S424 - Une méthode simple pour mesurer la raideur d’un coureur lors de la course à pied
INTRODUCTION
Plusieurs outils permettent de compléter l’analyse visuelle des entraîneurs pour évaluer la qualité technique de la foulée de leurs athlètes lors de la course à pied. La mesure des forces appliquées au sol et/ou celle de l’abaissement du centre de masse (CM) peuvent être des critères quantifiés. Cependant, une des difficultés majeures concernant la mesure de ces deux variables réside dans le fait qu’elle requiert l’utilisation de plates-formes de force disposées en série, voire d’un équipement d’analyse vidéo très coûteux et difficile à manipuler dans le cadre d’une pratique routinière de terrain.
Très avantageusement, la raideur de la jambe d’appui est le reflet de ces deux paramètres (forces appliquées et abaissement du CM). En effet, lors de la course à pied, les actions des différents éléments locomoteurs sont intégrées de manière à ce que le corps (ou système musculo-squelettique global) se comporte comme un simple système masse-ressort. La raideur de ce ressort est alors définie par le rapport entre la force de réaction au sol et le déplacement maximal du centre de masse. L’entraîneur et l’athlète peuvent utiliser ce paramètre biomécanique pour évaluer la qualité de la course à pied de manière complémentaire aux indices subjectifs et objectifs dont ils disposent. Pour ne donner qu’un seul exemple, lors d’une course menée jusqu’à épuisement, la diminution de la raideur peut être évocatrice de l’installation d’une fatigue neuromusculaire, et ce, bien avant l’apparition des modifications des paramètres d’amplitude ou de fréquence de la foulée (Dutto et al., 2002).
La présente fiche a pour but de présenter l’étude de Morin et coll. (2005) dont l’objectif est de valider une méthode de calcul de raideur à partir des seuls paramètres suivants : les temps de vol et de contact, la vitesse de course, la longueur du membre inférieur et la masse corporelle. Cette fiche a été également réalisée afin de rendre accessibles les équations permettant ces calculs.
MÉTHODE
La validation de la méthode est testée pendant une course sur tapis roulant et pendant une course sur piste.
PROTOCOLE SUR TAPIS ROULANT
Huit sujets courent à huit vitesses (de 12 à 24 km×h-1) pendant 30 secondes sur un tapis roulant équipé d’une plate-forme de force (HEF Techmachine). La vitesse de course, les temps de vol et de contact, et la force verticale de réaction au sol sont moyennés à chaque vitesse sur 10 foulées consécutives. Protocole sur piste Dix coureurs de demi-fond élites courent à 14,4, 18,0, 21,6 et 25,2 km×h-1 sur une piste équipée de plates-formes de force (Kistler) montées en série sur une longueur de 10 m. La vitesse est mesurée à l’aide de cellules photoélectriques placées au début et en fin de cette zone de 10 m. Les mêmes paramètres (voir ci-dessus) sont mesurés sur une seule foulée. Méthode de référence À partir de la mesure de la composante verticale de la force de réaction au sol, deux types de raideur sont calculés :
- kleg (en kN×m-1), qui représente la raideur du membre inférieur en tant que telle et décrit à ce titre le système musculo-squelettique global pendant la phase d’appui au sol,
- kvert (en kN×m-1), qui représente la raideur verticale du coureur. Elle est censée donner des indications sur le mécanisme par lequel le sens de la vitesse verticale du centre de gravité est inversé pendant le contact.
Les deux paramètres doivent être distingués. Par exemple, pendant la course, la demande énergétique est inversement corrélée à kvert alors qu’elle n’est pas corrélée à kleg. Par ailleurs, l’augmentation de la vitesse n’a pas (ou que très peu) d’effets sur kleg alors que kvert y est très sensible (voir en annexe le calcul de ces deux raideurs).
MÉTHODE PROPOSÉE : MODÈLE SINUSOÏDAL
La méthode proposée ici est basée sur un modèle qui considère que la force d’appui au sol est une simple fonction sinusoïdale par rapport au temps :
F(t) = Fmax.sin(p/tc.t)
où Fmax est le pic de force (en N) et tc le temps de contact (en s) lors de la phase d’appui au sol.
La validité de ce postulat est contrôlée par comparaison, pour chaque appui analysé, entre les aires sous la courbe, des relations Force-Temps mesurées et modélisées (figure 1).
Ce modèle permet d’obtenir :
- la raideur verticale modélisée (voir annexe ; pour une application du traitement des données, voir également la figure 2 qui présente de mode de calcul à partir d’une feuille de tableur).
- la raideur du membre inférieur modélisée (voir annexe et figure 3).
Afin de comparer les deux méthodes, pour chaque variable, la valeur absolue moyenne de l’erreur (Biais) a été calculée comme suit :
| (Modèle sinusoïdal – Méthode de référence) / Méthode de référence | ´ 100
RÉSULTATS
En ce qui concerne l’aire sous la courbe des relations Force-Temps, le biais de la méthode modélisée est de 5,33 % sur le tapis roulant et 2,93 % sur piste. Pour la raideur verticale et la raideur du membre inférieur, le biais de la méthode sinusoïdale est respectivement de 0,12 et 6,05 % par rapport à la méthode de référence sur tapis roulant. Il est respectivement égal à 2,30 et 2,54 % par rapport à la méthode de référence sur piste. De plus, pour ces deux paramètres de raideur, les régressions linéaires référence-modèle sont significatives (P < 0,01 ; R2 = 0,89 à 0,98) et ce, quelle que soit la condition du test (tapis roulant ou piste).
PROPOSITION
La faible erreur obtenue entre les valeurs calculées à partir des mesures de plate-forme de force et du modèle sinusoïdal (de 0,12 à 6 %) ainsi que les coefficients de détermination élevés (R2 de 0,89 à 0,98) démontrent la validité de la méthode de calcul proposée. Cette validité a été testée à partir d’une large fourchette de vitesse (de 12 à 26 km/h) avec des coureurs de différents niveaux (de coureurs occasionnels à des spécialistes de demi-fond). Ceci conduit les auteurs à proposer l’utilisation de cette méthode à des vitesses de course sous-maximales ou maximales, et ce, tant avec des non-spécialistes que des athlètes élites. L’intérêt majeur étant de s’affranchir de la plate-forme de force et donc de pouvoir réaliser ces évaluations de raideur dans des conditions de terrain en mesurant les temps de vol et de contact ainsi que la vitesse de course. Afin de pouvoir utiliser simplement les formules relativement complexes décrites en annexe, les équations sont inscrites dans les figures 2 et 3 sur un tableur.
Annexe : https://notyss.com/savoirsport/downloadfile?id=306&fichier=S424_annexe1.doc
Plusieurs outils permettent de compléter l’analyse visuelle des entraîneurs pour évaluer la qualité technique de la foulée de leurs athlètes lors de la course à pied. La mesure des forces appliquées au sol et/ou celle de l’abaissement du centre de masse (CM) peuvent être des critères quantifiés. Cependant, une des difficultés majeures concernant la mesure de ces deux variables réside dans le fait qu’elle requiert l’utilisation de plates-formes de force disposées en série, voire d’un équipement d’analyse vidéo très coûteux et difficile à manipuler dans le cadre d’une pratique routinière de terrain.
Très avantageusement, la raideur de la jambe d’appui est le reflet de ces deux paramètres (forces appliquées et abaissement du CM). En effet, lors de la course à pied, les actions des différents éléments locomoteurs sont intégrées de manière à ce que le corps (ou système musculo-squelettique global) se comporte comme un simple système masse-ressort. La raideur de ce ressort est alors définie par le rapport entre la force de réaction au sol et le déplacement maximal du centre de masse. L’entraîneur et l’athlète peuvent utiliser ce paramètre biomécanique pour évaluer la qualité de la course à pied de manière complémentaire aux indices subjectifs et objectifs dont ils disposent. Pour ne donner qu’un seul exemple, lors d’une course menée jusqu’à épuisement, la diminution de la raideur peut être évocatrice de l’installation d’une fatigue neuromusculaire, et ce, bien avant l’apparition des modifications des paramètres d’amplitude ou de fréquence de la foulée (Dutto et al., 2002).
La présente fiche a pour but de présenter l’étude de Morin et coll. (2005) dont l’objectif est de valider une méthode de calcul de raideur à partir des seuls paramètres suivants : les temps de vol et de contact, la vitesse de course, la longueur du membre inférieur et la masse corporelle. Cette fiche a été également réalisée afin de rendre accessibles les équations permettant ces calculs.
MÉTHODE
La validation de la méthode est testée pendant une course sur tapis roulant et pendant une course sur piste.
PROTOCOLE SUR TAPIS ROULANT
Huit sujets courent à huit vitesses (de 12 à 24 km×h-1) pendant 30 secondes sur un tapis roulant équipé d’une plate-forme de force (HEF Techmachine). La vitesse de course, les temps de vol et de contact, et la force verticale de réaction au sol sont moyennés à chaque vitesse sur 10 foulées consécutives. Protocole sur piste Dix coureurs de demi-fond élites courent à 14,4, 18,0, 21,6 et 25,2 km×h-1 sur une piste équipée de plates-formes de force (Kistler) montées en série sur une longueur de 10 m. La vitesse est mesurée à l’aide de cellules photoélectriques placées au début et en fin de cette zone de 10 m. Les mêmes paramètres (voir ci-dessus) sont mesurés sur une seule foulée. Méthode de référence À partir de la mesure de la composante verticale de la force de réaction au sol, deux types de raideur sont calculés :
- kleg (en kN×m-1), qui représente la raideur du membre inférieur en tant que telle et décrit à ce titre le système musculo-squelettique global pendant la phase d’appui au sol,
- kvert (en kN×m-1), qui représente la raideur verticale du coureur. Elle est censée donner des indications sur le mécanisme par lequel le sens de la vitesse verticale du centre de gravité est inversé pendant le contact.
Les deux paramètres doivent être distingués. Par exemple, pendant la course, la demande énergétique est inversement corrélée à kvert alors qu’elle n’est pas corrélée à kleg. Par ailleurs, l’augmentation de la vitesse n’a pas (ou que très peu) d’effets sur kleg alors que kvert y est très sensible (voir en annexe le calcul de ces deux raideurs).
MÉTHODE PROPOSÉE : MODÈLE SINUSOÏDAL
La méthode proposée ici est basée sur un modèle qui considère que la force d’appui au sol est une simple fonction sinusoïdale par rapport au temps :
F(t) = Fmax.sin(p/tc.t)
où Fmax est le pic de force (en N) et tc le temps de contact (en s) lors de la phase d’appui au sol.
La validité de ce postulat est contrôlée par comparaison, pour chaque appui analysé, entre les aires sous la courbe, des relations Force-Temps mesurées et modélisées (figure 1).
Ce modèle permet d’obtenir :
- la raideur verticale modélisée (voir annexe ; pour une application du traitement des données, voir également la figure 2 qui présente de mode de calcul à partir d’une feuille de tableur).
- la raideur du membre inférieur modélisée (voir annexe et figure 3).
Afin de comparer les deux méthodes, pour chaque variable, la valeur absolue moyenne de l’erreur (Biais) a été calculée comme suit :
| (Modèle sinusoïdal – Méthode de référence) / Méthode de référence | ´ 100
RÉSULTATS
En ce qui concerne l’aire sous la courbe des relations Force-Temps, le biais de la méthode modélisée est de 5,33 % sur le tapis roulant et 2,93 % sur piste. Pour la raideur verticale et la raideur du membre inférieur, le biais de la méthode sinusoïdale est respectivement de 0,12 et 6,05 % par rapport à la méthode de référence sur tapis roulant. Il est respectivement égal à 2,30 et 2,54 % par rapport à la méthode de référence sur piste. De plus, pour ces deux paramètres de raideur, les régressions linéaires référence-modèle sont significatives (P < 0,01 ; R2 = 0,89 à 0,98) et ce, quelle que soit la condition du test (tapis roulant ou piste).
PROPOSITION
La faible erreur obtenue entre les valeurs calculées à partir des mesures de plate-forme de force et du modèle sinusoïdal (de 0,12 à 6 %) ainsi que les coefficients de détermination élevés (R2 de 0,89 à 0,98) démontrent la validité de la méthode de calcul proposée. Cette validité a été testée à partir d’une large fourchette de vitesse (de 12 à 26 km/h) avec des coureurs de différents niveaux (de coureurs occasionnels à des spécialistes de demi-fond). Ceci conduit les auteurs à proposer l’utilisation de cette méthode à des vitesses de course sous-maximales ou maximales, et ce, tant avec des non-spécialistes que des athlètes élites. L’intérêt majeur étant de s’affranchir de la plate-forme de force et donc de pouvoir réaliser ces évaluations de raideur dans des conditions de terrain en mesurant les temps de vol et de contact ainsi que la vitesse de course. Afin de pouvoir utiliser simplement les formules relativement complexes décrites en annexe, les équations sont inscrites dans les figures 2 et 3 sur un tableur.
Annexe : https://notyss.com/savoirsport/downloadfile?id=306&fichier=S424_annexe1.doc
Source primaire
Morin JB, Dalleau G et all. A simple method for measuring stiffness during running. J Appl Biomech 2005;21:167-80.Rédacteur
Giuseppe Rabitaenseignant-chercheur, laboratoire de biomécanique et de physiologie
http://biomeca.campus-insep.com/
Éditeur
Jean Slawinskienseignant-chercheur, laboratoire de biomécanique et de physiologie, Insep
http://biomeca.campus-insep.com
Mots-clés
Modèle masse-ressort, modélisation, calcul pratiqueLectures suggérées
Arampatzis A, Bruggemann GP and Metzler V. The effect of speed on leg stiffness and joint kinetics in human running. J Biomech 1999;32:1349-53.Dalleau G, Belli A et al. A simple method for field measurements of leg stiffness in hopping. Int J Sports Med 2004;25:170-6.
Dutto DJ, Smith GA. Changes in spring-mass characteristics during treadmill running to exhaustion. Med Sci Sports Exerc 2002;34:1324-31.
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