S44 - Quels sont les déterminants énergétiques de la performance de demi-fond ?
Le but de cette étude est de tester l’hypothèse suivant laquelle, en conditions aérobies, la vitesse de course d’endurance (VitEnd) est fonction :
- Du volume d’oxygène maximal pouvant être consommé par minute et par kilogramme de masse corporelle (VO2max exprimé en ml.kg-1.min-1). Ce VO2max représente le débit maximal ou la puissance maximale du métabolisme aérobie.
- De la fraction maximale de VO2max qui peut être soutenue durant toute la durée de l’épreuve (F). F représente la capacité à mobiliser un important pourcentage de VO2max sur une épreuve donnée. Par exemple, Costill (1981) rapporte qu’un coureur de marathon possédant "seulement" un VO2max de 69 ml.kg-1.min-1, mais capable d’en utiliser 86 % sur les 42,195 km, pouvait rivaliser avec les meilleurs coureurs en marathon (performance en 1967 : 2 h 08 min 30 s, vitesse moyenne : 19.7 km/h-1). A l’heure actuelle, pour égaler le record du monde (2 h 06 min 50 s, soit une vitesse de 19.96 km.h-1 maintenue durant les 43,195 km), ce même coureur devrait mobiliser 87 % de son VO2max.
- Du coût énergétique (C), c’est-à-dire la quantité d’oxygène consommée par unité de distance parcourue (mlO2.kg-1.m-1). Plus la consommation d’oxygène est faible lors de l’épreuve, plus le coureur est économique, et plus son coût est bas.
Ainsi, la combinaison de ces trois paramètres permettrait de calculer la VitEnd selon l’équation suivante : VitEnd = ( F . VO2max) / C
Pour tester cette hypothèse, VO2max et C sont déterminés sur un tapis roulant chez 36 coureurs amateurs (de 17 à 52 ans), ayant déjà participé à un marathon ou à un semi marathon. Les performances de ces coureurs varient entre 2 h 29 min et 3 h 46 min pour le marathon et entre 1 h 24 min et 2 h 11 min pour le semi. VO2max est significativement (p < 0,001) plus grand chez les coureurs de marathon (60,6 vs 52,1 ml.kg-1.min-1), alors que C est similaire entre les deux groupes (0,179 +- 0,017 mlO2.kg-1.m-1) et indépendant de la vitesse de course. Ensuite, estimant F à partir de données provenant de la littérature, VitEnd a été calculée à partir de l’équation ci-dessus sur la base de valeurs de VO2max et C mesurées et de F calculée. Cette vitesse calculée a été comparée à la vitesse moyenne de course des sujets observée pendant la compétition (Vitcomp). Les résultats montrent que VitEnd et Vitcomp (m.s-1) sont linéairement corrélées : Vitcomp = 1,12 + 0,64 VitEnd, avec un r2 égal à 0,72. Le rapport moyen entre Vitcomp et VitEnd (0,955 +- 0,079, tableau ci dessous) n’est pas significativement différent de 1.
Cette étude montre que VO2max, F et C participent pour plus de 70 % à la variabilité de la vitesse de course. Le numérateur de l’équation ( F . VO2max) quantifie les caractéristiques métaboliques du sujet, alors que le dénominateur (C) est une mesure de l’économie de course (qui pourrait être associée au style de course). Une augmentation de la vitesse de course peut donc être le résultat :
- d’une augmentation de F et/ou de VO2max
- et/ou d’une diminution du C.
Il devient donc évident que l’évaluation d’une période d’entraînement peut seulement être effectuée si les changements dans la vitesse de course sont analysés à l’aide de VO2max, F et C.
COMMENTAIRES
Ce travail montre que la performance en demi-fond est décrite à l’aide de ces trois paramètres VO2max, F et C. Pour améliorer la performance de demi-fond, l’entraînement doit agir sur un des trois paramètres.
- L’amélioration de VO2max peut être réalisée par un entraînement en fractionné (type 30 s-30 s).
- L’amélioration de F peut être effectuée en travaillant l’endurance aux vitesses spécifiques de la compétition.
- Enfin, l’amélioration du C pourrait être réalisée à l’aide d’un entraînement de force (Paavolainen et al, 1999 ; Millet et al, 2002) ou technique.
Cependant, l’amélioration du C à la suite d’un entraînement de type technique n’a jamais été démontrée.
Source primaire
L’énergétique de la course d’endurance. DI PRAMPERO P.-E., ATCHOU G., BRÜCKNER J.-C., MOIA C. 1986 Eur. J. Appl. Physiol. 55 ; 259-266.
Rédacteur
Jean Slawinski
Docteur et enseignant-chercheur, laboratoire de biomécanique et physiologie, INSEP
Éditeur
Chantalle Thépaut-Mathieu
Docteur es sciences, chef du département des sciences du sport, INSEP http://sciences.campus-insep.com
Mots-clés
consommation d’oxygène, course de demi fond, dépense énergétique, métabolisme énergétique, puissance maximale, Aérobie, préparation à la performance
Lectures suggérées
Bioénergétique des activités physiques et sportives 2001 Revue STAPS 54 ?COSTILL D.-L. Approche scientifique de la course de fond. 1981 Vigot Editeur, Paris.
MILLET P., JAOUEN B., BORRANI F., CANDAU R. Effect of concurrent endurance and strength training on running economy and Vo2 2002 - kinetics. - Med Sci Sports Exerc. 34, 1351-1359.
PAAVOLAÏNEN L., KAKKINEN K., HAMALAINEN I., NUMMELA A., RUSKO H. Explosive strengh training improves 5-km running time by improving running economy and muscle power. 1999 J Appl Physiol. 86 ; 1527-1533.