S198 - Les conditions pour tirer un meilleur profit du carnet d'entraînement
« Comprendre pour réussir » est une démarche déterminante pour être efficace (Piaget, 1974). La réussite naïve n’est pas considérée par certains comme une réussite pleine et entière. En effet, pour envisager de réutiliser des solutions dans différents contextes, il paraît nécessaire d’avoir intégré le « comment causal » de la réussite : cela revient à chercher à comprendre. Au cours d’études menées sur la conceptualisation, Pastré (1999) constate la nécessité d’un retour sur l’activité. Selon lui, l’expérience ne se construit pas seulement par l’exercice, mais aussi par l’analyse : en tirant parti de l’expérience, le sujet élargit sa capacité d’anticipation. Ainsi, la prise de distance des acteurs par rapport aux situations vécues reste une condition pour qu’ils comprennent la manière dont ils agissent.
Dans le domaine de l’entraînement, la rédaction de carnets d’entraînement (CE) est fréquente ; elle pourrait représenter un support favorisant la compréhension des processus d’entraînement et être perçue comme un outil d’aide à la performance.?Cette étude vise à analyser plus finement cette activité de rédaction, afin d’appréhender son potentiel transformatif en regard de la compréhension des sportifs lorsqu’ils sont confrontés à leur propre activité.?Afin de mettre en évidence les conditions optimales pour obtenir un bénéfice de la tenue de ces carnets, une analyse conjointe du contenu ainsi que des conditions d’utilisation des CE par les sportifs a été réalisée.
Ces carnets ont été tenus régulièrement, de manière quotidienne ou hebdomadaire, par les sportifs eux-mêmes (un pilote automobile, trois cyclistes, trois footballeurs), sans contrainte particulière, sur une durée minimale d’un an.?L’analyse de ces notes a été complétée par des échanges (sous forme d’entretiens ou d’échanges informels) avec les sportifs. Elle s’est focalisée sur les notes faisant référence à la compréhension de l’activité située dans son contexte.
Il ressort quatre types de rédaction pour le CE. Ce dernier peut être :
- un aide-mémoire rédigé après analyse de son activité. Il traduit la volonté du sportif de laisser des traces, de se souvenir. Il favorise une activité de compréhension à la relecture des notes ;
- un catalyseur, au moment de sa rédaction, de la compréhension de l’activité (fonction d’aide à la réflexion lors de la rédaction). On s’aperçoit que le fait de rédiger le CE peut conduire à un retour sur l’action. Ceci permet l’analyse de l’activité et favorise le développement des métaconnaissances (Flawell, 1976) ;
- un outil pour la compréhension de l’activité après relecture des notes. Lors de la prise de notes, le sportif n’a pas un souci immédiat de compréhension. Une seule note, en elle-même, ne peut donner une compréhension suffisante de l’activité. C’est la prise en compte de plusieurs notes et leur traitement par différents outils (tableaux, graphiques…) qui vont déclencher chez le sportif une réflexion approfondie sur son activité. C’est une aide à la compréhension différée ;
- un élément sans utilité avérée en terme de compréhension de l’activité (contenu descriptif parfois même très détaillé, ne comprenant que des généralités ; pas d’analyse réelle de l’activité).
D’après les observations faites par les auteurs, le CE ne représente un outil réel d’aide à la performance que dans les trois premiers cas. La condition indispensable doit être la possibilité d’une analyse de l’activité des sportifs. La capacité de réflexion du sportif sur sa propre activité est ainsi posée, il s’avère que la rédaction de carnets d’entraînement peut être stimulante, mais pas intrinsèquement.
Ces quelques éléments suggèrent des pistes de réflexions pratiques : les notes consignées doivent se centrer sur l’action, elles doivent inciter à une réflexion sur ce qui y est produit, c’est-à-dire soit en être le support, soit proposer suffisamment de précisions pour en envisager une ultérieure. Il s’agit d’éviter le recueil illusoire d’informations « creuses ». On pourrait conseiller aux sportifs de centrer leur attention sur les aspects techniques ou tactiques de leur activité, plutôt que sur la seule consignation de résultats, comme c’est souvent le cas.
Une aide à la rédaction des CE peut-elle être mise en place ? L’entraîneur semble avoir une place privilégiée pour cela en orientant les jeunes sportifs dans cette tâche, en insistant sur leur propre rôle pour façonner leur outil de performance. Il s’agit tout d’abord d’encourager le sportif à des prises de notes orientées. L’entraîneur pourrait aussi avoir un rôle facilitateur dans la rédaction de ces CE en donnant des « balises » (des éléments de compréhension) qui aideraient ainsi le sportif dans sa tâche. L’entraîneur aurait un rôle situé plutôt en amont par rapport à la rédaction dont il doit respecter le caractère très confidentiel.
Source primaire
Villemain A, Avanzini G. Les carnets d’entraînement de sportifs : un outil d’analyse de la performance. Actes des 3es Journées internationales des Sciences du sport. L'analyse de la performance de haut niveau dans son contexte;24 au 26 nov. 2004; Paris, Insep, p. 87-8. Disponible : http://www.insep.fr/webmaster/Dss/Fichiers/dssdl.php3
Rédacteur
Moldaogo Diessongo et Jean-Claude Ngouma
Professeur d’EPS (Université de Ouagadougou, Burkina Faso) et professeur d’EPS (Burkina Faso)professeur d’EPS (Institut National de la Jeunesse et des Sports, Brazzaville, Congo)
Éditeur
Aude Villemain
ATER, Université d’Orléans ; Gilbert Avanzini, maître de conférences, détaché à l’INSEP/DSHN
Mots-clés
Carnet d’entraînement, préparation à la performance
Lectures suggérées
Avanzini G, Riff J. Étude de carnets d’entraînement de sportifs de haut niveau : outils de construction de métaconnaissances ? Communication SFPS; 18 et 19 mars 1998; Poitiers.
Flavell JH. Metacognitive aspects of problem-solving. Dans : LB Resnick (Ed.). The Nature of Intelligence. Hillsdale, NJ: Lawrence Erlbaum Associates; 1976. p. 231-335.
Norman DA. Les artefacts cognitifs. Raisons Pratiques 1993;4:15-34.
Pastré P. La conceptualisation dans l’action, bilan et nouvelles perspectives. Éducation Permanente février 1999;139:13-38.
Piaget J. Réussir et comprendre. Paris: PUF; 1974. Vermersch P. Conscience directe et conscience réfléchie. Intellectica 2000;2:269-311.