S4 - Les courbatures sont-elles un bon indicateur des dommages musculaires ?
À la suite d’un exercice inaccoutumé et/ou excentrique, les courbatures se développent généralement après 24 heures, montrent un pic après 1 à 3 jours et disparaissent entre 7 et 10 jours. Bien que souvent associées aux dommages musculaires ou à une réponse inflammatoire secondaire à l’exercice, aucune preuve scientifique n’a permis d’établir que l’amplitude des dommages de l’ultrastructure musculaire et celle des courbatures sont étroitement liées. Pour tenter d’apporter un peu plus de lumière sur l’origine des courbatures et de vérifier une éventuelle relation entre l’apparition des courbatures, les dommages et l’inflammation musculaires, des contractions susceptibles d’engendrer de tels phénomènes (12 ou 24 contractions excentriques maximales des fléchisseurs du coude) ont été réalisées, ainsi qu’un ensemble de tests effectués avant, immédiatement après, 1, 2, 3 et 4 jours après l’exercice.
Évaluation de la douleur ressentie en réponse :
- à une pression des doigts (environ 1 kg/cm),
- à une mobilisation passive en flexion complète du coude,
- à une mobilisation passive en extension complète du coude.
La douleur, ainsi estimée, a été consignée sur une échelle allant de 0 à 10 : " 0 : aucune douleur ", " 10 : douleur insoutenable ". Les mesures effectuées en réponse à une pression ou lors de la flexion apportent des informations sur un éventuel phénomène d'oedème, celles effectuées lors d’une extension sont plus le reflet d’une variation de raideur.
Étude des marqueurs indirects des dommages musculaires :
Les dommages de l’ultrastructure musculaire sont évalués à partir de la mesure de la force maximale isométrique, de l’angle du coude pouvant être atteint en flexion et en extension complète, de la circonférence du bras à différentes positions et de la concentration plasmatique de créatine kinase (CK).
L’exercice comportant 12 contractions semble induire moins de dommages que celui en comportant 24. Les courbatures mesurées lors d’une flexion et d’une extension complète, pendant la période de récupération, sont corrélées aux mesures indirectes des dommages de l’ultrastructure musculaire ; cependant, il est à noter la faiblesse de cette corrélation. En outre, les sujets supposés montrer les dommages les plus importants, au vu des modifications des marqueurs indirects, présentent une large variabilité des valeurs obtenues dans le cadre de l’évaluation de la douleur.
Cette étude met en évidence qu’un exercice induisant des dommages de l’ultrastructure musculaire ne génère pas nécessairement des courbatures. De plus, il apparaît que la douleur musculaire, au moins celle mesurée en réponse à une pression ou lors de la flexion, est un faible indicateur des dommages musculaires. La perception d’un stimulus nocif doit grandement dépendre des individus, mais doit également varier en fonction de l’humeur, de l’état de santé et du statut hormonal (Jones et Round 1990). En outre, Melzack en 1982 a établi que la douleur n’est pas seulement fonction de la quantité de dommages subis par l’organisme, mais est influencée par l’attention, l’anxiété, la suggestion ainsi que par d’autres variables psychologiques. Pour certains auteurs, des dommages du tissu conjonctif plutôt que du tissu musculaire seraient responsables des courbatures (Jones et Round 1990). Il est également possible que les fuseaux neuro-musculaires soient impliqués dans l’apparition des courbatures. En somme, la signification physiologique des courbatures reste encore un mystère.
En conclusion, les courbatures ne sont donc pas toujours le reflet direct d’un traumatisme musculaire, mais peuvent exprimer un état général de faiblesse, notamment psychologique.
Source primaire
Delayed-onset muscle soreness does not reflect the magnitude of eccentric exercise-induced muscle damage. .- NOSAKA K., NEWTON M., SACCO P. 2002 Scand. J. Med. Sci. Sports 12 : 337-346.
Rédacteur
Anne Michaut
Docteur en sciences et techniques des activités physiques et sportives - Laboratoire de biomécanique et de physiologie - INSEP
Éditeur
Chantalle Thepault-Mathieu
Docteur es sciences (Mention : Neurophysiologie) - Chef du département des Sciences du Sport, INSEP
Mots-clés
contraction excentrique, Courbatures, douleur musculaire, entraînement, intensité de l'effort, préparation à la performance
Lectures suggérées
ONES D.-A., ROUND J.-M Skeletal muscle in health and disease. 1990 Manchester University Press 175-188.
MELZACK R. Recent concept of pain. 1982 J Med 147-160.