S29 - L’intensité de l’échauffement influence-t-elle la performance ?
Tout exercice intense est généralement précédé d’une période d’échauffement, dont le but principal est d’améliorer la performance en stimulant les systèmes de transport et de consommation d’O2 , afin de solliciter le métabolisme aérobie rapidement à un haut niveau. Toutefois, se pose le choix de l’intensité de l’échauffement précédant un exercice. Dans le cadre de cette problématique, l’expérimentation suivante a été ainsi menée :
Les sujets réalisent un exercice de 2 minutes à une intensité maximale sur un ergomètre de kayak, effort proche d’une épreuve de 500 m en monoplace. Cet exercice est précédé d’un échauffement de 15 minutes à trois intensités différentes :
- intensité correspondant au seuil aérobie (E1), environ 55 % VO2max
- intensité correspondant au seuil anaérobie (E3), environ 75 % VO2max
- intensité comprise entre le seuil aérobie et le seuil anaérobie (E2), environ 65 % VO2max.
Aucune différence significative n’est observée globalement entre les trois types d’échauffement concernant la puissance moyenne développée lors de l’exercice, ainsi que le pic de puissance. Cependant, lorsque l’exercice est analysé sur deux périodes de 1 minute, la puissance moyenne est supérieure après E2 par rapport à E3 pendant la première minute. La puissance moyenne mesurée après E1 tend également à être supérieure à celle mesurée après E3 sur cette même première minute d’effort. Plus précisément, si l’exercice est analysé en périodes de 15 secondes, la puissance moyenne est supérieure après E2 par rapport à E3 pendant les trois premières périodes de 15 secondes. À l’inverse, pendant la dernière période de 15 secondes, la puissance moyenne est supérieure après E3 par rapport à E2 (voir figure 1: https://notyss.com/savoirsport/downloadfile?id=697&fichier=S29_figure1.doc ).
La puissance moyenne mesurée pendant la première minute est donc moindre, à la suite d’un échauffement pratiqué aux environs de 75 % de VO2max par rapport à celui effectué aux environs de 65 % de cette VO2max.
Ces différences de puissance ne sont accompagnées d’aucune différence, ni de la consommation maximale d’O2, ni de la consommation totale d’O2, ni de la contribution aérobie pendant l’exercice de 2 minutes.
Une telle altération de la performance pourrait être attribuée à une acidose métabolique plus importante après E3, notamment mise en évidence par une réduction marquée du pH sanguin après E3. En considérant que les modifications du pH sanguin reflètent les changements du pH musculaire, la réduction significative du pH sanguin observée après E3 pourrait être associée à une défaillance d’un ou de plusieurs mécanismes contractiles. En effet, une augmentation de la concentration des ions H+ peut réduire le nombre de ponts actine-myosine formés, induisant donc une réduction de l’intensité des contractions et une diminution de la performance supra-maximale. L’acidose métabolique induite par l’échauffement le plus intense (E3) pourrait donc réduire la performance au cours de la première minute d’effort via une altération des processus contractiles et/ou une inhibition de la glycolyse anaérobie.
Cette étude montre donc que le choix de l’intensité de l’échauffement peut avoir une influence significative sur la performance d’un exercice supra-maximal de pagayage, et bien qu’un certain degré d’acidose métabolique doit être nécessaire pour accélérer la cinétique d’O2, cette acidose, si elle est trop prononcée, peut également altérer la performance. Il semble donc qu’une intensité d’échauffement correspondant approximativement à 65 % VO2max soit proche de l’intensité optimale d’échauffement précédant une épreuve de 500 m réalisée en monoplace et à intensité maximale.
Source primaire
The effect of three different warm-up intensities on kayak ergometer performance. BISHOP D., BONETTI D., DAWSON B. Medicine. Science. Sports Exercice. 33 : 1026-1032, 2001.
Rédacteur
Anne Michaut
Docteur en sciences et techniques des activités physiques et sportives - Laboratoire de biomécanique et de physiologie - INSEP
Éditeur
Chantalle Thépaut-Mathieu
Docteur es sciences, chef du département des sciences du sport, INSEP http://sciences.campus-insep.com
Mots-clés
Échauffement, échauffement/puissance maximale aérobie, intensité de l'entraînement, métabolisme, performance, préparation à la performance, gestion de la compétition
Lectures suggérées
GUTIN B., STEWART K., LEWIS S., KRUPER J. Oxygen consumption in the first stages of strenuous work as a function of prior exercise. ; Sports Medicine Physiology Fitness 16 : 60-65, 1976.
STEWART I.B., SLEIVERT G.G. The effect of warm-up intensity on range of motion and anaerobic performance. JOSPT 27 154-161, 1998.
FABIATO A., FABIATO F. ; Effects of pH on the myofilaments and the sarcoplasmic reticulum of skinned cells from the cardiac and skeletal muscles. Journal. Physiology. 276 : 233-255, 1978.