S409 - Des exercices excentriques lents entraînent moins de dommages musculaires que ceux effectués à haute vitesse
Les exercices excentriques sont bien reconnus pour provoquer des dommages musculaires. Les facteurs déterminant l’ampleur des dommages sont principalement : l’amplitude du mouvement, le type de contraction et le moment de force généré lors de la contraction. Or parmi ces facteurs, seul le dernier peut être manipulé pour mesurer l’ampleur des dommages provoqués par une contraction excentrique. Ainsi, la présente étude considère qu’en modifiant une des variables influençant le développement de la force, soit la vitesse de contraction, il serait possible d’agir sur l’étendue des dommages musculaires induite par une contraction excentrique.
Basée sur une étude antérieure comparant les effets de 3 différentes vitesses de contraction sur un muscle isolé de souris (par McCully et Faulkner), l’hypothèse suppose qu’une contraction excentrique rapide induit des dommages musculaires plus importants qu’une contraction lente. Pour confirmer cette hypothèse, 12 sujets furent soumis à l’expérience, 6 hommes et 6 femmes, étant tous droitiers et âgés entre 21 et 34 ans. Afin d’éviter la présence de mécanismes de protection contre les dommages musculaires, les sujets ne devaient pas avoir pratiqué un entraînement en résistance des membres supérieurs au cours des 6 mois précédant l’étude.
L’étude consistait à effectuer des exercices excentriques de flexion du coude à haute vitesse d’un bras (210°/s) et à faible vitesse de l’autre (30°/s), ces 2 protocoles étant séparés par 14 jours. La vitesse lente fut établie pour représenter la vitesse généralement employée dans un entraînement en résistance et la vitesse rapide selon les mouvements en situations sportives. Contrairement aux études précédentes, celle-ci n’est pas standardisée selon le nombre de contractions mais plutôt par le temps sous tension du muscle pour chaque protocole. Ainsi, pour respecter un temps sous tension de 120 secondes, le protocole accordait un total de 30 contractions consécutives pour la vitesse lente et de 210 pour la vitesse rapide. Afin de déterminer les dommages musculaires causés par chacune des manipulations, plusieurs paramètres furent mesurés tels que les forces maximales isométriques et dynamiques, l’amplitude du mouvement, la circonférence du bras, la douleur musculaire et l’activité de la créatine kinase plasmatique. Les mesures furent prises à différents moments soit avant, immédiatement après l’exercice et jusqu’à 168 heures suivant l’exercice.
Concernant le premier paramètre, une contraction maximale isométrique de 4 secondes fut mesurée à angle de 90° de flexion du coude, ainsi que des contractions dynamiques concentriques et excentriques maximales à différentes vitesses angulaires. Les mesures ont démontré une diminution de la force isométrique, concentrique et excentrique suite à l’exercice pour chaque protocole, cependant nous observons une baisse plus marquée pour l’exercice effectué à vitesse rapide. Cette diminution significative de la force ne peut cependant pas être totalement attribuée aux dommages musculaires car la fatigue accumulée lors des nombreuses contractions rapides a pu influencer les données.
L’amplitude du mouvement fut mesurée à partir de la pleine extension du coude jusqu’à la flexion maximale pour chaque protocole. Les résultats rapportèrent une diminution de l’amplitude deux fois plus importante pour l’exercice rapide que pour l’exercice lent. L’angle du coude au repos fut également mesuré mais aucune conclusion n’en fut retirée.
La circonférence du bras fut mesurée à 5 sites différents lorsque le bras est au repos. Les données indiquent une augmentation significative de la circonférence immédiatement après l’exécution lente, tandis que la plus grande différence fut atteinte à 72 heures après l’exercice rapide.
La mesure de la douleur fut évaluée selon 3 manipulations au niveau du bras. Pour chaque manipulation le sujet devait inscrire une marque sur une échelle (0 à 100) indiquant le degré de douleur ressenti. Un même instructeur devait imposer une flexion et une extension forcées sur le bras du sujet ainsi qu’une palpation mesurée sur 4 différents sites. Les résultats pour chaque procédé démontrent clairement qu’un exercice à haute vitesse entraîne environ 2 fois plus de douleur qu’à faible vitesse.
L’activité de la créatine kinase fut déterminée par un échantillon de 30 µL de sang par une piqure au doigt. La différence dans l’ampleur des dommages musculaires entre les 2 vitesses testées est principalement démontrée par l’analyse de l’activité de la créatine kinase. Le changement non-significatif dans l’activité de cette enzyme suivant la vitesse lente nous indique qu’aucune perte majeure de l’intégrité membranaire ne s’est produite contrairement à une augmentation de 450% pour la vitesse rapide.
En conclusion, bien que plusieurs critères nécessitent un approfondissement, la présente étude met en lumière l’importance de l’activité de la créatine kinase dans l’ampleur des dommages musculaires. Ainsi, nous avons pu constater que la vitesse d’exécution du mouvement n’a pas une grande influence sur les gains en force, il serait alors préférable d’éviter de s’entraîner à haute vitesse pour les débutants afin de minimiser les dommages musculaires entraînés par les contractions excentriques. De plus, pour tous les critères mesurés sur les sujets non entraînés, nous avons observé que la durée de la récupération était considérablement plus longue pour les exercices excentriques rapides que pour ceux exécutés à vitesse lente. En considérant que cette observation est applicable aux gens entraînés, celle-ci nous amène à conclure qu’un entraînement intense proposant des mouvements rapides en contraction excentrique serait à proscrire chez les athlètes participant incessamment à une compétition, et ce afin d’éviter la diminution prolongée de la force suivant ce type d’exercice.
Précisons toutefois que les auteurs ayant choisi de normaliser la durée totale des contractions dans les deux modalités d'entraînement, que le nombre de contractions ainsi que le travail total réalisé est nettement plus important à vitesse rapide, ce qui en soi, peut aussi expliquer les effets néfastes plus importants pour cette condition. Il n'est pas dit que le fait de faire des contractions excentriques rapides soit aussi délétère lorsque les sujets choisissent de s'entraîner pour un travail total équivalent qu'en contraction lente.
Source primaire
CHAPMAN D, M NEWTON et COLL. Greater muscle damage induced by fast velocity versus slow velocity eccentric. Int J Sports Med. 2006; 27: 591-598.
Rédacteur
Andréanne Ahern, Maude Lefebvre-Desjardins, Marie-Christine Lucas
étudiantes en kinésiologie, Département de kinésiologie de l’Université de Montréal
Éditeur
Luc Léger
Ph. D., Professeur au Département de kinésiologie, Université de Montréal
CLARKSON PM, BYRNES WC et COLL. Muscle soreness and serum creatine kinase activity following isometric, eccentric and concentric exercise. Int J Sports Med. 1986; 7:152-155.
MCCULLY KK, FAULKNER JA. Characteristics of lengthening contractions associated with injury to skeletal muscle fibers. J Appl Physiol. 1986; 61: 293-299.
NOSAKA K, NEWTON M. Difference in the magnitude of muscle damage between maximal and submaximal eccentric loading. J Strength Cond Res. 2002; 16: 202-208.
Sports ciblés
Sports de compétition imposant des contractions excentriques rapides.