S646 - Les qualités de service et de retour de service en tennis sont déterminantes sur terre battue
AVANT-PROPOS
L’analyse notationnelle est une technique d’analyse de la performance sportive basée sur le codage systématique, au cours du temps, de caractéristiques de la situation sportive observée. Ces caractéristiques sont déterminées préalablement au codage et deviennent, dès lors, les « indicateurs de la performance ». Ces indicateurs constituent une grille de lecture de la performance sportive analysée et permettent ainsi de dépasser le jugement subjectif du simple observateur. Les informations issues d’une analyse notationnelle (d’un match par exemple) peuvent être exploitées par l’entraîneur comme des feedbacks donnés aux athlètes, afin, notamment, d’améliorer leur prise de décision. Ces informations peuvent également venir renforcer les connaissances générales sur la discipline considérée.
Gillet E, Leroy D et coll. ont procédé à une analyse notationnelle en tennis lors de l’Open de France Grand Slam (compétition sur terre battue) en 2005 et 2006, afin d’étudier les stratégies de service et de retour de service utilisées, et de déterminer l’influence de celles-ci sur l’issue du point. Cette investigation a été motivée par la sensation que le service et le retour de service sont deux actions qui ont une influence primordiale sur l’issue d’un match (même sur terre battue, surface dite « lente »). D’autres auteurs (O’Donoghue PG et Ingram B, 2001) ont d’ailleurs démontré que la proportion de points gagnés après un service valide est corrélée positivement à la vitesse du service (pour le premier service comme pour le second).
Les vidéos de 116 à 126 matchs ont donc été analysées par Gillet E, Leroy D et coll. au regard des indicateurs de performance qu’ils avaient préalablement déterminés :
- le type de coup (premier ou second service ; retour en revers ou en coup droit),
- l’effet utilisé pour la frappe (slice, coup à plat, topspin),
- la zone du terrain atteinte par la frappe,
- le type de point marqué (service-volée, retour-volée, point de fond de cours),
- le statut du joueur remportant le point (serveur vs relanceur).
L’analyse statistique des données recueillies montre que, de manière générale, plus de points sont marqués par le joueur en position de service (62,1 %) que par le joueur en position de retour de service (37,9 %). Plus précisément, pour l’ensemble des points marqués à la suite d’un premier service, on remarque qu’ils sont plus nombreux après un service « à plat » (57,6 %) qu’après un service lifté (24,1 %) ou slicé (18,3 %). Ajoutons à cela qu’une majorité de services est jouée sur le revers de relanceur (60 %).?Les auteurs expliquent ces données par des visées tactiques. Les premiers services à effets (topspin ou slice) présentent une vitesse moindre que les premiers services à plat ; cependant, ils provoquent un rebond plus haut et permettent au serveur de trouver des angles très fermés. Ainsi, les premiers services à effet seraient utilisés dans une intention tactique : prendre le dessus pour enchaîner par un coup offensif. D’ailleurs, l’utilisation du topspin permet de conserver un haut niveau de points gagnés sur les balles de premier service (52,4 %). Mais surtout, cette stratégie de spin est majoritairement utilisée (91,6 %) sur les seconds services (situations qui obligent habituellement le serveur à prendre moins de risque sur la validité de son service que lors de la première balle de service). Dans ce cas, les zones visées sont le « T » central ou la zone latérale, selon le côté d’où s’effectue le service.
D’autre part, concernant les relanceurs, les points qu’ils gagnent sont plus nombreux après un retour de service atteignant la zone centrale du serveur (65,9 %) qu’après un retour de service atteignant une zone latérale (34,1 %) ; ceci est vrai à la fois sur les balles de premier service et sur les balles de second service.?Les auteurs expliquent cela par la nécessité de trouver un compromis entre vitesse et précision du coup (frapper fort, mais précisément, malgré un temps de préparation court). De plus, il semblerait que les serveurs aient plus de difficultés à tourner autour d’une balle (rapide) renvoyée dans la zone centrale que d’aller vers une balle (plus lente) renvoyée sur un côté. Ainsi, le retour de service dans la zone centrale du serveur réduirait les possibilités de ce dernier lors de sa seconde frappe. Toutefois, sur une deuxième balle de service, le nombre de retour sur les côtés est plus important, indiquant probablement que les espoirs de gagner le point avec ce genre de retour sont plus grands.
Ainsi, services et retours de service sont déterminants pour le gain du match, y compris sur terre battue. Sur cette surface, il vaut vraisemblablement mieux opter pour un jeu d’attaquant, organisé autour de bonnes capacités de serveur et de retourneur. D’autre part, il semble que seuls les retours agressifs (retour long et fort dans la zone centrale sur une balle de premier ou de deuxième service ou retour court croisé sur une balle de deuxième service) permettent d’éviter au retourneur d’être placé dès le début de l’échange en position de défense, tout en conservant l’adversaire (le serveur) derrière sa ligne de fond de cours.
Source primaire
Gillet E, Leroy D et coll. A notational analysis of elite tennis serve and serve-return strategies on slow surface. Journal of Strength Conditionning Research 2009;23:532-539 (www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/19197212).
Rédacteur
Killian Bouillard
master 2 EPI, université de Nantes, STAPS
Éditeur
Caroline Carpentier
département du sport de haut niveau (INSEP)
Mots-clés
Tennis, terre battue, service, retour de service, analyse notationnelle
Lectures suggérées
O' Donoghue P, Ingram B. A notational analysis of elite tennis strategy. J Sports Sci. 2001;19:107-15 (www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/11217009).
O'Donoghue PG. The most important points in grand slam singles tennis. Res Q Exerc Sport. 2001;72:125-31 (www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/11393875)