S68 - Amélioration de la performance en cyclisme : comment dépenser son argent et son temps judicieusement ?
INTRODUCTION
Il a été démontré par plusieurs études que plusieurs facteurs internes (qualité de l’entraînement, entraînement en altitude, consommation de glucides et de caféine) et facteurs externes (poids corporel, position sur le vélo, tenue vestimentaire, poids et forme du vélo et des roues) ont une influence capitale sur la performance en cyclisme.
Les facteurs internes ont un effet direct sur la production de puissance mécanique par le cycliste, alors que les facteurs externes influencent les besoins en puissance. Bien que ces facteurs influencent la performance pour tout type d’épreuve cycliste, leurs effets sont particulièrement importants lors d’épreuves chronométrées, où le cycliste est seul et où la tactique de course tient un rôle moindre.
La présente analyse visait à répertorier les facteurs internes et externes jugés les plus importants et à les hiérarchiser en fonction des effets plus ou moins grands qu’ils peuvent avoir sur la performance lors d’une épreuve contre-la-montre de 40 km.
MÉTHODE
Le modèle mathématique proposé et validé (Martin et coll, 1998) a été utilisé pour quantifier et comparer les effets sur la performance des différents facteurs. Les conclusions d’études récentes portant sur les aspects physiologiques de la performance, ont été utilisées pour estimer le taux d’amélioration potentiel provoqué par une optimisation de chaque facteur. Le modèle a été utilisé pour calculer la puissance moyenne pouvant être maintenue par le cycliste lors d’une épreuve de 40 km contre-la-montre, et pour prédire les effets du maintien de cette puissance sur le temps final.
Pour permettre une généralisation des conclusions, les calculs ont été réalisés pour 3 cyclistes-type : 1) un cycliste novice (VO2max = 48 mL/kg/min, performance sur 40 km = 72:56 min:s); 2) un cycliste entraîné (VO2max = 65 mL/kg/min, performance sur 40 km = 58:35 min:s) et 3) un cycliste élite (VO2max = 80 mL/kg/min, performance sur 40 km = 52:02 min:s). Les valeurs de densité de l’air (1,2 kg/m3), masse corporelle (70 kg) et coefficient aérodynamique de traînée (0,269 m2) ont été utilisées pour modéliser la performance.
RÉSULTATS
Effets de la qualité de l’entraînement :
Chez le cycliste récréatif, un programme d’entraînement incluant des séances d’entraînement par intervalles et des efforts continus soutenus, peut permettre d’améliorer la performance de 5 à 10 % (-5:27 min:s). Cette amélioration est de 2 à 4 % chez le cycliste entraîné (- 1:45 min:s) et de 1 à 3 % chez le cycliste de haut niveau (-1:02 min:s).
Effets de l’entraînement en altitude :
Il a été démontré que l’entraînement en altitude permet d’améliorer la performance chez des athlètes d’endurance dans une proportion d’environ 2 %. Chez le cycliste récréatif, l’emploi d’une telle stratégie se traduirait par une amélioration de performance de 34 s. Cette amélioration serait de 26 s chez le cycliste entraîné et de 23 s chez le cycliste élite.
Effets de la consommation de glucides à l’effort :
La consommation de glucides à l’effort permet d’améliorer la puissance moyenne soutenue lors d’une épreuve de 40 km de l’ordre de 2 à 3 %. Le modèle permet, par conséquent d’estimer que la consommation de glucides à l’effort permet au cycliste récréatif (- 42 s), au cycliste entraîné (- 36 s) et au cycliste de haut niveau (- 32 s) d’améliorer leurs performances.
Effets de la consommation de caféine :
L’ingestion de caféine en dose modérée (2 - 5 mg/kg) avant ou pendant l’effort permet d’améliorer la puissance moyenne soutenue lors d’une épreuve de 40 km de l’ordre de 5 %. Cette stratégie à un effet important puisqu’elle permet au cycliste récréatif (- 84 s), au cycliste entraîné (- 63 s) et au cycliste de haut niveau (- 55 s) d’améliorer leurs performances de façon importantes.
Effets du poids du vélo :
Les améliorations de performance engendrées par l’utilisation d’une bicyclette de 7 kg (les performances initiales des cyclistes-type ayant été calculées en tenant compte d’un poids de vélo de 10 kg) permettrait d’améliorer la performance de 13 s chez le cycliste novice, de 7 s chez le cycliste entraîné et de 5 s chez le cycliste élite. Toutefois, lorsque l’analyse est modélisée sur une performance en terrain montagneux (ascension de 20 km à 3, 6 et 12 %), l’utilisation d’un vélo de 7 kg permet d’améliorer la performance de 20 s à 7 minutes. L’utilisation d’un matériel ultraléger permet au cycliste élite de réduire son temps d’ascension d’environ 3 minutes.
Effets du poids du cycliste :
La modification de surface corporelle engendrée par la réduction du poids corporel de 3 kg, a été utilisée pour estimer l’amélioration de performance potentielle d’une réduction du poids du cycliste. Une telle réduction occasionne une diminution de la surface corporelle et se traduit par une réduction du coefficient aérodynamique de traînée de 0,264 m2. L’effet combiné de la réduction du poids corporel et de celle du coefficient aérodynamique de traînée se traduit par des améliorations de performance de l’ordre de 25, 21 et 19 secondes chez, respectivement, le cycliste novice, entraîné et élite.
Effet de la position du corps sur le vélo :
Comparativement à la position utilisée lors de la performance initiale (position aérodynamique où les coudes sont posés sur un guidon aérodynamique), la position où le cycliste pose ses mains sur les poignées de frein augmente le temps mis pour couvrir la distance de 5 à 7 minutes. Celle où le cycliste positionne ses mains au bas du guidon augmente le temps de 2 à 3 minutes. Une position aérodynamique, où les coudes sont posés sur un guidon de contre-la-montre et où la position du corps est optimisée permet d’améliorer la performance de 2:00 à 2:30 min:s.
Effets d’un équipement aérodynamique :
Les effets de l’utilisation d’un vélo spécifiquement conçu pour les épreuves contre-la-montre (tubes et équipement aérodynamiques) et ceux produits par l’emploi d’un vélo conventionnel ont également été comparés. Le vélo aérodynamique permet de réduire le coefficient aérodynamique de traînée de 0,02 m2 et, par conséquent, d’envisager des améliorations de performance de 1:44 min:s à 1:17 min:s.
Les effets combinés de la position du corps et du type de vélo utilisé ont également été évalués. Une position optimisée (réduction de l’angle d’inclinaison du tronc par rapport à l’horizontale) associée à l’utilisation d’un équipement aérodynamique permettent au cyclistes novice, entraîné et élite de réduire leurs temps de respectivement 4:24 min:s, 3:38 min:s et 3:15 min:s.
Comparativement au type de roues utilisé lors de la performance initiale (roues aérodynamiques), l’utilisation de roues conventionnelles ( 36 rayons) augmente le temps mis pour couvrir la distance de 40 km de 82 s (cycliste novice), 67 s (cycliste entraîné) et de 60 s (cycliste de haut niveau). Les effets bénéfiques de roues allégées sur l’amélioration de performance en terrain montagneux sont proportionnels à la pente de la route. Plus la pente est abrupte (et la vitesse réduite), plus les roues légères permettent d’améliorer la performance.
LIMITES DE L'ÉTUDES
Cette étude comporte plusieurs limites :
1) Même si les performances sont modélisées en utilisation d’un modèle mathématique validé et des recherches scientifiques récentes, les améliorations de performances prédites demeurent hypothétiques. Une confirmation de ces résultats par une étude réalisée sur de vrais cyclistes permettrait de vérifier l’exactitude ou de raffiner ces prédictions.
2) Les pourcentages d’amélioration de certains facteurs sont extrapolés au cyclisme à partir d’études portant sur d’autres sports (course à pied en particulier). Même si l’on peut concevoir que la réponse à l’entraînement en altitude peut s’avérer identique chez un cycliste ou un marathonien de haut niveau, il n’en demeure pas moins que l’extrapolation des résultats d’une population à une autre peut être source d’erreur.
CONCLUSION
Cette analyse démontre que les améliorations de performances les plus importantes ne sont pas nécessairement celles qui nécessitent l’utilisation d’un équipement onéreux ou les interventions les plus coûteuses. En effet, le type d’entraînement réalisé par le cycliste est probablement le facteur qui a le plus d’effets sur l’amélioration de la performance. Cette étude démontre également que de légères modifications de position sur le vélo peuvent engendrer des améliorations de performances importantes et que la consommation de caféine à dose modérée, est également un moyen économique d’améliorer la performance.
Sur terrain plat, l’avantage de posséder un équipement ultraléger est peu important. Toutefois, l’utilisation de ce type d’équipement permet d’améliorer la performance en terrain montagneux de façon importante. Parmi les options plus onéreuses, l’entraînement en altitude, n’influence que faiblement la performance et l’utilisation d’un matériel aérodynamique combiné à une position optimisée permet d’améliorer la performance de l’ordre de 3 à 4 minutes.
Bien que cette étude soit confrontée à certaines limitations, c’est cependant la première qui permette d’évaluer et de hiérarchiser les différents facteurs internes et externes en fonction de leur influence sur la performance en cyclisme.
Chaque cycliste désireux d’améliorer sa performance se doit prendre des décisions en ce qui à trait aux meilleurs moyens à utiliser pour y parvenir, en fonction de ses ressources financières et/ou temporelles. Cette étude propose des recommandations qui facilitent la prise de telles décisions.
Source primaire
Jeukendrup AE et Martin J Improving cycling performance: how should we spend our time and money Sports Med 31(7):559-69, 2001.
Rédacteur
François Gazzano
B.Sc., Services des Sports Universitaires, Université de Moncton, Centre Multisport Atlantique et Athletemonitoring.com www.athletemonitoring.com
Éditeur
Guy Thibault
Ph. D., Direction du sport et de l’activité physique, gouvernement du Québec; Département de kinésiologie de l’Université de Montréal; et INS Québec