La capacité à produire des solutions créatives est une des clés de la performance d’experts en sport. En soccer, l’un des attributs des joueurs de haut niveau est leur capacité à être novateur et surprenant dans leurs processus de prise de décision en respectant des contraintes d’espace et de temps. Ceci leur permet d’être plus efficaces en jeu et de rendre plus difficile la prédiction de leurs actions.

Le but de l’étude était d’identifier les comportements de recherche visuelle qui sous-tendent les performances créatives supérieures de joueur de soccer à 11, lors de match simulés.

Les joueurs (N = 44) devaient interagir avec une simulation vidéo grandeur nature, représentative de situations d’attaque alors qu’ils étaient en possession du ballon. Ils étaient tenus d’indiquer comment jouer le ballon en réponse à chaque situation présentée à partir de séquences vidéo obstruées à des moments clés. De plus, ils devaient nommer d'autres actions supplémentaires qu'ils pouvaient exécuter pour chaque situation.

Les comportements de recherche visuelle ont été examinés à l’aide d'un système portable d’enregistrement des mouvements oculaires. Les joueurs ont été classés dans la catégorie la plus créative (n = 11) ou la moins créative (n = 11) en fonction de leurs performances dans la tâche représentative.

Les performances créatives de la tâche ont été mesurées en utilisant les trois critères d’originalité, de flexibilité et de fluidité des décisions (Runco, 2014; Guilford, 1967).
- L'originalité se référait à des réponses rares ou atypiques selon la norme. Trois évaluateurs indépendants (entraîneurs de football qualifiés de l’UEFA) ont jugé l’originalité des solutions données par les participants pour chaque scène en utilisant une échelle de type Likert allant de 1 (pas du tout original) à 5 (très original).
- La fluidité a été évaluée par le nombre de solutions tactiques appropriées produites par un participant par essai.
- La flexibilité a été mesurée par la diversité des réponses. Toutes les solutions proposées par les participants ont été classées en différents types d’options (passe, feinte, tir, etc.) Un point a été attribué à chaque catégorie sélectionnée par un participant et additionné pour l'essai correspondant, avant d'être divisé par le nombre total d’essais afin d'obtenir un score de flexibilité pour chaque participant.

Les trois composantes ont été analysées indépendamment, suivies du calcul d’une moyenne des quatre valeurs en une valeur de performance créative.

Les résultats relèvent les différences de jugement fondées sur la créativité. Ces derniers ont été étayés par des différences de stratégie de recherche visuelle :
• Les joueurs les plus créatifs ont utilisé un champ d’attention plus large comprenant plus de fixations de durée plus courte et vers des emplacements de l’affichage plus informatifs (stimuli pertinents) que les lecteurs les moins créatifs.
• Les joueurs les plus créatifs ont détecté des coéquipiers dans des positions menaçantes plus tôt dans le jeu offensif. Les joueurs créatifs identifient deux attaquants en position menaçante lorsque les joueurs moins créatifs n’en ont identifié aucun. De plus, les joueurs créatifs identifient plus d’attaquants par essai que le groupe moins créatif (4 joueurs contre 3 en moyenne).
• Un champ d’attention limité restreint la quantité de stimuli et d’informations pouvant être acquis et traités, ce qui amène les joueurs à rater des informations importantes pour le jeu (Friedman et al, 2003). Alors qu’un champ d’attention large permet d’associer différents stimuli qui peuvent sembler initialement non pertinents (Memmert, 2005).

En conséquence, quelques implications sont suggérées aux entraîneurs afin de faciliter le développement de comportements créatifs chez ses athlètes :
- Il est nécessaire de concevoir des environnements de pratique qui poussent les joueurs à porter une attention particulière à leur « prise d’information ».
- Un coaching individualisé doit être favorisé afin de reproduire, par le biais de séquences vidéo, des situations de jeu précises afin d’observer le comportement à effectuer et apporter aux joueurs des repères visuels pour les aider dans ces futures prises de décision. Il est possible de visualiser la situation initialement, de reproduire cette action après discussion, et partager ensuite des repères de jeu.
- Les critères de flexibilité et d’originalité des choix de jeux devraient être travaillés à l’entraînement afin d’ouvrir la perspective des différentes décisions possibles, suivant la situation significative. Cela est possible à condition que l’activité proposée par l’entraineur place le joueur dans des conditions de problèmes à résoudre en lien avec le jeu afin de le placer au cœur de son apprentissage en l’amenant à réfléchir sur sa pratique et trouver par lui-même les solutions (pédagogie active et apprenant réflexif).
- Enfin, l’athlète est l’acteur le mieux placé pour définir le choix pris sur le jeu. Il serait donc pertinent que l’entraîneur évite de juger le joueur ; il doit plutôt le questionner : Quelles étaient ses intentions ? Qu’est-ce que le joueur a jugé comme étant une priorité dans cette situation ? Quelles conséquences cela va-t-il provoquer ?

L’étude gagnerait en validité à être effectuée dans un contexte réel de pratique, en proposant à l’athlète de vivre les situations dans son environnement de pratique quotidienne. Des avancées technologiques pourraient permettre d’utiliser un système d’analyse des mouvements oculaires plus sophistiqué (système binoculaire), pouvant être porté durant l’exécution réelle de l’action.