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S541 - La connaissance de la distance ou de la durée d’une course peut avoir une incidence sur la récupération psychologique de l’athlète

Toutes les activités physiques ont, par nécessité, un début et une fin. Cependant, cette fin peut être connue ou inconnue. Lorsque celle-ci est connue, elle est exprimée soit en terme de distance (e.g., 42 km 195 durant un marathon), soit en terme de durée (e.g., une course de 24 heures). Dans ces conditions, les courses sont décrites comme étant en « boucle fermée ». Inversement, quand le coureur ne connaît pas la fin de la course (e.g., lorsqu’un coureur réalise un temps limite à vitesse constante), on parle de course « en boucle ouverte ». Cependant, tous les athlètes arrêtent les courses en boucle ouverte à un moment donné. Lors des courses en boucle ouverte, le point final de la course est probablement créé inconsciemment par le cerveau, afin que le coureur réalise la meilleure performance possible, tout en maintenant l’homéostasie de son organisme (St Clair Gibson et coll., 2006). Par conséquent, quel que soit le type de course (i.e., en boucle fermée ou en boucle ouverte), le coureur recherche un point final (i.e., longueur réellement connue ou anticipée) pour stopper son effort.

Probablement pour déterminer le type de course le moins dur psychologiquement, Baden et coll. (2005) ont comparé les valeurs de perception de l’effort (RPE : Ratings of Perceived Exertion, Borg, 1998) relevées lors d’une course en boucle ouverte avec celles obtenues durant une course dont la durée était connue. Cependant, ces auteurs n’ont pas examiné les valeurs de RPE relevées lors de courses avec une consigne de distance. De plus, Baden et coll. (2005) ont réalisé leur étude dans un laboratoire, ce qui ne reflète pas forcément la réalité du terrain.

Pour mieux comprendre comment l’exercice est ressenti par le coureur, Garcin et coll. (1999) suggèrent d’utiliser, en complément de l’échelle RPE, une échelle basée sur la prédiction du temps d’épuisement (ETL : Estimation du Temps Limite). Seuls Coquart et coll. (2008) ont déjà comparé les valeurs d’ETL obtenues lors d’une course de distance avec celles relevées lors d’une course de durée. Cependant, ces auteurs n’ont pas confronté les valeurs d’ETL des courses en boucle fermée avec celles obtenues durant une course en boucle ouverte.

L’objectif de la présente étude était d’analyser sur le terrain l’effet (i.e., exprimée en terme de distance ou durée) ou non (i.e., durée et distance inconnue) de la connaissance de la longueur de course sur les valeurs de RPE et d’ETL.

MÉTHODE

Quatorze hommes ont réalisé un exercice incrémenté et exhaustif pour déterminer leur vitesse maximale aérobie (VMA). Ensuite, ces athlètes ont effectué dans les mêmes conditions trois courses exhaustives à vitesse constante (à 90 % VMA). Cependant, lors de la première de ces courses, les athlètes ne connaissaient pas la longueur de course ; ils devaient maintenir l’intensité imposée le plus longtemps possible afin de déterminer leur temps et distance d’épuisement (i.e., Tlim et Dlim, respectivement). Lors des deux autres courses (qui étaient réalisées dans un ordre aléatoire), les athlètes connaissaient la fin de l’exercice, puisqu’ils avaient pour consigne de maintenir 100 % Tlim ou Dlim. Durant les courses, les valeurs de RPE et d’ETL étaient mesurées toutes les minutes. Ensuite, les valeurs de RPE et d’ETL à 20, 40, 60 et 80 % Tlim/Dlim étaient comparées entre chaque course.

RÉSULTATS

Quelle que soit la course, il y a une augmentation significative des valeurs de RPE et d’ETL en fonction de la progression de l’exercice (i.e., 20, 40, 60 et 80 % Tlim/Dlim). De plus, les valeurs de RPE sont significativement plus faibles à 40, 60 et 80 % Tlim/Dlim lors de la course d’une longueur inconnue en comparaison à la course d’une distance connue. Un effet similaire est constaté entre la course avec une longueur inconnue et la course avec une durée connue, mais seulement à 80 % Tlim/Dlim. En revanche, aucune différence significative n’est observée pour les valeurs d’ETL.

DISCUSSION

Les valeurs de RPE sont influencées par la connaissance ou non du point final de la course. Cela signifie que les coureurs percevaient la course comme étant moins dure lors de l’exercice avec une longueur de course inconnue, que lors des exercices dits en boucle fermée (i.e., avec connaissance de la distance ou de la durée d’effort).

Ce résultat peut être expliqué, entre autres, par le fait que l’absence de la connaissance de la longueur de la course a provoqué la mise en place de nombreuses stratégies de dissociation. En effet, ne connaissant pas la fin de la course, les coureurs auraient davantage focalisé leur attention sur les signaux externes (présents dans l’environnement) et moins sur les signaux internes déplaisants (liés à l’exercice), produisant ainsi des valeurs de RPE plus faibles.

L’entraîneur planifie régulièrement des séances de récupération physiologique, durant lesquelles la charge de travail est diminuée, et ce, afin que l’athlète de haut niveau entre dans un processus de surcompensation physiologique. Ce processus est essentiel pour que l’athlète améliore sa condition physique et donc ses performances. Cependant, en plus d’une récupération physiologique, l’athlète de haut niveau a aussi besoin de récupérer psychologiquement. De ce fait, durant les séances de récupération physiologique, il peut être proposé des courses de longueur inconnue pour diminuer la charge psychologique encourue.

Inversement, si l’entraîneur désire augmenter l’endurance et la résistance psychologiques du coureur de haut niveau, il peut proposer des courses en boucle fermée. En effet, en demandant au coureur de réaliser une durée ou une distance donnée, l’entraîneur ne réduira pas la pénibilité de l’effort de son athlète, et donc ce dernier devra résister à une charge psychologique élevée, ce qui développera probablement son endurance et sa résistance psychologiques.

Source primaire

Coquart JBJ, Garcin M. Knowledge of the Endpoint: Effect on Perceptual Values. International Journal of Sport Medicine 2008; Jul 3. [Epub ahead of print]

Cet article est consultable sur le site Pubmed.

Rédacteur

Jérémy Coquart
docteur en sciences et techniques des activités physiques et sportives Attaché de recherche clinique - Centre hospitalier Germon et Gauthier, Béthune, France Chercheur associé, laboratoire d’études de la motricité humaine, Ronchin, France Enseignant
http://site.voila.fr/coquart.jeremy

Éditeur

Antonini Roberta
professeur

Mots-clés

perception de l’effort, estimation du temps limite, consigne, course à vitesse constante, connaissance de la durée/ distance de course

Lectures suggérées

Baden DA, McLean TL et coll. Effect of anticipation during unknown or unexpected exercise duration on rating of perceived exertion, affect, and physiological function. British Journal of Sports Medicine 2005;39(10):742-746.

Borg G. Borg’s perceived exertion and pain scales. In: Borg G (Ed). Champaign: Human Kinetics 1998.

Coquart JBJ, Raul P et coll. Influence of instructions on perceptually-based ratings. International Journal of Sport Medicine 2008;29(2):151-157.

Garcin M, Vandewalle H et coll. A new rating scale of perceived exertion based on subjective estimation of exhaustion time: a preliminary study. International Journal of Sport Medicine 1999;20(1):40-43.

St Clair Gibson A, et coll. The role of information processing between the brain and peripheral physiological systems in pacing and perception of effort. Sports Medicine 2006;36(8):705–722.

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