S253 - Profil physique des kayakistes de haut niveau : outil d’évaluation!
En 1994, une course-sprint sur 200 m a été intégrée aux épreuves Olympiques de kayak, soulevant l’intérêt des athlètes, des entraîneurs et de la médecine sportive ! Dans l’optique de dresser un profil biophysique de ces athlètes, récemment, Van Someren et Palmer (2003) ont évalué les caractéristiques physiques des kayakistes de niveau international et national sur 200 m sprint et les ont comparées.
PROCÉDURE
Les participants, 26 kayakistes ayant au moins 5 ans d’expérience en entraînement et en compétition en course-sprint, ont été divisés en 2 groupes selon leurs habiletés :
- 13 kayakistes de niveau international (Int : 26 ± 5 ans);
- 13 kayakistes de niveau national (Nat : 25 ± 6 ans).
Les participants se sont présentés par trois occasions au laboratoire :
- familiarisation avec l’équipement et les procédures employées lors de la 1ère journée;
- participation à des tests anthropométriques et physiques standardisés (période de 24 h sans exercice physique où l’alimentation de l’athlète est contrôlée) lors des journées 2 et 3.
Mesures anthropométriques :
- stature, hauteur assise et masse corporelle;
- longueur du bras (extrémités distales au niveau du 3ème doigt);
- composition corporelle estimée par la mesure des plis cutanés (biceps, triceps, crête iliaque et sous-scapulaire du côté droit du corps) à l’aide d’un adipomètre Harpenden;
- densité corporelle calculée en utilisant l’équation de Durnin et Womersley (1974) en suivant la formule de Siri (1961);
- largeurs biépicondylaires de l’humérus et du fémur et circonférences du bras relaxé, du bras fléchi et tendu, de l’avant-bras relaxé et tendu, ainsi que du mollet du côté droit du corps (Norton et coll., 1996);
- circonférence de la poitrine mesurée au niveau du périmètre mésosternal à la fin de l’expiration normale du sujet (Norton et coll., 1996);
- identification du somatotype (endomorphe, mésomorphe et ectomorphe) en utilisant la procédure Health-Carter (Health and Carter, 1967).
Mesures physiologiques :
- fonction pulmonaire mesurée à l’aide d’un ergospiromètre (capacité vitale forcée, volume expiratoire forcé par seconde, ratio expiratoire forcé et débit expiratoire maximal);
- estimation des fonctions cardiorespiratoires lors d’un test incriminant à palier sur ergomètre air-braked (K1 ERGO, Garran, Australie). 5 min d’échauffement suivi de paliers de 4 min avec une puissance de 80 W au départ. Chaque palier était interrompu durant 30 sec pour les prises d’échantillons sanguins au niveau du lobe de l’oreille afin de déterminer la concentration de lactate sanguin. Une augmentation de 20 W par palier était effectuée jusqu’à ce que la concentration de lactate sanguine dépasse 4 mmol/L. Moment où les sujets progressaient par palier d’une minute avec la même augmentation de puissance jusqu’à épuisement. Durant le test, l’air expiré a été analysé et la fréquence cardiaque (FC) mesurée par télémétrie. La consommation maximale d’oxygène (VO2 max), la Puissance Aérobie Maximale (PMA) et la FC ont été mesurées sur une période d’une minute lorsque leurs valeurs étaient les plus hautes. Pendant le test, les concentrations de lactate mesurées ont permis de tracer un portrait de la puissance développée. Les chercheurs ont identifié le seuil lactate (LT) défini comme un travail inférieur à 1mmol/L (Coyle et coll., 1984). La puissance à LT a été identifiée et exprimée en PMA (LT-% PAM) et le pourcentage d’oxygène consommé à LT a été exprimé en VO2 max relatif (LT-% VO2 max);
- utilisation de la méthode de Medbo et coll. (1988) afin de mesurer le déficit d’oxygène accumulé (AOD) et le travail total (AOD work) pour quantifier la capacité de production d’énergie anaérobie lors d’un test supra-maximal individuel de 2 min sur ergomètre. L’air expiré a été analysé durant l’exercice et le taux maximal de lactate sanguin post-exercice (AOD peak La) a été mesuré à l’aide d’échantillons prélevés à 1 min d’intervalle durant le test;
- un test supramaximal Wingate modifié a été effectué sur l’ergomètre pour déterminer la puissance maximale (WAnT PP), le travail total (WAnT work), le taux maximal de lactate sanguin post-exercice (WAnT peak La) et l’index de fatigue (WAnT FI). Après un échauffement de 10 min standardisé, les sujets devaient développer une puissance de 100 W avant de débuter le test. Le test débute sur l’ordre du chercheur et le sujet doit fournir un effort maximal durant 30 sec sans arrêt;
- estimation dynamométrique de la force et de la puissance. Après un réchauffement comprenant des contractions sous-maximales et des étirements, les sujets devaient compléter une série de contractions isométriques maximales (positions simulées de mouvement de rame à des angles de 0, 10, 25, 40, 55 et 70º) de leur côté dominant afin de mesurer leur force maximale. La position à 70º correspond au sujet qui est complètement en extension, de la même manière que lors d’un départ de course et le 0º correspond au coup de rame arrière. Ensuite, les sujets ont fait trois répétitions de contractions isocinétiques maximales lors de mouvement complet de leur côté dominant à des vélocités de 90, 150, 210, 270 et 300º/sec où la force et la puissance ont été mesurées. Les meilleurs résultats des mesures de force isométrique et de puissance isocinétique complétées lors de chaque essai ont été utilisés pour l’analyse statistique.
CONCLUSION ET APPLICATIONS
Le temps moyen au 200 m pour le groupe Int (39,9 ± 0,8 sec) se trouve à être significativement plus bas que le groupe Nat (42,6 ± 0,9 sec) et le temps de course le plus rapide du groupe Nat est plus bas que le dernier temps du groupe Int.
Les caractéristiques anthropométriques montrent que les circonférences du bras relaxé, tendu et de l’avant-bras relaxé et tendu, ainsi que la circonférence de la poitrine sont toutes significativement supérieures comparées à celles du groupe Nat. De plus, Int démontre une largeur de bras plus élevée que Nat, ainsi qu’une mésomorphie plus élevée. Aucune différence significative n’a été remarquée au niveau des caractéristiques pulmonaires et cardiorespiratoires. Cependant, Int montre des valeurs supérieures dans toutes les mesures excepté pour le VO2 max relatif à la masse corporelle du sujet, LT-%VO2 max et LT-% PAM, significativement plus hauts pour Nat. Les valeurs de puissance maximale et de travail total au test Wingate modifié ont aussi été plus hautes pour Int comparées à Nat. De la même façon, le groupe Int montre des valeurs supérieures au test AOD de 2 min; pour la force maximale isométrique à 70 degrés et pour la puissance maximale isocinétique produite à 300º/sec. WAnT work et AOD work, estimant la capacité anaérobie, ont été tous deux significativement plus élevés chez Int.
Cette étude montre que les kayakistes internationaux possèdent une musculature du haut du corps, une capacité anaérobie et une puissance musculaire supérieures à celles des kayakistes nationaux. Les entraîneurs trouveront dans cette recherche des outils valides et fidèles pour évaluer la condition physique de leurs athlètes. La méthodologie soignée des chercheurs est à prendre en considération dans le processus d’évaluation en laboratoire!
Source primaire
Van Someren KA, Palmer GS. Prediction of 200-m Sprint Kayaking Performance. Canadian Journal of Applied Physiology 2003; 28:505-17.
Rédacteur
Fabien Morand
B.Sc., kinésiologue
Éditeur
Guy Thibault
Ph. D., Direction du sport et de l’activité physique, gouvernement du Québec; Département de kinésiologie de l’Université de Montréal; et INS Québec
Mots-clés
kayak, Sprint, évaluation en laboratoire
Lectures suggérées
Bishop D. Physiological predictors of flatwater kayak performance in women. Eur. J. Appl. Physiol. 2000; 82 :91-97.
Fry RW,Morton AR. Physiological and kinanthropometric attributes of elite flatwater kayakists. Med. Sci. Sports in Exerc 1991; 23:1297-1301.