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S886 - Les modèles de développement du sportif ne sont que des références générales, à ne pas ériger en dogme

Les auteurs de ce chapitre d’un livre sur le sport au Canada se penchent sur les fondements, concepts et enjeux d’action relatifs au développement des participants dans les sports, jusqu’au haut niveau.

Tout en soulignant que dans le discours public, les acteurs concernés sont invités à miser en priorité sur des mesures de développement des participants dans le sport dont la valeur a été démontrée par des recherches, ils montrent qu’en revanche, le modèle théorique le plus populaire en cette matière au sein des organismes canadiens de sport (Développement à long terme du participant/athlète 2.0, DLTP/A, 2015) est inadapté. Ce dernier a été mis de l’avant par Le sport c’est pour la vie. Il met l’accent sur le développement de la « littératie sportive », repose sur sept stades allant de Enfant actif (0-6 ans) à Vie active, en passant notamment par S’entraîner à s’entraîner (filles : 11-15 ans ; garçons : 12-16 ans), S’entraîner à la compétition (filles : 15-21 ans ; garçons : 16-23 ans) et S’entraîner à gagner (filles : 18 et plus; garçons : 19 et plus). Ne pas tenir compte de ces fenêtres d’opportunité dans les programmes sportifs entraverait les chances de succès de l’athlète.

Thibault et Cléroult croient que la promotion extrêmement intensive du DLTP/A auprès des organismes canadiens de sport aura au moins eu le mérite de susciter une réflexion sur les besoins des sportifs aux différents stades de développement, mais que l’examen critique de ce modèle fait ressortir qu’il manque de substance. Cette critique repose notamment sur les travaux de Lloyd et Oliver (2012) et de Lloyd et coll. (2015a ; 2015b) qui se sont aussi penchés sur plusieurs autres modèles du développement de l’athlète. Pour Lloyd et ses collègues, le modèle de développement à long terme de l’athlète, version d’origine du DLTP/A :
• repose sur des concepts théoriques qui ne sont pas soutenus par la recherche;
• omet d’admettre que les effets des divers stimuli d’entraînement sur les adaptations pendant les différentes phases de maturation sont insuffisamment documentés;
• insiste trop sur l’idée que l’excellence ne peut être atteinte qu’avec au moins 10 000 heures de pratique (nombre de recherches indiquent que la spécialisation hâtive mène généralement à de mauvais résultats ou à l’abandon prématuré de la participation sportive).

Chose certaine, dans les sports où le haut niveau est généralement atteint en bas âge (gymnastique, patinage artistique, plongeon, etc.), on s’accommode difficilement du DLTP/A qui situe le stade S’entraîner à gagner à des âges aussi élevés que 18 et 19 ans (femmes et hommes, respectivement). En réalité, comme le soulignent Lloyd et Oliver (2012), on peut améliorer à tout âge chacun des déterminants de la performance, bien que les mécanismes qui déterminent l’importance de la progression ne sont pas nécessairement les mêmes d’une phase à l’autre de la maturation. Surtout, les gains varient beaucoup d’un jeune sportif à l’autre, ce qui souligne la nécessité d’individualiser les programmes d’entraînement.

Comme l’indiquent Coutinho et coll. (2016), qui ont dépouillé 54 études publiées dans 23 revues scientifiques avec révision par des pairs, le développement du talent sportif repose sur un si grand nombre de facteurs (certains plus difficiles à appréhender que d’autres) qu’il est somme toute utopique de croire qu’on peut modéliser simplement le cheminent idéal vers l’excellence sportive.

Thibault et Cléroult concluent que tant et aussi longtemps que l’on ne disposera pas de suffisamment de données probantes, les lignes directrices et les modèles de développement du sportif devront être considérés comme des références générales et globales qu’il ne faut surtout pas ériger en « religion », ni laisser croire qu’ils sont toujours parfaitement étayés de connaissances scientifiques.

Source primaire

Thibault G. et M. Cléroult (à paraître : août 2019) Développement, de la découverte au sport de haut niveau. Chapitre de « Sport et société : Perspectives conceptuelles et enjeux d’action aux échelles québécoise, canadienne et internationale », Roult R. (éditeur), Université du Québec à Trois-Rivières.

Rédacteur

Marc-André Duchesneau, Ph.D., Université de Montréal

Éditeur

Thomas Romeas, Institut national du sport du Québec

Mots-clés

développement, Spécialisation, Modèles

Lectures suggérées

Bergeron M. F. (2015) International Olympic Committee consensus statement on youth athletic development. British Journal of Sports Medicine 49:843-51.

Comité scientifique de Kino-Québec (2011) L’activité physique, le sport et les jeunes – Savoir et agir. Secrétariat au loisir et au sport, ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, gouvernement du Québec, 104 p.
www.kino-quebec.qc.ca/publications/ActivitePhysique_LeSportEtLesJeunes_AvisCSKQ.pdf

Coutinho P et coll. (2016) Talent development in sport: A critical review of pathways to expert performance. Sports Science & Coaching 11:279-93.

Lloyd RS et coll. (2015a) Long-term athletic development- Part 1: A pathway for all youth. Journal of Strength and Conditioning Research 29:1439-50.

Lloyd RS et coll. (2015b) Long-term athletic development- Part 2: Barriers to success and potential solutions. Journal of Strength and Conditioning Research 29:1451-64.

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