étude révèle que les signaux physiologiques obtenus lors d’efforts supérieurs ou égaux à 90 % VO2max peuvent être perçus comme menaçants chez le coureur expérimenté, ce qui peut produire de l’appréhension, laquelle peut réduire la motivation à l’exercice. De ce fait, il semble nécessaire de proposer régulièrement des exercices sous-maximaux (à des intensités inférieures à 90 % VO2max) pour éviter que l’athlète perçoive continuellement les exercices comme menaçants et qu’il se rende à l’entraînement avec un manque de motivation. D’un autre côté, pour les coureurs de haut niveau spécialistes des distances inférieures ou égales au 5 000 m, il peut être recommandé de travailler essentiellement à des intensités d’exercices supérieures à 90 % VO2max pour apprendre à gérer l’appréhension qui sera rencontrée durant la compétition.

Source primaire

Acevedo EO, Kraemer RR, Kamimori GH, Durand RJ, Johnson LG, Castracane VD. Stress hormones, effort sense, and perceptions of stress during incremental exercise: an exploratory investigation. Journal of Strength and Conditioning Research 2007;21(1):283-288.

Cet article est consultable sur le site Pubmed

Rédacteur

Jérémy Coquart
docteur en sciences et techniques des activités physiques et sportives Attaché de recherche clinique - Centre hospitalier Germon et Gauthier, Béthune, France Chercheur associé, laboratoire d’études de la motricité humaine, Ronchin, France Enseignant
http://site.voila.fr/coquart.jeremy

Éditeur

Chantalle Mathieu

Mots-clés

perception de l’effort, sentiment éprouvé, catécholamine, cortisol, intensité d’exercice

Lectures suggérées

Borg G. Borg's Perceived Exertion and Pain Scales. Champaign, IL: Human Kinetics 1998.

Coquart JBJ, Legrand R et coll. Influence of successive bouts of fatiguing exercise on perceptual and physiological markers during an incremental exercise test. Psychophysiology 2008; in press.

Frankenhaeuser M, Post B et coll. Physiological and subjective reactions to different physical work loads. Perceptual and Motor Skills 1969;28(2):343-349.

Noble BJ, Robertson RJ. Perceived exertion. Champaign, IL: Human Kinetics 1996.

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