La capacité à prédire une performance dans les épreuves de longue durée est d’un grand intérêt pour l’athlète et l’entraîneur. En effet, elle permet de prescrire des intensités d’entraînement à l’allure spécifique, de déterminer des stratégies de course, ou encore de contrôler les temps de passage durant la compétition.

La relation entre le temps et la distance (ou vitesse) de course est depuis longtemps utilisée pour cet objectif. Cependant, les modèles mathématiques utilisant cette relation fournissent des prédictions précises pour des épreuves de moyenne durée, et non pour les compétitions plus longues comme le marathon. Ce manque de validité dans la prédiction des performances de longue durée est probablement lié à la relation hyperbolique entre le temps et la vitesse, ou par le fait que la relation entre le temps et la distance n'est pas strictement linéaire après 40 minutes de course (Vandewalle et al., 1997).

À partir de données empiriques, Mercier et al. (1984) ont développé un nomogramme (voir figure 1 : https://notyss.com/savoirsport/downloadfile?id=151&fichier=S663_figure1.doc ) qui permet, en utilisant deux performances récentes en course à pied, d(‘/e) :

1) d'estimer la consommation maximale d’oxygène;

2) d'évaluer l’endurance aérobie, et;

3) de prédire des performances comprises entre 3 000 m et le marathon.

À l’heure actuelle, la validité de ce nomogramme – quant à sa capacité à prédire la consommation maximale d’oxygène et l’endurance aérobie – a déjà été montrée (Tokmakidis et al., 1987). Cependant, une telle information est manquante en ce qui concerne la prédiction des performances en course à pied.

L’objectif de la présente étude était de comparer les performances prédites par le nomogramme aux performances réelles obtenues sur 10 km, 20 km et marathon.

MÉTHODE

Pour cette étude, les bilans masculins français (en course sur route) sur 10 km, 20 km et marathon, de 2002 à 2006, ont été recueillis sur le site officiel de la Fédération française d’athlétisme. Une fois ces données obtenues, tous les athlètes masculins (âgés de 21 à 50 ans) ayant réalisé une performance sur ces trois distances au cours de la même année (n = 330) ont été retenus pour l’analyse.

Ensuite, pour chaque athlète et sur chaque distance, une performance était prédite à l’aide du nomogramme à partir des deux autres performances. Ces prédictions se faisaient soit par interpolation (pour le 20 km), soit par extrapolation (pour le 10 km et le marathon).

Les performances prédites étaient ensuite comparées aux performances réelles, afin de tester la validité prédictive du nomogramme.

RÉSULTATS

Les performances moyennes pour le 10 km, le 20 km et le marathon étaient de 40,3 ± 4,3 min (comprises entre 30,9 et 51,1 min), 1 h 28 ± 10 min (comprises entre 1 h 04 et 1 h 53) et 3 h 25 ± 29 min (comprises entre 2 h 25 et 4 h 34), respectivement.

Le nomogramme surestimait en moyenne la performance au 10 km de 13 s et sous-estimait en moyenne la performance sur 20 km de 27 s (p < 0,05). Aucune différence significative n’était trouvée pour le marathon. De plus, quelle que soit la distance analysée, les différences entre les performances prédites et les réelles étaient considérées comme statistiquement insignifiantes.?De plus, des corrélations élevées entre les performances prédites et réelles étaient trouvées (r > 0,89 ; p < 0,05).

Pour 95 % des nouvelles prédictions, la différence entre la performance prédite et la performance réelle serait de –0,22 ± 4,20 min pour le 10 km, 0,45 ± 5,32 min pour le 20 km, et de –1,42 ± 27,05 min pour le marathon.

DISCUSSION

Comme 1) les différences entre les performances réelles et prédites étaient considérées comme statistiquement insignifiantes, 2) l’erreur moyenne représentait seulement 0,55, 0,51 et 0,69 % des performances réelles sur le 10 km, le 20 km et le marathon, respectivement, et que 3) des corrélations élevées étaient trouvées entre les performances réelles et prédites, le nomogramme peut être considéré comme un outil valide pour prédire les performances de longue durée en course à pied. Par conséquent, en plus de pouvoir être utilisé pour estimer la consommation maximale d’oxygène ou évaluer l’endurance aérobie de l’athlète (Tokmakidis et al., 1987), le nomogramme de Mercier et al. (1984) peut être utilisé, chez les athlètes masculins, pour prédire des performances comprises entre le 10 km et le marathon.

Toutefois, pour améliorer la précision des prédictions, il semble préférable de prédire les performances par interpolation plutôt que par extrapolation. En effet, les limites de concordance étaient plus larges lorsque les performances étaient prédites sur le 10 km et le marathon en comparaison aux prédictions sur le 20 km (respectivement 10,2, 13,2 et 6,1 % de la performance moyenne). Par conséquent, pour prédire avec un maximum de précision une performance à l’aide du nomogramme, il faut autant que possible que l’athlète obtienne une performance sur une distance plus courte et une autre sur une distance plus longue que la performance qui doit être prédite.

À l’aide des prédictions obtenues par le nomogramme, l’entraîneur pourra prescrire des intensités d’entraînement à l’allure spécifique de course, afin que l’athlète associe son allure moyenne de course à ses sensations (par exemple ventilation). De plus, ces prédictions vont permettre à l’athlète de contrôler ses temps de passage durant la compétition, et ainsi lui éviter d’avoir une allure inappropriée par rapport à ses capacités, et donc d’optimiser sa performance.

CONCLUSION

Le nomogramme de Mercier et al. (1984) est donc un outil de terrain valide qui permet d’estimer la consommation maximale d’oxygène, d’évaluer l’endurance aérobie et de prédire des performances comprises entre le 10 km et le marathon (chez les athlètes masculins).