S359 - Il est important de créer un environnement axé sur la tâche pour maximiser la satisfaction des besoins psychologiques fondamentaux des athlètes et leur bien-être
Selon la théorie des besoins de bases (basic needs theory, BNC) de Ryan et Deci (2002), trois besoins psychologiques seraient fondamentaux pour la croissance et l’évolution de l’humain : le besoin d’autonomie, de compétence et d’affiliation. La satisfaction du besoin d’autonomie fait référence à la possibilité de choisir ses actions et au sentiment d’être l’initiateur de ses propres actions. La satisfaction du besoin de compétence est atteinte lorsqu’un individu est en mesure d’atteindre une performance ou un résultat désiré. Pour ce qui est de la satisfaction du besoin d’affiliation, cela correspond au sentiment d’être connecté aux autres et d’être compris. Selon la BNT, le niveau de satisfaction atteint pour chacun des besoins prédira directement le niveau de bien-être psychologique et physique (Ryan & Deci, 2002). En appliquant cette théorie dans le domaine du sport, la satisfaction des besoins de l’athlète concernant l’autonomie, la compétence et l’affiliation à travers leur environnement sportif devrait mené à un niveau de bien-être élevé (Reinboth & Duda, 2006). Le climat motivationnel créé par l’entraîneur est un exemple d’environnement qui entretiendrait ou non les besoins fondamentaux chez les athlètes (Ntoumanis, 2001 ; Reinboth, Duda, & Ntoumanis, 2004). Par exemple, en créant des sessions de pratique d’une certain façon, en donnant de la reconnaissance à leurs athlètes et en évaluant leur performance selon divers moyens, les entraîneurs crées un certain climat motivationnel qui peut avoir un impact important sur la motivation de l’athlète. Deux types de climats motivationnels peuvent exister : un climat impliquant l’ego (performance) et un climat impliquant la tâche (maîtrise de la tâche). Un climat impliquant l’ego est caractérisé par la compétition interpersonnelle, la comparaison sociale et l’évaluation publique tandis que le climat impliquant la tâche met l’emphase sur la maîtrise de la tâche, l’apprentissage, l’effort et l’amélioration (Ames, 1992 ; Newton, Duda, & Yin, 2000). Dans le cas où l’environnement créé par l’entraîneur est perçu comme orienté vers la tâche, l’accomplissement est conséquemment évalué par rapport à l’athlète, ce qui met l’emphase sur le contrôle que celui-ci possède vis-à-vis sa propre performance. En ressentant un certain contrôle sur sa performance, l’athlète est plus susceptible de se sentir maître de ses actions et donc il est plus probable que ce type d’environnement comble la satisfaction du besoin d’autonomie. Au contraire, un climat orienté vers l’ego est plus susceptible d’amener l’athlète à considérer les mauvais résultats qui ne sont pas toujours totalement contrôlables par eux-mêmes (l’importance de battre tel athlète, par exemple) comme étant seulement de leur faute. Ainsi, la perception d’un climat orienté vers l’ego est présumé comme étant nuisible à la satisfaction du besoin d’autonomie. Selon Duda (2001), un environnement orienté vers la tâche devrait également favoriser la perception de compétence puisque l’athlète se réfère à lui-même (ses propres critères) et non aux autres lors de l’évaluation de sa performance. Ceci implique que le sentiment de succès est plus contrôlable et atteignable en comparaison à un critère orienté vers la norme (par exemple, gagner, ce qui implique que la performance est mesurée par rapport aux autres). De plus, il est à noter que le sentiment de compétence est plus fragile dans un environnement orienté vers l’ego puisque la compétence est liée avec ce que les autres font, ce qui n’est pas contrôlable en soi. En ce qui concerne le besoin d’affiliation, il est moins facilement satisfait dans un environnement sportif où l’ego domine puisque les athlètes se comparent constamment aux autres, donc se sentent potentiellement moins près ou connectés avec les autres. Par ailleurs, un environnement qui implique la tâche met l’emphase sur la coopération et l’entraide pour l’apprentissage, ce qui est plus susceptible de combler un sentiment d’appartenance et donc de promouvoir la satisfaction du besoin d’affiliation (Ames, 1992 ; Duda, 2001).
Le but premier de cette étude était donc de voir si un changement de perceptions dans le climat motivationnel créé par l’entraîneur serait relié à un changement dans la satisfaction du besoin d’autonomie, de compétence et d’affiliation de l’athlète ainsi qu’à un changement du niveau de bien-être de l’athlète. Le besoin d’autonomie faisait référence au sentiment d’autonomie dans la prise de décision et la liberté de choix chez l’athlète ainsi qu’au sentiment de l’athlète d’être la cause de ses actions (locus de contrôle interne perçu). Le sentiment d’affiliation était évalué en lien avec les membres de l’équipe et l’entraîneur. Les auteurs ont émis les hypothèses suivantes : 1. l’athlète qui perçoit que l’entraîneur met l’emphase sur un environnement orienté vers la tâche au cours de la saison, répondrait par un changement positif dans la satisfaction des besoins d’autonomie, de compétence et d’affiliation de l’athlète au cours de la saison. 2. plus un climat serait perçu comme étant orienté vers l’ego, moins les besoins fondamentaux seraient satisfaits. 3. la satisfaction des besoins serait positivement liée au bien-être de l’athlète (vitalité subjective). 4. les trois besoins fondamentaux agiraient à titre de médiateur dans la relation entre le climat motivationnel créé par l’entraîneur et l’indice de bien-être de l’athlète.
Pour ce faire, 128 athlètes de plusieurs sports ont participé à l’étude. Le climat motivationnel a été mesuré à l’aide du Perceived Motivational Climate in Sport Questionnaire-2 (PMCSQ-2 ; Newton, et al., 2000). Le besoin de compétence a été mesuré par une sous-échelle du Intrinsic Motivation Inventory (McAuley, Duncan, & Tammen, 1989), le besoin d’affiliation par l’Acceptance subscale of the Need for Relatedness Scale (Richer & Vallerand, 1998) et le besoin d’autonomie en prenant exemple de citation dans certaines études (Ntoumanis, 2001; Sheldon, Elliot, Kim, & Kasser, 2001). Enfin, le bien-être des athlètes a été mesuré par le Subjective Vitality Scale (SVS; Ryan & Frederick, 1997). Les résultats démontrent qu’en général, les athlètes ont perçu une augmentation du climat orienté vers la tâche et une diminution de climat orienté vers l’ego au cours de la saison. Ils ont également rapporté de plus hauts niveaux de satisfaction des besoins et de bien-être au cours de la saison. Il a donc été démontré que lorsque l’athlète percevait un environnement orienté vers la tâche, cela se traduisait par un changement positif dans la satisfaction des besoins d’autonomie, de compétence et d’affiliation de l’athlète au cours de la saison. Ainsi, en renforçant l’effort, le progrès personnel, et en mettant l’emphase sur le fait que chaque membre de l’équipe a un rôle important à jouer, les opportunités de satisfaire les trois besoins fondamentaux des athlètes sont maximisées.
De même, il a été démontré qu’un entraîneur qui favorisait un environnement axé sur l’ego suscitait une baisse dans la satisfaction du besoin d’affiliation. Par ailleurs, contrairement à l’hypothèse émise par les auteurs, la perception d’un environnement orienté ver l’ego n’a pas prédit négativement les besoins d’autonomie et de compétence. Les résultats ont aussi confirmé que la satisfaction des besoins était positivement liée au bien-être de l’athlète. Plus spécifiquement, le sentiment de l’athlète d’être la cause de ses actions (besoin d’autonomie) prédisait positivement une amélioration du bien-être. Seul cet aspect du besoin d’autonomie était positivement corrélé avec le bien-être (et non l’autonomie dans la prise de décision et la liberté de choix). Ainsi, contrairement aux hypothèses, la perception de compétence n’était pas positivement corrélée au bien-être de l’athlète. Par ailleurs, les résultats ont démontré que la perception d’affiliation avec l’entraîneur prédisait une augmentation de bien-être chez l’athlète, tandis que l’affiliation avec les membres de l’équipe ne le faisait pas. Ces derniers résultats démontrent l’importance pour l’athlète de se sentir valorisé, écouté et supporté par son entraîneur et donc de développer une bonne relation avec lui.
En conclusion, les résultats de la présente étude suggèrent que pour maximiser la satisfaction des besoins fondamentaux des athlètes, qui influenceraient positivement leur bien-être, la création d’un environnement favorisant la tâche devrait être priorisée par l’entraîneur. Les auteurs suggèrent au entraîneurs un moyen pour favoriser ce type d’environnement : appliquer le programme TARGET (Epstein, 1988), un acronyme pour tâche, autorité, récompense, groupe, évaluation, et timing. Ce programme utilise ces dimensions pour créer un climat motivationnel orienté vers la tâche.
Source primaire
Reinboth M, Duda JL. Perceived motivational climate, need satisfaction and indices of well-being in team sports: A longitudinal perspective. Psychology of Sport and Exercise 2006; 7, 269-286.
Rédacteur
Julie Senécal
M.A. Consultante en psychologie du sport, Montréal, Québec
Éditeur
Madeleine Hallé
Institut National du Sport Québec, Montréal
Gagné M, Ryan RM, Bargman K. Autonomy support and need satisfaction in the motivation and well-being of gymnasts. Journal of Applied Sport Psychology 2003; 15, 372-390.
Reinboth M, Duda JL, Ntoumanis N. Dimensions of coaching behavior, need satisfaction, and the psychological and physical welfare of young athletes. Motivation and Emotion 2004; 28, 297-313.