S443 - La puissance des jambes mesurée à sec est faiblement mais significativement corrélée à la vitesse de virage chez des nageurs d'élite
En natation compétitive, l’efficacité d’un virage est une composante importante de la performance. Thayer et al. (1984) ont mesuré que le virage-culbute en natation représente 20.5% du temps total d’une épreuve de 50m au crawl en piscine et jusqu’à 33% lors d’épreuves de plus de 200 verges (environ 183m).
Lors du virage, les nageurs les plus rapides en compétition ont démontré des pics de puissance plus élevés, des impulsions moyennes plus fortes et un temps de contact avec le mur plus court, de même qu’une flexion des genoux au pic de puissance (poussée du mur) d’environ 120 degrés.
Dans le virage, les jambes effectuent un cycle étirement-raccourcissement (stretch-shorten cycle-SSC). On peut donc penser que des exercices plyométriques tels le « squat jump » et la détente verticale semblent appropriés pour améliorer l’efficacité du virage. Pourtant, peu de recherches ont étudié l’impact d’un entraînement à sec de la puissance des jambes sur les performances en natation et encore moins sur la vitesse du virage en piscine. D'autre part, de faibles variations dans la posture, dans le type de contraction musculaire, dans l’amplitude du mouvement et dans la vitesse de contraction musculaire pourraient limiter les gains espérés suite à un entraînement à sec.
Les auteurs ont donc tenté de déterminer si certains exercices de saut étaient reliés à la vitesse de virage chez des nageurs élite. Ils ont émis deux hypothèses:
1 - la puissance des jambes évaluée via un « squat jump », un saut avec contre-mouvement et une épreuve de détente verticale serait corrélée significativement à la capacité du virage chez les nageurs élite;
2 - les résultats de ces tests permettraient de différencier selon la capacité du virage les nageurs rapides des plus lents.
Des nageurs (n=67) du Australian Institute of Sport Elite Development Squad (moyenne d’âge 17.4 ± 0.5 ans, taille 185.5 ± 6.5 cm, masse 80.8± 7.8 kg) ont participé à deux séries de tests. La première session consistait à évaluer la puissance des jambes lors de trois exercices similaires à ceux pratiqués en entraînement:
1 – « squat jump » avec charge de 20 kg et de 30 kg sur une machine Smith modifiée à laquelle était attachée un encodeur linéaire mesurant le déplacement de la charge. Le départ se faisait en position stationnaire, genoux fléchis à 120 degrés.
2 – saut avec contre-mouvement, départ debout mains sur les hanches, les genoux devant fléchir jusqu’à 120 degrés. La hauteur du saut et la vitesse au décollage étaient mesurées avec une plateforme de force.
3 - détente verticale avec les bras, départ debout les bras le long du corps, les genoux devant fléchir jusqu’à 120 degrés. La hauteur du saut était mesurée avec un Vertec.
La deuxième session se déroulait en piscine. Les athlètes exécutaient un virage-culbute, précédé de 15 m de nage et suivi d’un autre 15 m de nage, le tout à vitesse maximale. Les nageurs devaient utiliser leur technique normale de virage. Les temps de passage pendant les premiers 10 m alors le nageur s’éloignait du mur ont été enregistrés par un système d’analyse vidéo à 2, 4, 6, 8, et 10 m et utilisés pour calculer les vitesses moyennes pour 4 sections (V2-4m, V4-6m, V6-8m, V8-10m).
Les résultats indiquent que la puissance des jambes mesurée par les « squat jump » et la hauteur des deux sauts verticaux sont significativement mais faiblement corrélées à la vitesse moyenne entre 2 et 4 m de distance du mur (r=0.28-0.41). Cette corrélation devient non significative après 6 m. Lorsque les nageurs sont séparés en deux groupes selon que leur vitesse initiale de virage (entre 2 à 4 m) est rapide ou lente, la relation devient plus significative chez le groupe des nageurs rapides, sauf pour le du test du « squat jump » à 20 kg. Toutefois, après 6m, il n’y a plus de différence significative entre la puissance des jambes des nageurs rapides et celle des nageurs lents. La puissance des jambes aurait donc une certaine importante pour la vitesse initiale après la poussée du mur mais à partir de 4 à 6m, d’autres facteurs (position hydrodynamique, force de résistance de l’eau) contribueraient à la vitesse. Les chercheurs ont également calculé que les faibles corrélations entre les mesures de puissance effectuées et la vitesse de virage n’expliqueraient que 19% de la variance de cette dernière, suggérant que d’autres facteurs tels la technique interviennent.
Selon les auteurs, des exercices de saut à sec pourraient améliorer la force propulsive des jambes même si ce transfert est assez limité. Ils suggèrent que les exercices utilisés dans leur étude manqueraient de spécificité ou alors que la contribution de la puissance des jambes au virage serait exagérée. Ils se demandent si des exercices de saut exécutés dans un plan horizontal sur des appareils tel que le supine squat machine ou un entraînement en isométrie des muscles importants pour un profil hydrodynamique procureraient plus de progrès. D’autres recherches sont nécessaires pour établir quelles variables sont reliées significativement à la vitesse de virage et confirmer quels exercices peuvent accroître l’efficacité des virages en natation.
En résumé cette étude confirme des liens légers mais significatifs entre la puissance te la performance des sauts verticaux pli métriques et la vitesse de nave entre 2 et 4 m après le virage. Même légers, ces effets positionnent le nageur en tête suite à un virage à la condition bien entendu que les habilités techniques ne soient pas négativement affectées par ce type d'entraînement. C'est une chose de considérer les effets sur un même individu et c'en est une autre de comparer ou de d'essayer de discriminer les individus entre eux sur cette base. En effet dans ce dernier cas, d'autres facteurs comme les habilités techniques peuvent compenser un manque de puissance et limiter l'utilisation de tels sauts pour prédire la performance. De plus, dans ces études, on mesure la performance au niveau de la vitesse juste après le virage et non la vitesse moyenne de toute l'épreuve qui dépend aussi de la puissance et de l'endurance aérobies et anaérobies en plus de la puissance des jambes et de la technique du virage.
D'autre part, les auteurs rapportent qu'une plus grande puissance des membres inférieurs ne présente plus d'avantage au niveau de la vitesse de nage 6 à 8 m après le virage. Mais dans la mesure où, la plus grande vitesse initiale n'entraîne pas de fatigue ou de ralentissement par la suite, le nageur le plus performant dans ses sauts devrait toujours être en tête à 6 ou 8 m après le virage… Les auteurs n'ont pas discuté leurs résultats sous cet angle pourtant bien important.
Source primaire
Cronin J., Jones J., et Frost, D. The Relationship between Dry-Land Power Measures and Tumble Turn Velocity in Elite Swimmers. The Journal of Swimming Research, 2007; 17: 17-23.
Rédacteur
Marie-Claude Morin
étudiante en kinésiologie, Département de kinésiologie de l’Université de Montréal
Éditeur
Luc Léger
Ph. D., Professeur au Département de kinésiologie, Université de Montréal
Mots-clés
Puissance des jambes, vitesse de virage
Lectures suggérées
Blansky, B.A., Gathercole, D.G. et Marshall. R. N. Force plate and video analysis of the tumble turn by age group swimmers. Journal of Swimming Research. 1996; 11:40-45.
Cossor, J.M., Blanskby, B.A., et Elliot, B.C. The influence of plyometric training on the freestyle tumble turn. Journal of Science and Medicine in Sport. 1999; 2: 106-116.
Thayer, A.L., and Hay, J.G. Motivating start and turn improvement. Swimming Technique1984: 17-20.
Takahashi, G., Yoshida, A. et coll.. Propulsive force generated by swimmers during a turning motion. In: A.P. Hollander (ed.), Biomechanics and medicine in swimming: proceedings of the Fourth International Symposium of Biomechanics in Swimming and the Fifth International Congress on Swimming Medecine, pp. 192-198: Champaign III. Human Kinetics Publishers; 1982.