S281 - Amélioration de la performance chez des sportifs d’endurance ou : comment optimiser les adaptations physiologiques engendrées par un entraînement combiné « force + aérobie »
Dans la plupart des disciplines à dominante aérobie (comme le cyclisme ou le triathlon), des séances de musculation (force) ont été ajoutées à l’entraînement traditionnel aérobie (aérobie). Cette orientation différente du travail a donc vu le jour progressivement et s'est vite avérée être un complément indispensable à tout entraînement aérobie.
À la vue des résultats des différentes recherches sur l’entraînement combiné « force + aérobie », Docherty et Sporer (2000) se sont aperçus qu’il était particulièrement difficile de tirer des conclusions et d’interpréter correctement les observations et résultats mis en avant. Selon eux, les protocoles d’entraînement utilisés pour générer des améliorations de la puissance aérobie et de la force pourraient, dans certains cas, interagir avec les adaptations physiologiques d’une part, et les éventuelles modifications neuromusculaires d’autre part. Ils ont donc eu l’idée de proposer un modèle qui se baserait sur le phénomène d’interférence entre les adaptations liées à l’entraînement aérobie et celles liées à celui de force. En effet, en fonction du type de travail réalisé et de l’intensité des exercices, les adaptations spécifiques à l’activité aérobie ne seront pas les mêmes tout comme celles spécifiques aux exercices de force différeront selon le nombre de répétitions et la charge de travail.
Adaptations liées à l’entraînement aérobie : Les adaptations résultantes d’un entraînement aérobie peuvent apparaître, selon MacDougall et Sale (1981), à un niveau soit central soit périphérique, selon l’intensité d’entraînement utilisée. À de faibles intensités d’exercice, inférieures au seuil anaérobie, les adaptations physiologiques apparaissent principalement au niveau central (changements au niveau des mécanismes cardio-pulmonaires) alors qu’à de hautes intensités, proches ou égales à VO2max, les adaptations semblent beaucoup plus localisées au niveau périphérique, c’est-à-dire musculaire (augmentation du contenu en myoglobine, de la capillarisation musculaire et de l’activité des enzymes mitochondriales).
Adaptations liées à l’entraînement de force : Le développement de la force musculaire volontaire (FMV) apparaît comme le résultat d’une augmentation de la surface de section musculaire (hypertrophie musculaire chronique) et d’une amélioration de la capacité à activer efficacement les différentes unités motrices concernées (Sale, 1992). L’amélioration de cette FMV peut être obtenue au travers d’une multitude de protocoles d’entraînement de force, combinant de façons différentes l’intensité (charge exprimée en pourcentage de 1 RM) et le volume (nombre de séries et de répétitions). Des charges de 8 à 12 RM entraîneront principalement des adaptations périphériques comme une meilleure amélioration de la surface de section musculaire (Narici et coll., 1989) alors que des charges plus lourdes mobilisées sur un nombre de répétitions moins important (4 à 6 RM) engendreront des adaptations d’origine nerveuse comme une amélioration de l’activation et de la synchronisation des unités motrices ainsi qu’une diminution de la co-contraction des muscles antagonistes et permettront ainsi des améliorations de force sans hypertrophie musculaire.
À partir des constatations relevées concernant les adaptations spécifiques aux deux formes d’entraînement, aux niveaux central et périphérique, Docherty et Sporer (2000) ont proposé un modèle permettant de prédire le degré d’interférence possible des différents protocoles d’entraînement combinant force et endurance (voir schéma: https://notyss.com/savoirsport/downloadfile?id=440&fichier=S281_schema.doc ).
Concrètement (voir schéma), les interférences seront maximales lorsque les athlètes effectueront un travail en endurance à base d’interval-training réalisé à une intensité proche de la PMA, associé à un travail de force mettant en jeu des séries de 8 à 12 RM afin de développer la force. En effet, dans ce cas de figure précis, l’entraînement en endurance a pour but d’augmenter la capacité oxydative du muscle alors que l’entraînement de force, du fait de l’augmentation de la synthèse protéique liée au type de travail proposé, va de son côté engendrer un stress au niveau du système énergétique anaérobie lequel sera accompagné d’une augmentation de la concentration de lactate au sein du muscle. Le muscle se trouve ainsi dans une position conflictuelle où il doit tenter de s’adapter en même temps à deux contraintes physiologiques différentes. Ce cas de figure particulièrement défavorable entraînera irrémédiablement une minimisation des adaptations de l’un voire des deux systèmes concernés.
À l’opposé de ce premier exemple, à la suite d’un entraînement en endurance basé sur de l’interval-training effectué à une intensité proche de la PMA, associant un entraînement de force proposant des séries à haute intensité (de 2 à 5-6 RM), le muscle sera en mesure d’adapter sa capacité oxydative sans que cela ait de répercussions négatives sur les adaptations neuronales engendrées par les sollicitations de l’entraînement de force. De la même façon, les adaptations centrales liées à un entraînement aérobie continu et réalisé à intensité modérée (footing ou séance réalisée à une intensité inférieure au seuil anaérobie) auront des interférences minimales avec celles issues d’un entraînement de force (hypertrophie musculaire principalement) utilisant des charges faibles à moyennes et des répétitions plus importantes.
En s’appuyant sur ces conclusions de Docherty et Sporer (2000), les entraîneurs ayant en charge des athlètes spécialistes de disciplines aérobies pourront donc être en mesure d’optimiser les adaptations (centrales ou périphériques) qu’ils souhaitent provoquer à partir des séances mises en place tout au long de la planification d’entraînement de leurs sportifs.
Source primaire
Docherty D, Sporer B. A proposed model for examining the interference phenomenon between concurrent aerobic and strength training. Sports Med 2000;30(6):385-394.
Christophe Hausswirth
Départements des sciences du sport, laboratoire de biomécanique et physiologie, INSEP http://biomeca.campus-insep.com//
Mots-clés
Entraînement aérobie, musculation, adaptations centrales vs périphériques, interférences, intensité d’effort, nombre de répétitions
Lectures suggérées
MacDougall D, Sale D. Continuous vs. interval training: a review for the athlete and the coach. Can J Appl Sport Sci 1981;6(2):93-97.
Docherty D et Sporer B. A proposed model for examining the interference phenomenon between concurrent aerobic and strength training. Sports Med 2000;30(6):385-394.
Sale DG, McDougall JD et coll. Interaction between concurrent strength and endurance training. J Appl Physiol 1990;68(1):260-270.
Narici MV, Roi GS et coll. Changes in force, cross-sectional area and neural activation during strength training and detraining of the human quadriceps. Eur J Appl Physiol Occup Physiol 1989;59(4):310-9.
Leveritt M, Abernethy PJ et coll. Concurrent strength and endurance training. A review. Sports Med 1999;28(6):413-427.
Paavolainen L et Hakkinen K. Explosive-strenght training improves 5-km running time by improving running economy and muscle power. Appl. Physiol 1999; 86(5):1527-1533.