Les mouvements compétitifs exécutés au cheval d’arçons sont essentiellement constitués de déclinaisons et d’enchaînements de son élément de base : le cercle de jambes. Le cercle se définit comme une évolution giratoire dans un plan se rapprochant de l’horizontale en appuis manuels alternatifs sur les arçons avec passage en position faciale et dorsale (voir figure 2). La maîtrise technique de cet élément nécessite de conserver le corps en alignement maximal. En compétition, chaque rupture d’alignement corporel, caractérisée par une fermeture de l’angle tronc-cuisses, est pénalisée par des points de déduction. La conservation du corps en alignement pendant la réalisation de cet élément nécessite un nombre conséquent d’heures de pratique. Si les différentes situations d’apprentissage traditionnellement proposées tendent à renforcer la musculature de la ceinture abdominale, elles ne permettent guère l’appropriation de repères proprioceptifs spécifiques au positionnement du corps.

De nombreuses études conduites sur la correction de l’habileté motrice sportive considèrent le feedback concomitant comme un outil pertinent d’optimisation de la performance. À partir d’une synthèse de définitions émises par différents auteurs, le feedback en temps réel peut être assimilé à un outil d’apprentissage qui utilise un appareillage électrique ou électronique permettant de capter puis d’amplifier de manière auditive ou visuelle des variables cinématiques et cinétiques du mouvement afin de permettre au sujet de contrôler volontairement ces évènements. Chollet (1987) identifie six points essentiels régissant le feedback concomitant :

1) le sujet prend connaissance d’une information préalablement inaccessible ou faiblement accessible par l’intermédiaire de capteurs externes,
2) le retour d’information est réalisé en temps réel,
3) le sujet prend en compte la globalité de sa performance,
4) les critères d’évaluation sont objectifs,
5) le sujet est activement impliqué dans l’activité,
6) le feedback concomitant est considéré comme un outil et non comme une fin en soi : l’objectif consiste à l’utiliser durant l’apprentissage et à s’en passer quand le but est atteint.

L’objectif pratique de cette recherche a été de proposer au secteur gymnique un dispositif de feedback concomitant, simple de fonctionnement et d’interprétation, permettant aux gymnastes d’optimiser leur performance au cheval d’arçons.

Le dispositif expérimental de feedback (figure 1) élaboré dans ce protocole permettait au gymnaste d’être informé en temps réel des modifications de son alignement corporel, au cours même de l’exécution du cercle. Il se composait de deux éléments principaux. Le premier élément était fixé sur le dos du gymnaste et comprenait un petit boîtier dans lequel étaient placés un circuit électrique, un interrupteur poussoir et un buzzer. Le second élément était positionné au niveau de la face postérieure de l’articulation du genou droit. Les parties haute et basse ont été solidarisées l’une à l’autre par un fin câble passant le long du rachis vertébral. Le dispositif de feedback fonctionnait sur le mode du tout ou rien et se déclenchait lorsque le sujet fermait l’angle entre les membres inférieurs et le tronc. La flexion du tronc sur les cuisses provoquait la mise en tension du câble ce qui déclenchait instantanément l’émission d’un signal auditif.

Figure 1 : https://notyss.com/savoirsport/downloadfile?id=302&fichier=S428_figure1.docx

Dix-huit gymnastes de niveau national ont aléatoirement été placés dans deux groupes : un groupe contrôle et un groupe feedback. Les deux groupes ont participé à un pré-test (évaluation des performances initiales), à cinq séances d’entraînement au cheval d’arçons, et à un post-test (évaluation des performances terminales). Pour l’ensemble des participants, l’objectif de chacune des séances d’entraînement a été de réaliser 6 séries de 10 cercles au cheval d’arçons (5 séances x 6 séries x 10 cercles = 300 cercles). Tandis que les gymnastes du groupe contrôle réalisaient des séries sans feedback, les gymnastes du groupe feedback bénéficiaient quant à eux du dispositif informationnel préalablement détaillé.

Les résultats ont mis en évidence que l’utilisation du dispositif de feedback a permis aux gymnastes d’améliorer significativement leur alignement corporel au cours du cercle entre le pré-test et le post-test (figure 2). Un post-test retardé (test réalisé deux semaines après le post-test) mené sur les gymnastes du groupe feedback révèle une stabilisation des performances obtenues. Il est également apparu que ce gain d’alignement corporel a principalement été obtenu au cours des phases latérales du cercle. La figure 2 présente les gains et pertes d’alignement segmentaire, exprimés en pourcentage, obtenus entre les pré-test et post-test.

Figure 2 : https://notyss.com/savoirsport/downloadfile?id=302&fichier=S428_figure2.docx

L’ensemble des résultats de cette approche expérimentale converge vers l’idée qu’un dispositif spécifique de feedback a une influence positive sur l’optimisation de l’exécution du cercle au cheval d’arçons. Cette étude réalisée avec des gymnastes conforte un ensemble de conclusions émergeant des travaux conduits sur cette forme de feedback. L’utilisation d’un feedback concomitant à la réalisation d’une habileté cyclique est un moyen pertinent d’optimiser le mouvement. Les processus informationnels, attentionnels et motivationnels sous-jacents au feedback favorisent l’élaboration de liaisons entre l’information proprioceptive issue du mouvement et le mouvement lui-même. La fréquence relativement importante de feedbacks administrés aux gymnastes sollicite puis développe les processus de détection et de correction de l’erreur nécessaire à l’amélioration et la stabilité de la performance.

Le dispositif de feedback précédemment détaillé se positionne ainsi comme un outil supplémentaire mis à disposition des entraîneurs de gymnastique. Ils bénéficient désormais d’un nouvel outil d’entraînement susceptible de développer les processus informationnels des gymnastes. L’émission du signal sonore facilite et optimise la focalisation de l’attention des entraîneurs et des gymnastes sur un déterminant technique difficilement perceptible à haut niveau.