Cette étude examine les relations entre l’oscillation du corps et la performance et entre l’oscillation du corps et le déplacement du point de visée, dans une approche inter et intra-individuelle chez des tireurs élites en carabine à 10 mètres. Des études antérieures ont montré que les tireurs élites ont des oscillations du corps de moindre amplitude (de moins de 1 mm dans les 4 s précédant le lâcher) que les tireurs non-élites et les non-tireurs. Cependant, ces études ne mettent pas en relation l’amplitude de ces oscillations avec la performance comparée de tireurs élites. Une première limite de ces études est qu’elles ne prennent en compte que le score comme indicateur de performance. Or d’autres facteurs, comme la pression sur la queue de détente, sont indépendants des oscillations du corps et peuvent provoquer des mouvements de l’arme et donc influencer la performance. La mesure des déplace­ments du point de visée, témoin de la stabilité de l’arme, devrait avec le score permet­tre d’établir l’influence des oscillations du corps sur le tir. La seconde limitation est qu’elles s’appuient sur une analyse interindividuelle sans analyse intra-individuelle.

MÉTHODES

Population : Les six athlètes élites (deux femmes et quatre hommes) étaient membres de l’Équipe olympi­que australienne (âge : 22,2 ± 2,6 ans).

Tâche : Une compétition simulée a été organisée conformément aux règles du tir à la cara­bine à 10 m debout avec les cibles réglementaires en carton. Les tireurs utilisaient leur carabine personnelle et portaient leur tenue de tir. Après échauffement et entraînement, les athlètes ont effectué 20 tirs debout.

Mesure des oscillations du corps : Les déplacements de centre des pressions (COP), utilisés comme indicateurs des oscillations du corps, ont été enregistrés à partir d’une plateforme de force AMTI LG6-4 de 120 x 60 cm sur laquelle se tenaient les tireurs. Un microphone sensible permettait de synchroniser la plateforme, l’instant du tir et le système d’enregistrement des déplacements du point de visée (SCATT Shooting Performance and Analysis Sys­tem). Les données étaient acquises sur les 5 s précédant le lâcher. À la suite d’une analyse en composantes principales, les 16 paramètres initiaux relatifs aux oscillations du corps ont été regroupés en quatre groupes de facteurs, représentés cha­cun par un paramètre : - longueur COPx : longueur totale (en mm) du déplacement du COP en x (perpendicu­laire à l’axe de tir) (voir figure 1: https://notyss.com/savoirsport/downloadfile?id=441&fichier=S280_figure1.doc ) ; - étendue COPx : différence entre la distance (en mm) maximale et minimale de la posi­tion du COP en x (perpendiculaire à l’axe de tir) (voir figure 1) ; - longueur COPy : longueur totale (en mm) du déplacement du COP en y (parallèlement à l’axe de tir) ; - étendue COPy : différence entre la distance (en mm) maximale et minimale de la posi­tion du COP en y (parallèlement à l’axe de tir). Ces quatre paramètres ont été mesurés sur trois périodes : de -5 s au lâcher, de -3 s au lâcher et de -1 s au lâcher.

Mesure de la performance de tir et des déplacements du point de visée : La performance de tir a été mesurée à partir de trois paramètres : - le score : mesuré automatiquement au 1/10e près à partir de 10.9 au centre de la mouche (règlement de l’Union internationale de tir) ; - Pos X : coordonnée horizontale du tir par rapport au centre (mm) ; - Pos Z : coordonnée verticale du tir par rapport au centre (mm).

La mesure des déplacements du point de visée repose sur quatre paramètres : - Std10.0 : pourcentage du temps passé par le point de visée dans le 10, utilisé comme indica­teur de la précision de la visée ; - Std10a0 : pourcentage du temps passé par le point de visée dans une surface égale à celle du 10, utilisé comme indicateur de la stabilité de la visée ; - longueur X : composante horizontale du déplacement du point de visée (mm) ; - longueur Z : composante verticale du déplacement du point de visée (mm). Ces quatre paramètres ont été mesurés sur trois périodes : de -5 s au lâcher, de -3 s au lâcher et de -1 s au lâcher.

RÉSULTATS

Les valeurs moyennes des performances aux tirs sont présentées dans le tableau 1 (voir tableau 1: https://notyss.com/savoirsport/downloadfile?id=441&fichier=S280_tableau1.doc ). Le tableau 2 (voir tableau 2: https://notyss.com/savoirsport/downloadfile?id=441&fichier=S280_tableau2.doc ) présente les valeurs moyennes du groupe, pour les paramètres de dépla­cement du point de visée, mesurées sur les 5, 3 et 1 dernières secondes. Le tableau 3 (voir tableau 3: https://notyss.com/savoirsport/downloadfile?id=441&fichier=S280_tableau3.doc ) présente les valeurs moyennes du groupe, pour les paramètres d’oscilla­tions du corps, mesurées sur les 5, 3 et 1 dernières secondes.

Oscillation du corps et performance : L’analyse interindividuelle ne révèle aucune corrélation statistiquement significa­tive entre les paramètres de déplacement du corps et les paramètres de la performance : les déplacements du corps ne permettent pas de prévoir les performances des athlètes élites en tir à la carabine debout à 10 m. Par contre, l’analyse intra-individuelle montre que chez un tireur, les paramètres de la performance en tir dépendent de l’amplitude des déplacements du corps : l’augmenta­tion des déplacements du centre de gravité se traduit par une diminution des scores et une augmentation des erreurs de visée qui diffèrent selon les individus.

Oscillation du corps et déplacement du point de visée : L’analyse interindividuelle ne révèle aucune corrélation statistiquement significa­tive entre les paramètres de déplacement du corps et les paramètres de dépla­cement du point de visée : les déplacements du corps ne permettent pas de prévoir les déplacements du point de visée des athlètes élites en tir à la carabine debout à 10 m. Par contre, l’analyse intra-individuelle montre que, chez chaque tireur, au moins un paramètre des déplacements du corps permet de prévoir les déplacements du point de visée.

CONCLUSIONS

L’analyse interindividuelle ne montre pas de corrélation significative en­tre les déplacements du corps et les performances chez des tireurs élites à la carabine à 10 m.

L’analyse intra-individuelle, par contre, montre que chaque individu met dif­féremment en relation les déplacements du corps et la performance se­lon les paramètres de performance et le moment de la mesure.

De même, l’analyse interindividuelle ne montre pas de corrélation significa­tive entre les déplacements du corps et les déplacements du point de visée chez des tireurs élites à la carabine à 10 m.

Par contre, l’analyse intra-individuelle montre que chaque individu met diffé­remment en relation les déplacements du corps et les déplacements du point de visée selon les paramètres de performance et le moment de la mesure.

L’analyse de corrélations montre qu’en général, pour un individu donné, une augmentation des dé­placements du corps est associée avec une augmentation des déplace­ments du point de visée et une diminution de la performance. Toutefois, deux tireurs (R2 et R6) ont une augmentation des déplacements du corps asso­ciée avec une diminution des erreurs de visée.

Le système SCATT, qui donne des résultats sur des périodes de temps qui se chevauchent (5 s avant le tir, 3 s avant le tir et 1 s avant le tir), ne permet pas une analyse fine des données, réduit l’information disponible et in­duit des erreurs d’interprétation.

Les relations posture–point de visée–performance sont spécifiques à chaque tireur et ne peuvent pas être évaluées sur la base d’un seul et même paramètre.