S309 - Les athlètes possédant une grande confiance en eux semblent être en mesure de tourner les symptômes d’anxiété à leur avantage
La relation entre l’anxiété et la performance est un des sujets les plus étudiés dans le domaine de la psychologie sportive. Un modèle de contrôle et d’interprétation de l’anxiété, proposé par Jones (1995) suggère qu’un athlète peut interpréter les symptômes reliés à l’anxiété comme étant favorables ou nuisibles à sa performance à venir. Un athlète qui croit posséder un bon contrôle de lui-même et de son environnement est susceptible d’interpréter positivement les symptômes reliés à l’anxiété avant une compétition. Par ailleurs, un athlète qui prétend avoir moins de contrôle est plutôt susceptible d’interpréter négativement la présence de symptômes reliés à l’anxiété. Il a également été démontré que la confiance en soi est une variable importante reliée à l’interprétation des symptômes d’anxiété (Jones & Swain, 1995). Ainsi, il a été observé que les athlètes présentant une bonne confiance en eux interprétaient les symptômes d’anxiété comme étant facilitateur (Jones, Hanton, & Swain, 1994). Ceci dit, il n’est pas encore bien compris pourquoi et comment la confiance en soi influence l’interprétation des symptômes reliés à l’anxiété. Il a été suggéré que les stratégies utilisées par les athlètes pour augmenter leur confiance et améliorer la gestion de leur anxiété avant les compétitions, influencent l’interprétation des symptômes manifestés et leur impact sur la performance. Ainsi, une forte confiance en soi protègerait contre ou permettrait de surpasser les interprétations négatives face à l’anxiété en facilitant l’utilisation de ressources menant à une interprétation positive, ce qui permettrait à l’athlète de rester en contrôle en situation de stress (Hanton & Connaughton, 2002). Le but de cette étude était donc d’examiner les perceptions d’athlètes élites et leurs croyances face à la relation entre l’anxiété reliée aux compétitions, la confiance en soi et l’interprétation des symptômes en lien avec la performance.
Un total de dix athlètes élites provenant de sports d’équipe et de sports individuels ont participé à l’étude. Les athlètes étaient âgés entre 20 et 38 ans. Les réponses obtenues lors d’une entrevue avec chacun d’eux ont été compilées et analysées. Deux modèles en ont émergé.
Le premier modèle concerne les effets d’une faible confiance en soi sur les interprétations des symptômes associés à l’anxiété avant les compétitions. Tout d’abord, il a été observé que la relation entre les variables semblait être cyclique. Ainsi, les symptômes d’anxiété étaient d’abord interprétés comme étant hors du contrôle des athlètes, puis comme étant nuisibles à la performance, ce qui diminuait davantage leur confiance en eux. Trois explications pour l’effet d’une faible confiance en soi sur la performance semblent émerger de ce premier modèle. D’abord, les athlètes disaient faire l’expérience d’une augmentation des symptômes d’anxiété associés aux compétitions, incluant l’inquiétude d’être en mesure de performer à leur meilleur (vécue par 50% des athlètes interrogés), le doute face à leur capacité à performer (40%), et l’inquiétude face à leur capacité de se concentrer (50%). Ensuite, les athlètes faisaient référence à une augmentation de pensées négatives reliées à leur performance en précisant leur incapacité à contrôler ces pensées (90%) et que ces dernières réduisaient les émotions positives vécues avant la compétition (40%). Enfin, ces symptômes étaient perçus comme étant hors du contrôle de l’athlète et donc interprétés comme nuisibles à leur performance. Ainsi, l’effet d’une faible confiance en soi chez les athlètes se traduisait en expérience d’images négatives concernant les performances futures (30%), en une augmentation du rappel de mauvaises performances passées (30%), et en une incapacité de mettre un terme ou d’empêcher ces images négatives de les envahir (60%).
Le deuxième modèle fait référence aux effets d’une forte confiance en soi sur les interprétations des symptômes associés à l’anxiété avant les compétitions. Dans ce modèle, les symptômes d’anxiété étaient interprétés par les athlètes comme étant sous contrôle, puis comme étant favorables à la performance, ce qui augmentait davantage leur confiance en eux. Les athlètes possédant une forte confiance en eux faisaient donc également l’expérience de symptômes reliés à l’anxiété mais semblaient être en mesure de tourner ces symptômes à leur avantage. Comme le modèle précédant, trois explications pour l’effet d’une forte confiance en soi sur la performance semblaient ressortir. Premièrement, les athlètes relataient faire l’expérience de pensées et d’images positives en rapport avec la future performance. Plus spécifiquement, 30% des athlètes disaient faire l’expérience d’une augmentation de pensées positives liées à leur performance et 30% mentionnaient également revivre leur bonnes performances en images. Deuxièmement, 40% des athlètes évoquaient l’augmentation de sentiments positifs (excitation, joie) reliés à la compétition et à la performance à venir. Ces sentiments contribuaient par la suite à augmenter l’état psychologique positif général chez 40% des athlètes. Troisièmement, 40% des athlètes signalaient faire l’expérience d’une augmentation de pensées générales entourant la compétition, qui s’accompagnaient d’une augmentation des symptômes d’anxiété associés à la compétition. Parmi ces symptômes rapportés, 50% des athlètes notaient la présence d’inquiétude par rapport à la compétition et à l’adversaire, et 20% des athlètes notaient la présence d’appréhension face à l’accomplissement des objectifs fixés. Cette augmentation de pensées et d’inquiétudes était perçue par les athlètes comme ayant un impact positif sur la performance future. En effet, ces inquiétudes semblaient activer une augmentation d’effort et de motivation envers la préparation à la performance chez les athlètes.
Ces deux modèles semblent donc être un premier pas vers une meilleure compréhension du pourquoi, donc des raisons qui expliqueraient pourquoi le niveau de confiance en soi influence l’interprétation des symptômes reliés à l’anxiété. Afin de mieux comprendre le comment, les athlètes ont discuté des stratégies psychologiques utilisées pour se protéger contre une interprétation nuisible des symptômes d’anxiété. Les athlètes ont dit utiliser quatre stratégies cognitives principales : visualisation, discours interne positif, blocage des pensées négatives, restructuration des pensées négatives. La visualisation semblait être la stratégie la plus utilisée et la plus efficace. L’utilisation d’images de bonnes performances passées permettait aux athlètes de rester positif par rapport à la performance future, tout en limitant l’entrée de pensées négatives. Pour ce qui est de l’utilisation du discours interne positif, les athlètes se parlaient à eux-mêmes pour se motiver et se convaincre de leurs propres capacités à bien performer. Si jamais des pensées négatives venaient à apparaître, les athlètes les bloquaient en faisant le vide dans leur tête ou les substituaient par des pensées positives (restructuration).
En conclusion, les résultats ont confirmé que la confiance en soi est une variable importante reliée à l’interprétation des symptômes d’anxiété puisqu’elle influence la perception de contrôle que ressent l’athlète ainsi que les interprétations qui en découlent. En l’absence de confiance en soi, l’augmentation des symptômes d’anxiété pré-compétition diminue la perception de contrôle sur la situation, ce qui crée des difficultés de concentration, et une interprétation négative des symptômes d’anxiété en lien avec la performance à venir. Une forte confiance en soi produirait exactement le scénario inverse. Les athlètes ayant une grande confiance en eux semblent être en mesure de tourner les symptômes d’anxiété à leur avantage. Bien que cette étude apporte une meilleure compréhension de ces relations, il est impossible d’en conclure une relation directe de cause à effet en raison de la méthodologie utilisée. Par ailleurs, il semble légitime de dire que les interventions auprès des athlètes pour améliorer la performance devraient mettre l’emphase sur des stratégies à long terme pour bâtir et maintenir un haut niveau de confiance en soi pour ensuite miser sur des stratégies à court terme visant l’amélioration de la gestion de stress et de ses symptômes. Pour qu’un athlète soit en mesure de surpasser ses symptômes d’anxiété plus facilement, il semble essentiel de miser sur le développement de la confiance en soi.
Source primaire
Hanton S, Mallalieu SD, Hall R. Self-confidence and anxiety interpretation: A qualitative investigation. Psychology of Sport and Exercise 2004; 5, 477-495.
Rédacteur
Julie Senécal
M.A. Consultante en psychologie du sport, Montréal, Québec
Éditeur
Madeleine Hallé
Institut National du Sport Québec, Montréal
Mots-clés
anxiété, confiance en soi
Lectures suggérées
Hanton S, Connaughton D. Perceived control of anxiety and its relationship to self-confidence and performance: A qualitative inquiry. Research Quarterly for Exercise and Sport 2002; 73, 87-97.
Jones G, Hanton S. Pre-competitive feeling states and directional anxiety interpretations. Journal of Sports Sciences 2001; 19, 385-395.