S778 - La simulation numérique des saltos vrillés : Un outil pédagogique pour les entraîneurs en sports acrobatiques.
Malgré les avancées technologiques, peu d’outils sont accessibles aux entraîneurs afin d’analyser les mouvements complexes que sont les saltos vrillés. Ces mouvements tridimensionnels constituent des acrobaties en phase aérienne qui combinent le salto (rotation vers l’avant ou l’arrière) et la vrille (rotation sur soi-même). La subtilité des techniques permettant d’effectuer ces acrobaties présentes dans plusieurs sports, dont le plongeon, rend leur compréhension, leur apprentissage et leur enseignement difficiles par les athlètes et les entraîneurs. La modélisation et la simulation numérique peuvent s’avérer intéressantes pour faciliter la compréhension et l’analyse de la mécanique des saltos vrillés et ainsi améliorer les connaissances et potentiellement les interventions des entraîneurs. L’objectif de cette étude était de développer une interface graphique de simulation numérique des acrobaties aériennes qui soit réaliste et utile aux entraîneurs.
MÉTHODE
Cette étude se divise en quatre volets, soit les aspects : de développement, expérimental, numérique et pédagogique.
L’aspect de développement de cette étude portait sur un modèle de simulation qui devait reproduire la gestuelle des techniques de vrilles. Le modèle est composé de 42 degrés de liberté qui représentent les mouvements permis aux 16 articulations reliant 17 segments corporels formant le corps d’une athlète de plongeon. Le modèle de simulation est piloté par les angles articulaires, soit la cinématique, qui varient en fonction de la gestuelle effectuée tout au long du mouvement. Il tient également compte des conditions de départ sur la plateforme et des principes sous-jacents aux équations du mouvement. Les résultats de la simulation correspondent aux mouvements du corps selon les trois dimensions, c’est-à-dire les déplacements et les rotations en salto et en vrille ainsi que l’inclinaison. En d’autres termes, le modèle permet de connaitre le nombre de saltos et de vrilles selon la gestuelle articulaire effectuée en phase aérienne. Dans l’optique de valider le modèle avant de l’utiliser, celui-ci a été personnalisé à la géométrie d’une plongeuse, ce qui permet de comparer les résultats de la simulation aux performances réelles de l’athlète.
L’aspect expérimental constituait l’enregistrement des performances de l’athlète en situation réelle d’entraînement. Un système optoélectronique d’analyse du mouvement a permis l’enregistrement de huit plongeons différents effectués de la plateforme du 5 m par la plongeuse. Le plus complexe était le 1½ salto arrière avec 1½ vrille. Des marqueurs sphériques réfléchissants et flottants au nombre de 95 ont été collés sur la plongeuse afin que les caméras enregistrent leur trajectoire.
L’aspect numérique concernait la reconstruction de la cinématique à l’aide d’un filtre de Kalman étendu qui permet d’obtenir la variation des angles articulaires tout au long du mouvement à partir de la position des marqueurs positionnés sur chaque segment. La cinématique reconstruite a permis de reproduire la gestuelle de la plongeuse et d’ainsi actionner le modèle à partir des huit performances réelles enregistrées. La différence RMS (root-mean-square) a ensuite été calculée pour rendre compte de l’erreur entre les mouvements simulés et réels.
L’aspect pédagogique était l’application concrète du logiciel et l’évaluation de son potentiel dans le cadre d’une formation d’une durée de 5 heures sur la mécanique des saltos vrillés offerte à 14 entraîneurs en sports acrobatiques. Trois questionnaires ont été distribués aux entraîneurs répartis en trois groupes avant et après les séances de formation. Une analyse statistique a été menée sur les moyennes des résultats avant et après la formation.
RÉSULTATS
Les déplacements et rotations du corps selon les trois axes produits par la gestuelle segmentaire de la plongeuse ont été comparés à ces mêmes mesures produites par la simulation numérique pour la même gestuelle segmentaire enregistrée. Au total, huit comparaisons ont été effectuées, quatre plongeons sans vrilles et quatre plongeons comportant des vrilles. En salto, les différences RMS obtenues varient entre 11° et 44°, correspondant à une moyenne de 20° pour l’ensemble des huit plongeons. En vrille, les différences RMS varient entre 3° et 19°, pour une moyenne de 9°. En ce qui concerne la formation des entraîneurs, la différence entre les moyennes des résultats aux questionnaires avant et après la formation correspond à une augmentation de 11%.
DISCUSSION
Considérant la complexité des mouvements étudiés, les plus complexes comportant 540° de rotation (1½ salto arrière avec 1½ vrille), les valeurs de 20° et 9° respectivement en salto et en vrille permettent de valider le modèle de simulation. Le modèle développé est un des plus complexes et les techniques expérimentales et numériques utilisées ont permis son utilisation en situation réelle. La collecte de données a constitué le principal défi de cette étude, puisqu’elle a été menée dans un environnement non contrôlé (public vs laboratoire, présence d’eau, de reflets de lumière). Aucune autre étude n’avait encore procédé à l’acquisition 3D de plongeons. Cette étude démontre qu’il est possible d’effectuer ce genre d’expérimentations en situations difficiles en utilisant un nombre raisonnable de caméras, une redondance de marqueurs et des techniques numériques avancées. Quant à la formation des entraîneurs, celle-ci a permis de mettre à l’épreuve l’interface de simulation des acrobaties aériennes et de constater l’amélioration des résultats moyens de 11% à la suite d’une courte période de formation de 5 heures. Cette amélioration permet de croire que la formation des entraîneurs à l’aide de la simulation numérique comporte un potentiel d’amélioration de leurs connaissances. Cet outil demeure en développement et les perspectives futures visent à élargir davantage l’éventail de sports pouvant en bénéficier ainsi que l’utilisation pouvant en être faite. À ce propos, la synthèse optimale est une étape future qui permettrait de déterminer la technique permettant d’effectuer un nombre maximal de salto et de vrille tout en tenant compte des capacités physiques de l’athlète.
Source primaire
Rousseau, A.C. (2013). Développement et validation d’un modèle de simulation personnalisé à une athlète de plongeon. Mémoire de maîtrise. Université de Montréal.
Rédacteur
Ariane Crépeau Rousseau
B.Sc. Kinésiologie, Étudiante M.Sc. Sciences de l’activité physique, Université de Montréal
Éditeur
Begon, Mickael
Ph.D. biomécanique et bio-ingénierie (Poitiers), Post-Doc (Université de Loughborough (UK), Professeur adjoint à l'Université de Montréal
Koschorreck, J. et Mombaur, K. (2012). Modeling and optimal control of human platform diving with somersaults and twists. Optimization and Engineering,13(1), 29-56.