S320 - Individualisation de l'entraînement des crawleuses par rapport à leurs actions motrices
Si l'individualisation de l'entraînement entre les hommes et les femmes paraît évidente à partir d'un certain niveau de pratique, encore faut-il savoir sur quels paramètres elle doit se réaliser. En effet, cette dernière ne peut se faire uniquement sur des critères physiologiques car les facteurs biomécaniques déterminants de la performance sont eux aussi très différents selon le sexe, notamment en natation où la technique est principalement liée à la performance (Catteau R et Garoff G, 1968). En étudiant la trajectoire des membres supérieurs des dix meilleurs nageurs et nageuses du 100 mètres nage libre des championnats du monde de 1994 (Rome), on s'aperçoit que les solutions biomécaniques mises en place pour nager vite sont très différentes entre les dix femmes et les dix hommes. À partir des images (caméra sous-marine) de ces sportifs prises au cours de leur finale, la trajectoire du poignet de chacun a été matérialisée en fonction de la position de la hanche, selon trois axes : antéropostérieur, transversal et vertical. Les analyses de ces trajectoires indiquent des différences gestuelles selon le sexe (différences spatiales et temporelles). Les trajectoires sont étudiées selon les trois balayages décrits par Maglisho (Maglisho CW, Maglisho EW et coll., 1991). D’une manière générale, les femmes privilégient des balayages conséquents (en variation de durée) alors que les hommes privilégient un mouvement profond et vertical sur l’axe antéropostérieur (bras plus tendu). Les résultats décrivent des différences sur le premier balayage qui est externe, vers le bas et l’avant. Cette phase correspondant à la prise d’appui est plus longue chez les femmes pour une amplitude équivalente. On peut expliquer cette adaptation par une force musculaire moins importante ne leur permettant pas de réaliser cette action rapidement en conservant un bras de levier efficace. Le second balayage (interne et vers l’arrière), considéré comme le plus efficace, est beaucoup plus court chez les femmes (toujours dû à un déficit de force et des différences anthropométriques) alors qu’il est privilégié chez les hommes pour une amplitude équivalente. C’est peut-être ici que se situe la plus grosse perte en performance. Seul le troisième et dernier balayage (vers l’arrière et le haut) présente des différences d’amplitude selon le sexe ; en effet, il est significativement plus important chez les nageuses pour une durée équivalente, ce qui coïncide avec une nage privilégiant les balayages.
Pour résumer, on peut dire que les femmes mettent en place un trajet du poignet moins direct (plus de godilles), qui majore l’importance du premier balayage (prise d’appui) et du dernier (poussée finale) par rapport aux hommes. On peut considérer que la technique rassemble dans une même représentation ce que les meilleurs spécialistes ont de commun et qui, pour un instant donné, détermine le savoir-faire le plus élaboré.
À partir de cette étude, on peut envisager des séquences spécifiques aux jeunes nageuses visant le haut niveau dans le but de se rapprocher des trajectoires optimales. Les consignes pour les filles viseront davantage une augmentation de la prise d’appui, par exemple en imposant un léger temps mort (éducatif souvent appelé « opposition ») ou en travaillant à l’aide de paddles. Pour le troisième balayage, on peut envisager des consignes ayant pour but d’augmenter son amplitude (travail de fin de poussée…). À l’inverse, pour les garçons on pourra par exemple insister sur des consignes de continuité des actions motrices afin de minimiser le temps correspondant à la prise d’appui ainsi qu’une recherche d’un mouvement plus vertical et plus profond (travail bras tendus…).
Source primaire
Deschodt VJ, Rouard AH. Influence du sexe sur les paramètres cinématiques de nage chez les crawleurs de haut niveau. Science & Sports 1999;14:39-44.