S145 - L’immersion totale en eau froide permet-elle d’améliorer la performance lors d’une épreuve réalisée en conditions chaudes et humides ?
L’exercice induit inévitablement une augmentation de la température corporelle : les processus métaboliques liés à la contraction musculaire ont un rendement du point de vue mécanique de 25 %, les 75 % restants étant dissipés en chaleur. Afin de poursuivre l’exercice, cette chaleur doit être transférée à l’environnement. Seulement, dans un environnement humide, la capacité à dissiper de la chaleur est considérablement réduite (en raison d’une très faible différence entre la température corporelle et celle de l’environnement et du taux d’humidité élevé de l’air, minimisant ainsi l’évaporation de la sueur qui est un processus de régulation thermique). On peut alors supposer qu’une réduction de la température cutanée soit, à elle seule, un moyen efficace pour améliorer la performance d’une exercice d’endurance réalisé en conditions humides.
Afin de tester cette hypothèse, 7 cyclistes ont réalisé 30 minutes de pédalage, en laboratoire, avec une température ambiante maintenue à 31,4 °C et une humidité relative de 60,2 % et, avec pour seule consigne, de parcourir la distance la plus importante. Cet exercice a été réalisé à deux occasions :
- soit, sans immersion préalable (Groupe Contrôle ; GC),
- soit, après une immersion du corps (excepté le cou et la tête) dans l’eau, progressivement abaissée à 8-11 °C jusqu’à une réduction de la température cutanée de 5 à 6 °C (Groupe Expérimental ; GE).
Les paramètres suivants ont été mesurés (Tableau 1) :
- la distance parcourue en 30 minutes,
- le poids, la température rectale et la température cutanée à différents sites (ces deux paramètres permettant une évaluation de la température corporelle),
- la concentration sanguine en lactate,
- le volume d’oxygène consommé,
- la fréquence cardiaque,
- et la perception de l’effort.
L’immersion dans l’eau froide réduit la température cutanée sans modification de la température rectale. Après immersion dans l’eau froide, les cyclistes parcourent 0,9 km de plus que le GC. (15,8 +-0,7 km pour GE contre 14,9 +-0,8 km pour GC). Durant l’intégralité de l’exercice, la température cutanée reste significativement inférieure pour le GE comparé au GC. Ce faisant, la température corporelle de GE demeure inférieure à celle de GC tout au long de l’exercice. L’analyse des autres paramètres ne montre aucune différence significative entre les deux groupes au cours de l’exercice. Toutefois, il est à noter une augmentation atténuée de la température rectale pour GE pendant une grande partie de l’exercice (à 15, 20 et 25 minutes d’effort) et une augmentation finale de la concentration sanguine de lactate de 6 mmol/l pour GE contre 5,2 mmol/l pour GC.
L’amélioration de la performance en pédalage "sans consignes" en conditions chaudes et humides est conforme aux résultats précédemment obtenus (Hessemer et coll. 1984 ; Olschewiski et Brück 1988) lors d’exercices réalisés dans des conditions de température proches, mais à des intensités d’effort constantes. Sachant que l’immersion pré-exercice permet une réduction de la température cutanée sans variation de la température rectale, il peut être supposé que seul un refroidissement de "l’enveloppe corporelle" permet d’améliorer la performance en cyclisme dans les conditions chaudes et humides. Cette amélioration de la performance, en dépit d’une fréquence cardiaque, d’une perception de l’effort et d’une consommation d’oxygène comparables entre les deux groupes, pourrait être imputable à une contribution plus importante du métabolisme anaérobie dans l’apport d’énergie au regard de l’augmentation du lactate sanguin constaté.
Ainsi, pour des exercices se déroulant en conditions chaudes et humides et de durée supérieure ou égale à 30 minutes, il peut être conseillé de réduire la température cutanée. Toutefois, la méthode utilisée dans cette étude est trop contraignante, puisque la durée totale d’immersion était de l’ordre de 58 minutes. Si le principe reste valable, des investigations sont encore nécessaires pour optimiser la technique de réduction de la température cutanée.
Source primaire
Whole-body pre-cooling and heat storage during self-paced cycling performance in warm humid conditions. Kay D., Taaffe D.-R., Marino F.-E. 1999 Journal of Sports Sciences, 17 : 937-944.
Rédacteur
Anne Michaut
Docteur en sciences et techniques des activités physiques et sportives - Laboratoire de biomécanique et de physiologie - INSEP
Éditeur
Chantalle Thépaut-Mathieu
Docteur es sciences, chef du département des sciences du sport, INSEP http://sciences.campus-insep.com
Mots-clés
Ergométrie, immersion, intensité de l'effort, métabolisme énergétique, performance, régulation thermique, température ambiante, température corporelle, préparation à la performance
Lectures suggérées
HESSEMER V., LANGUSCH D., BRÜCK K., BODEKER R.-H., BREIDENBACH T. Effect of slightly lowered body temperatures on endurance performance in humans. 1994 J. Appl. Physiol. 57 : 1731-1737.
OLSCHEWSKI H., BRÜCK K. Thermoregulatory, cardiovascular, and muscular factors related to exercise after precooling. 1988 J. Appl. Physiol. 64 : 803-813.
Sports ciblés
Cyclisme et exercices intenses sollicitant à la fois les qualités anaérobies et aérobies